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dans le château de Simancas ; & quoique Ferdinand fe fût rendu à Calatayud avec le prince Ferdinand fon petit-fils, pour réduire les Grands, fon voyage fut inutile, il ne put ni par careffes, ni par menaces gagner les Arragonois qui ne furent pas affez fenfibles à la prifon de leur chancelier, pour confentir à la fuppreffion d'un privilege qu'ils avoient fort à cœur.

La fatigue du voyage & le chagrin ne contribuerent pas peu à augmenter la maladie du roi Catholique qui fe vit pourtant obligé de partir en automne, & de retourner à Madrid, fans avoir pû rien obtenir des états d'Arragon pour fournir aux fais des guerres differentes dont il fe voyoit menacé. La reine ayant été contrainte de congédier les deputez, fe rendit à Lerida pour y tenir les états de Catalogne. Ferdinand fortit de Madrid pour aller à Placentia, d'où il se rendit à Seville où l'air étoit plus temperé pendant l'hyver. Comme fa fanté diminuoit toujours, on en donna avis à l'archiducCharles; on lui manda que le jeune Ferdinand fon frere étoit fort avant dans les bonnes graces de fon ayeul; qu'il devoit tout craindre de cette prédilection, & prendre fes mefures pour s'affurer des royaumes qui devoient luiappartenir, & dont on pouvoit le fruftrer. Conformément à cet avis le confeil de Flandres jugea à propos d'envoyer enEspagnele fameux Adrien d'Utrecht doyen de Louvain, & précepteur du jeune prince. Mais comme il falloit ménager les défiances du foupçonneux Ferdinand, on prit pour prétexte de cet envoy la propofition du mariage de l'archiduc avec Renée de France, fille de Louis XII. Son instruction secrete portoit, qu'il observât les démarches de la cour d'Espagne, qu'il donnât avis de la fanté du roi ; & qu'en cas de mort, il prêt offeffion du royaume.

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XCIV.

Adrien arriva à la cour du roi Catholique vers le AN.1515. mois de Decembre, & y fut reçu d'abord avec beauArrivée du coup d'honneur ; mais comme il n'étoit pas habile en vain à la cour négociation, il ne put long-tems diffimuler. Le roi d'Espagne. ayant connu le véritable fujet de fon ambaffade, lui orin vita Caroli donna de fe retirer à Guadalupe dans le couvent des

doyen de Lou

Anton deVera

P. 14. in-4.

XCV. L'archiduc

du fecours de la France.

religieux de faint Jerôme. Quelque tems après Ferdinand voulut l'engager à folliciter l'éloignement de Chievres d'auprès de l'archiduc dont il étoit gouverneur. Le doyen le lui promit, s'imaginant que c'étoit le feul moyen de réconcilier le jeune Charles avec fon ayeul, & tous deux prirent des mesures ensemble pour y reuffir. Le roi Catholique voulut qu'on en dressât un projet, à quoi le doyen eut peine à confentir, néanmoins il fe laiffa fléchir, & le traité fut conclu. Chievres averti de ce qui fe tramoit, & perfuadé que le roi Catholique n'avoit pas long-tems à vivre, étant attaqué d'une hydropifie, repréfenta à l'archiduc qu'il n'y avoit point de tems à perdre, & qu'il falloit fonger à s'affurer d'une fucceffion qui lui appartenoit.

Il étoit impoffible de reuffir dans ce deffein fans être penfe à s'aflurer affuré du fecours de la France; Henri comte de Naffau y fut envoyé à cet effet: fon instruction contenoit trois chofes, le mariage de l'archiduc avec Renée de France, la restitution de la Navarre, & le fecours qu'on defiroit. Le comte ne trouva pas beaucoup de difficultez dans sa négociation. François I. offrit six cens mille écus pour la dor de Renée, il confentit que Ferdinand garderoit la Navarre tant qu'il vivroit; il promit enfin d'affifter l'archiduc, & le traité fut figné. Ferdinand informé de cette négociation, fit fon teftament, par lequel il difpofoit des monarchies, de la Castille à laquelle

on avoit uni la Navarre, & d'Arragon, en faveur de l'infant Ferdinand fon petit-fils, comme fi elles lui euffent appartenu au préjudice de Charles qui étoit l'aîné, & qu'il difoit être affez puiffant avec les Pays-Bas, & la fucceffion de fon ayeule maternelle. Comme Chievres étoit le plus grand obftacle à l'execution de ce deffein, le roi Catholique n'oublia rien pour l'éloigner ; mais il ne put réuffir, quoiqu'il y eût employé la follicitation d'Henri VIII. roi d'Angleterre, qui en fit preffer fortement l'archiduc par fon ambaffadeur. Sa maladie, fes inquiétudes & fes chagrins augmentoient tous les jours, & dans l'extrémité où il étoit, au lieu de penser à mettre ordre à fa conscience, il envoya confulter fur la durée de fa vie, une dévote d'Efpagne quon nommoit la Béate d'Avila. Cette fille en avoit impofé aux perfonnes les plus éclairées; & comme la confultation du roi lui faifoit beaucoup d'honneur, elle affura, comme de la part de Dieu, que le roi avoit encore long-tems à vivre, & feroit beaucoup de conquêtes; mais Dieu confondit les prétendues révélations de la Béate.

Ferdinand voulut retourner à Madrigalejo, petite maifon de Plaisance proche de Truxillo: ce fut en cet endroit que fa maladie augmenta de telle forte, qu'on n'eut pas de peine à lui perfuader qu'il n'étoit pas loin de fa fin. Dans cette extrêmité il caffa le teftament dont on vient de parler, par le confeil du docteur Laurent Galindez de Carvajal, du licentié Zapata, & de François de Vargas intendant de fes finances, trois des principaux de fon confeil, qui combattirent ce premier teftament par des raifons fifortes, qu'il ferendit, & en fit brûler l'original en fa préfence. Le projet de la monarchie univerfelle dont il étoit l'auteur, & auquel il

AN. 15 16.

XCVI.

Ferdinand fille dévote fur

confulte une

fa maladie. Pet.de Angl

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15. ep.485. er.

AN. 1516.

XCVII.

premier tefta

un autre en fa

les.

Mariaua,lib.

30.n.134.

mettoit un obftacle invincible par cette difpofition, l'emporta fur toute la tendreffè qu'il avoit pour l'infant Il cafle fon Ferdinand & l'obligea d'être favorable à l'archiduc ment, & en fait Charles. Il le déclara heritier des monarchies de Caftille veur de Chat & d'Arragon, & des couronnes qui y avoient été unies; & malgré la haine qu'il avoit toujours pour le cardinal Ximenès, il ne nomma régent de la Castille aprés sa mort, pendant la vie de la reine Jeanne fa fille, qu'on furnommoit la folle. On en dreffa l'acte, & l'on prit toutes les précautions néceffaires pour ôter toute la refsource au jeune Ferdinand,qu'on réduisit à un appanage de cinquante mille écus fur des domaines éloignez. Le roi voulut lui laiffer encore les trois grandes maîtrises; mais fes confeillers lui perfuaderent fi fortement qu'il ne falloit point les defunir de la couronne, qu'il fe rendit à leurs raisons.

CXVIII. Sa mort.

Ce fut la derniere difpofition du roi catholique. Le doyen de Louvain ayant appris le danger où il étoit, y accourut auffi-tôt, mais fon arrivée ne plut pas à ce prince, qui lui commanda auffi-tôt de retourner à Notre-Dame de Guadalupe auprés du prince Ferdinand. Dès que le doyen fut parti, il se confessa au pere Thomas de Marienço de l'ordre de faint Dominique. La reiGuicciard. lib. ne Germaine qui étoit à Lerida, en partit prompteAnton de Vera, ment, & fe rendit auprès de fon époux, la veille qu'il dans la vie de acheva fon teftament. Enfin il mourut le mercredi fuiMariana, 30. vant vingt-troifiéme de Janvier 1516. à une heure Cet auteur fi après midi, revêtu de l'habit de faint Dominique, dans nit fon hiftoire la foixante & troifiéme année de fon âge, la trente-feptiéme de fon regne dans l'Arragon depuis la mort de Jean II. fon pere, & la vingt-quatrième en Caftille depuis la mort d'Henri frere d'Ifabelle fon épouse. Il en

12.

Charles V.p.14.

n. 134.

à la mort de ce

prince.

XCIX.
Le cardinal
Ximenès eft re-

avoit eu un fils, qui mourut fans pofterité, & fut tué à la chaffe d'une chûte de cheval; & quatre filles, dont AN. 1516. la feconde nommée Jeanne, époufa Philippe archiduc d'Autriche. Le confeil d'Efpagne ne tarda point à mander au cardinal Ximenès, que le défunt roi l'avoit nommé régent de la Caftille en l'abfence de l'archiduc, & qu'il vînt au plûtôt prendre poffeffion de cet emploi.

Le cardinal en fut d'autant plus furpris, qu'il avoit pris toutes les mesures pour l'éviter; néanmoins il partit auffi-tôt pour Guadalupe où le confeil s'étoit rendu, & alla rendre fes devoirs à la reine veuve ; & le lendemain de fon arrivée le doyen de Louvain s'étant auffi rendu à Guadalupe, accompagné de la plûpart des grands de Caftille, l'on y fit l'ouverture du testament du roi catholique. Ximenès ayant entendu l'article qui lui donnoit la régence du royaume, il voulut fur le champ s'en mettre en poffeffion; mais le doyen y mit oppofition en vertu des provifions que l'archiduc lui en avoit données, & ajouta que, puisqu'il s'agiffoit d'une fucceffion échuë à l'archiduc, lui feul avoit droit d'y commettre un administrateur, jusqu'à ce qu'il fût en état de la venir recueillir lui-même. Ximenès défendit fon droit, & prétendoit que Ferdinand n'avoit eu l'administration de laCaftille,que jufqu'à ce que l'archiduc eût atteint l'âge de vingt ans, qu'il avoit difpofé de fon droit; & que comme le prince Charles n'avoit rien à y prétendre fi fon ayeul eût vêcu plus long-tems, la commiffion donnée au doyen ne pouvoit l'emporter fur l'article exprès du teftament; il ajouta que par les difpofitions de la reine Ifabelle en mourant, les étrangers étoient exclus du gouvernement de laCaftille. Le doyen Tome XXV.

Eee

gent deCaftilie. vie de Charles V. .16.

Anton.devera,

Gomes in vita Ximen 1.6.

C. Difpute entre

Ximenès & le vain pour la réGomès, in vita

doyen de Lou.

gence.

Ximen.l.6.

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