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commença la difpute, dans laquelle on établit d'abord: les propofitions de Luther, qui fe réduifoient à treize concernant la pénitence, le purgatoire, le libre arbitre, les indulgences & la primauté du pape, aufquelles Eckius en oppofa treize autres conformes à la doctrine de l'églife. On commença par la derniere qui concernoit la primauté & la fuperiorité du pape. Luther dit,avant que de difputer, qu'il auroit été plus à propos d'éviter cette difficulté, puisque d'un côté elle étoit odieuse, & que l'autre n'étoit nullement neceffaire, ni pour le falut, ni pour l'édification des Chrétiens ; mais que fifes adverfaires en jugeoient l'éclairciffement utile, il fouhaitoit qu'ils fuffent tous préfens.

Eckius reprit avec raifon que Luther avoit donc tort le premier d'avoir reveillé la queftion,en fixant dans fes thefes la prééminence du faint fiége au tems du pape Sylveftre, & en foutenant de vive voixdans fa derniere conference avec le cardinal Caïetan, que le pape Pelage avoit donné le premier la gehenne aux paffages de l'é--criture fainte pour les expliquer dans le fens d'une autorité monarchique. Luther avoua l'un&l'autre ; mais. il ajouta que ce reproche que Tetzel lui avoit fait de ruiner l'autorité du faint fiége en prêchant contreles indulgences, avoit attiré fa thefe,& qu'il n'avoit pû fe défendre autrement du mauvais fens que donnoit Caïetan à l'écriture fur la foi de Pelage,qu'en répondant que le pape l'avoit alterée. Eckius le preffa là-dessus d'expliquer nettement ce qu'il penfoit de l'autorité du pape,& Luther répondit qu'il reconnoiffoit une monarchie dans l'églife militante; que cette monarchie avoit un chef, mais que ce chef n'étoit pas un homme, mais Jefus-Chrift même: ce qu'il prouva par faint Paul aux Tome XXV, Ecce

AN.IS 19.

XXVII. Conference entre Luther &

Eckius fur la primaute du

pape,

AN. 1519.

Tu es Petrus& Super hanc pe

ecclefiammeam.

V. 18.

Ephefiens chap. 4. & aux Corinthiens Epît. 1. chap 3. Eckius lui ayant objecté l'autorité de faint Cyprien & de faint Jerôme, Luther répondit qu'il ne falloit pas qu'une petite autorité l'emportât fur une plus grande, que faint Jerôme n'étoit pas affez confiderable pour le preferer à faint Paul, il traita de même faint Bernard, dont on lui cita un paffage pour prouver la fubordination des évêques.

&

Dans la troifiéme conference du cinquiéme de Juillet, Eckius lui allegua ces paroles de Jefus-Chrift parlant à faint Pierre ;* Tu es Pierre & fur cette pierre je bâtram adificabo tirai mon églife, & foûtint que ces paroles établiffoient la Matth. cap. 16. primauté de faint Pierre ; qu'elles fe devoient entendre de fa perfonne, & que les faints peres les avoient expliquées ainfi. Luther repliqua que par le terme de pierre il falloit entendre ou la puissance ou la foi. "Dans le premier fens, (dit-il,) ce feroit inutilement que JefusChrist auroit enfuite ajoûté, * je vous donnerai les clefs * Tibidabo cla-,,&c. c. Et d'ailleurs le Fils de Dieu ayant dit en general rum. Matth. c. », que c'est fur cette pierre qu'il bâtiroit son église, & „, non pas feulement l'église Romaine, toutes les églifes

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ves regni calo- 99

16. V. 19.

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"

doivent avoir la même puiffance: fi on l'entend de

la foi, comme on le doit entendre (ajoûta-t-il ) elle ,, eft auffi commune à toutes les églifès.,, La difpute continua l'après diné du même jour; on la reprit let lendemain fixiéme de Juillet matin & foir; on revint encore à la charge le feptiéme du même mois toujours fur la queftion de la primauté du pape. Luther foutint toujours qu'elle n'étoit que de droit pofitif humain & non de droit divin, & ajoûra, que ce qui diftinguoit le pape des autres évêques, ne lui appartenoit que par une inftitution, purement humaine, & que quand tous les

faints peres entendoient par le mot de petra dans le AN. 1519. paffage allegué, la perfonne de faint Pierre, il leur refifteroit, fondé fur l'autorité de faint Paul & de S. Pierre même, qui difent que Jefus Chrift feul eft le fondement & la pierre angulaire de l'églife.

Cochlausde actis

an. 1519. p. 16.

Eckius ne manqua pas de repliquer que ce fentiment & fcript. Luth. étoit une des erreurs de Wiclef & de Jean Hus, qui avoient été condamnez par le concile genéral de Constance, dont il lui rapporta l'autorité, fe flattant fans raison que celui auprès duquel les faints peres n'étoient d'aucun poids, auroit peut-être plus d'égard aux conciles generaux, qui reprefentent l'églife univerfelle; mais Luther fans paroître plus docile à une autorité fi refpectable répondit, que toutes les propofitions de Jean Hus n'avoient point été condamnées comme heretiques; que celle qu'il avoit avancée, foit qu'elle fût du même autheur ou non, ne l'avoit pû être, puisqu'il étoit constant qu'il y avoit des églifes dans la plupart des provinces fujettes à l'empire Romain vingt années avant que celle de Rome cût été établie;qu'il n'approuvoit pas le fchifme des Bohémiens, mais qu'il pouvoit oppofer àleur condamnation, qui n'avoit pas cent ans, la tradition & l'ufage de l'églife Grecque pendant quatorze cens ans,qu'après tout,par refpect pour le concile de Conftance, il pouvoit croire que l'article allegué & d'autres femblables n'avoient point été condamnez par ce concile, mais qu'ils y avoient plûtôt été inferez par quelque impofteur,&il ajoûta: "Le fouverain pontife &les conciles font des hommes, donc il les faut éprou,, ver & ne les pas exempter de cette regle de l'apôtre et tenete. faint Paul, éprouvez tout & approuvez ce qui eft bon. Theffalon.-1.c. Des paroles si injurieufes engagerent le prince Georges

39

رو

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Omnia proba

te, quod bonum

S. Y. 21.

à défendre de traiter fi indignement l'églife & fes conAN.1519. ciles, & d'employer des paroles capables de blesser la fainteté des peres ; mais celui qui n'avoit eu aucun égard aux peres & aux conciles, n'en n'eut pas plus aux ordres du prince. En effet dans la conference du feptiéme de Juillet il déclara qu'il faifoit peu de cas du concile de Conftance; qu'Eckius (dit-il,) prouve tant qu'il voudra qu'un concile ne peut errer, qu'il n'a point erré, ,, & qu'il n'erre point; puifque ce concile ne peut éta„, blir un droit divin, n'étant pas de fa nature de droit divin, il s'enfuit qu'on ne peut taxer d'héretique ce , qui eft contraire au droit divin. “

XXVIII.

entre les mê

Dans la feptiéme conference Eckius propofa la queConference ftion du Purgatoire, & prouva par l'autorité de faint mes touchant Jerôme & de faint Ambroise qu'on n'eft plus en état de le Purgato re. mériter aprés fa mort. Luther avoua qu'il y avoit un Purgatoire, & dit qu'il en étoit perfuadé ; il demeura d'accord que les livres des dialogues attribuez à faint Gregoire, avoient prouvé cette verité par le texte de faint Matthieu, qu'il y a des pechez qui ne font remis ni en ce monde ni en l'autre, d'où l'on devoit conclure qu'il y avoit donc des pechez remis en l'autre monde, ce qui ne pouvoit être que dans le Purgatoire. Il ajouta qu'il recevoit pour canonique ce qui en eft dit dans le fecond livre des Maccabées. Mais revenant auffi-tôt à cet efprit de contradiction qui anime les Héretiques, il dit que ces preuves n'étoient pas convaincantes,que la premiere pouvoit être facilement éludée, & que le livre des Maccabées fur lequel la feconde eft appuyée, ne fe trouvoit pas dans le canon. Eckius repliqua qu'il fuffifoit que ce livre fût reçu à prefent comme canonique pour faire autorité. Il rapporta le témoignage de faint

Augustin, & celui du concile de Florence ; il fit voir par l'autorité du même pere, que les ames en Purgatoire né méritoient pas, & montra contre Luther, que ces ames étoient affurées de leur falut. Ces conferences durerent jufqu'au matin de l'onziéme de Juillet, & il y eut beaucoup de répetitions de ce qu'on avoit déja dit, fans y rien conclure.

AN. 1519.

XXIX.
Sur les Indul-

Le foir du même jour onzième de Juillet on agita la matiere des indulgences, & Luther ne difconvint pas gences. abfolument qu'il n'y eût dans l'église un pouvoir de les accorder. Eckius lui prouva leur utilité par les conciles de Vienne,deLatran & de Conftance, par l'autorité de faint Gregoire qui en avoit accordées, il y avoit plus de neuf cens ans;par la pratique de tous les Chrêtiens, qui les avoient reconnues en recevant les jubilez, & par le confentement unanime de l'églife universelle. Luther congratula Eckius fur fa moderation,&dit que le con-. cile de Conftance en avoit avec raison condamnéle mépris & l'abus; qu'il ne les méprifoit pas lui-même, & qu'il n'y auroit eu aucun trouble dans l'églife, fi l'on cût toujours ufé de ce temperamment; qu'il n'avoit jamais nié que les indulgences ne puffent être utiles; mais il ajouta qu'elles ne fervoient de rien auxfideles fervens qui ne vouloient pas être déchargez des œuvres fatisfatoires; qu'il n'y avoit point de preuve certaine que faint Gregoire eût accordé des indulgences; & que quand cela feroit vrai, il ne s'enfuivroit pas qu'elles difpenfaffent de fairedebonnes œuvres, l'aumône, des prieres, des jeûnes. Eckius repliqua que les travaux de la fatisfaction étoient à la verité remis,mais qu'on n'étoit pas pour cela difpenfé de bonnes œuvres, qu'au refte la fatisfaction ne fe faifoit pas feulement par de bonnes

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