qu'il y avoit de la mésintelligence entre le Viceroy de Naples & Laurent de Medicis, qui commandoit l'ar- AM.1515. mée du pape, & voici quelle en fut l'occasion. LXI. fonds qu'il faut Comme Cinthio venoit de traiter de la part du Cardonne conpape avec le roi de France, il fut arrêté par les Espa-noit le peude gnols, quilui prirent ses papiers, ou lettres de créance, faire fur l'allian& les porterent au viceroy de Naples leur géneral.Celui- ce du pape. ci les lut, & connut par le contenu de ces lettres, que le pape avoit non seulement negocié avec les François, mais étoit encore presque d'accord avec eux fans sa participation; il soupçonna aussi-tôt que ce ne pouvoit être qu'aux dépens du roi Catholique son maître; fa défiance n'étoit pas seulement fondée sur les lettres de Cinthio, il avoit encore depuis deux jours intercepté une lettre de Laurent de Medicis neveu du pape, dans laquelle il protestoit à François I. que c'étoit contre son gré qu'il commandoit l'armée ecclesiastique contre sa majesté, & l'assuroit qu'il serviroit la France autant que sa réputation, & ce qu'il devoit à son oncle le permettroient. Cardonne par tous ces faits, connut quel fond il falloit faire sur un allié tel que le pape. Néanmoins on relâcha Cinthio, pour faire voir au pape & à fes alliez, qu'il avoit découvert toutes leurs intrigues. Et afin de s'assurer encore davantage de la prévarication de Laurent de Medicis, il lui proposa, s'il étoit poffi- Pô pour joindre ble, de joindre l'armée des confederez à celle des Suisses, les Suifles. & lui conseilla de le tenter; il lui dit même qu'il y avoit de la lâcheté, ou au moins de l'indolence de tenir son armée d'un côté du Pô dans l'inaction, pendant que ses alliez étoient prêts d'en venir aux mains de l'autre côté du fleuve. Laurent qui se défioit du viceroy, parut être du même sentiment; il dit que les confederez de Tome XXV, Bbb LXII. L'armée des confederez ten te de passer le : LXIII. AN.1515. voient se hâter de passer le Pô, & qu'après avoir manqué deux fois de parole aux Suisses, il étoit à craindre qu'une troisième fois n'obligeât cette nation à se déclarer pour les François, malgré toutes les intrigues du cardinal de Sion, & ne leur ouvrît par-là un chemin aifé à la conquête de l'Italie. Cet avis fut donc suivi & le pont fut jetté près de Cremone; les Espagnols pafferent les premiers; l'armée ecclefiaftique voulut differer jusqu'au lendemain, & les coureurs que Cardonne avoit envoyez la nuit du côté de Lody, lui ayant rapporté que l'Alviane paroissoit de l'autre côté en bataille, & que deux compagnies de lances Françoises étoient entrées dans cette ville; l'armée ennemie en fut tellement effrayée, qu'elle repafsa le fleuve avec beaucoup de confusion, sans qu'il fût possible de la retenir, & les deux géneraux prirent le parti d'attendre à Plaisance, l'évenement de la démarche des François. L'Alviane l'o blige à fe reti rer dans l'inac tion. IXIV. Les Suiffes viennent attaquer l'armée Les Suisses lassez de demeurer dans leur camp de Monza, étoient venus camper sous Milan; & les François pour leur faire voir qu'ils ne les apprehendoient point, firent avancer leur avant-garde à saint Donat, entre cette capitale & Marignan. Le cardinal de Sion qui haiffoit mortellement la France, assembla toute l'armée des Cantons, & lui parla avec tant de feu fur la facilité qu'il y avoit à remporter la victoire, sur le gain immense qui lui étoit préparé, & la gloire d'avoir vaincu un grand roi à la tête de toures ses troupes, que les Suisses fe fur le champ prirent les armes, sortirent de Milan, & Françoise à Ma- vinrent attaquer l'armée Françoise, qui étoit à deux rignan. Belcar. l. 15. §. 20. Simler. rep. Hetu. L... lieuës de la ville, n'ayant pris avec eux qu'une vingtaine de petites pieces d'artillerie. Ils étoient près de quarante mille fantassins, avec sept ou huit cens cavaliers 1 Mariana, l. 30. Italiens. Ils ne prirent ni leurs fifres, ni leurs tambours, dans le dessein fans doute de mieux surprendre leurs AN.1515. ennemis. L'Alviane étoit dans le camp des François, & n. 126. s'entretenoit avec le roi, lorsque le connétable de Bourbon envoya dire à sa majesté, que l'ennemi venoit les attaquer : le general Venitien monta aussi-tôt à cheval, & courut du côté de Lody, pour amener promptement quelque partie de sa cavalerie au secours des François, qui eurent à peine le loisir de se mettre en bataille à la tête de leur camp, pour recevoir les Suiffes. LXV. Bataille de Ma rignan, où les tus. Suifles font bar- Déja le connétable avoit rangé l'avant-garde qu'il commandoit, & mis les lansquenets à la garde de l'ar tillerie, quand les Suisses vinrent droit au canon, dont ils vouloient se saisir, pour en faire usage contre la cavalerie Françoise. La Palice commandoit l'arriere-garde, Paul. Joveslis. & le roi étoit au corps de bataille. L'artillerie qui étoit nombreuse & bien servie, faisoit un terrible ravage dans les bataillons Suisses, qui tâchoient de forcer les retranchemens. Le connétable les soutint sans perdre de terrain, jusqu'à ce que le roi vînt à son secours avec le corps de bataille. Ce Prince étoit reconnoissable par sa cotte d'armes semée de fleurs de lys brodées, & fon casque sur lequel il y avoit une couronne d'or; il chargea lui-même les Suisses à la tête de sa gendarmerie, Toutint les lansquenets avec une valeur extrême, & reçut sur sa cuiraffe un coup de pertuisanne, avec plusieurs coups de pique sur sa cotte d'armes; mais les Suiffes pour être repoussez, ne se crurent pas vaincus. Pendant que le roi chargeoit d'un côté, les bandes noires qui avoient été levées dans la province de Gueldres, arriverent de l'autre, & regagnerent une partie de l'artillerie, dont les Suisses s'étoient déja rendus maîtres; on en fit un 1 ne les grand carnage; les lansquenets craignans qu'on AN.1515. trahit pour les livrer aux Suiffes leurs ennemis, lâche LXVI. La nuit met fin rent le pied d'abord; mais convaincus du contraire, ils se rallierent, & le defir de réparer leur faure par un effort extraordinaire, leur fit enfoncer le premier bataillon Suiffe, qui se presenta pour les recevoir: en un mot le combat fut d'autant plus terrible, qu'il devint gé neral. Il avoit commencé le treizième de Septembre vers à la bataille fans les deux heures après midi, & il y avoit cinq heures aucune décision. Raynald. an. ISIS.N. 20. LXVII. qu'on se battoit, lorsque la nuit devint fi noire, qu'on ceffa de charger, parce qu'on ne pouvoit plus se reconnoître. Le comte de Beaumont frere du connétable, le comte de Sancerre & le feigneur d'Imbercourt, furent tuez ce jour là; & le connétable lui-même auroit subi le même sort, sans dix ou douze cavaliers qui se serrerent autour de lui, & reçurent la plupart des coups qu'on lui portoit. Le combat discontinua, & il se fit une cefsation d'armes qu'on n'avoit point demandée. Le roi n'étoit qu'à cinquante pas du plus gros bataillon des Suiffes, en danger d'être pris si on l'eût reconnu, mais il y avoit encore plus de peril à changer de place; prévoyant un second effort du côté des ennemis, il eut soin de remettre en ordre son infanterie, & de faire pointer avantageusement son canon sur les avenuës du camp. Il souffroit une foif extrême, & l'on cut affez de peine à lui apporter un verre d'eau claire, n'en trouvant que de mêlée avec le sang de ceux qu'on avoit tuez. Il se reposa tout armé sur une piece de bois, qui avoit servi d'affût à un canon, & il ne laissa pas de dormir affez profondément. Le lendemain quatorziénie de Septembre à l'aube du on recommence n. 126. Justiniani, 1.12. jour, les Suisses revinrent à la charge avec plus de vigueur que le jour précedent, & attaquerent le corps de AN. 1515. bataille où étoit le roi avec tant d'impetuosité que les le combat. bandes noires furent obligées de reculer plus de foixan- Meriana, 1. 30. te pas, & auroient été infailliblement renversées, fans Mocenigo, 1.6. le fracas que faisoit l'artillerie Françoise dans les bataillons ennemis. Galiot de Genoüillac qui la commandoit, dressa ses batteries avec tant d'adresse, que prenant les Suisses à revers & en flanc, il en fit un terrible carnage, & perça tous leurs bataillons. Il y avoit déja quatre heures que la bataille duroit, quand les Suisses defefperans d'enfoncer les bandes noires, tant qu'elles feroient soutenuës par la cavalerie du connétable, envoyerent la moitié de leurs gens attaquer l'armée Françoise par derriere; mais le duc d'Alençon qui commandoit ce corps, s'apperçut de la manœuvre, il attendit les Suisses dans un terrain découvert, il les chargea, & les obligea de se jetter dans un petit bois près de-là, où l'infanterie basque les tua tous jusqu'au dernier: & dans le même tems, le roi avoit huit cens gendarmes, acheva de mettre en déroute la gauche des Suisses, qui ne com- dumaréch. de battit plus que pour se retirer; ce qu'ils firent en affez aurang bon ordre pour des vaincus, parce qu'aucun ne se mit Paul. Fou. l. 150 en devoir de les poursuivre, à l'exception de l'Alviane, n. 126. qui les ayant voulu charger en queuë, connut bien-tôt parleur fiere résistance, qu'ils ne craignoient gueres les lances Italiennes. Il n'eut point d'autre part dans cette bataille, quoiqu'il y ait des historiens qui lui ayent attribué, sans aucune raison, le gain de la victoire. Dans les mem. Guicciard. 1.12. Mariana, l. 300 LXVIN. Perte des deat Outre les morts de la journée précedente, il yeutde tuez dans celle-ci sur la fin de la bataille, François de la bataille. Trimoüille prince de Talmont fils de Louis, Buffy côtez dans cette Bbb iij |