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nurent pour leur fouveraine, afin de pouvoir regner AN. 15 20. fous fon nom. La joye qu'elle eut de voir les refpects qu'on lui rendoit fufpendit pour quelques moments fa folie, & on eût dit qu'elle avoit récouvré fon bon fens. On retira d'auprès d'elle le marquis de Denia, & l'on mit à fa place l'évêque de Zamora, l'homme le plus débauché & le plus violent de la Castille, quoiqu'il eût déja foixante ans.

L'empereur, qui s'avançoit toûjours dans fon voïage, ayant eu avis de cette révolte, voulut d'abord emploïer la douceur, & fit offrir aux féditieux une affurance qu'on ne donneroit plus de charges aux Flamands, pourvû qu'on laiffât en pofeffion ceux qui en étoient pourvûs; mais ils rejetterent cette propofition, prétendant que tous les étrangers fortiffent du royaume. Les rebelles n'ayant point d'argent pour payer les troupes, allerent prendre les châffes des faints qui étoient dans la grande églife de Tolede, ayant la reine à leur tête, & les fondirent pour en faire batre monnoye, L'armée des gouverneurs que Charles avoit laiffée en Efpagne avoit été contrainte de s'enfermer dans Medina de Riafeco, n'ofant tenir la campagne. Les Mécontens alloient l'y affieger, & fa perte étoit certaine; mais la comteffe de Medina Celi para le coup; elle obtint de D. Pedro Giron, qui étoit un des principaux du parti, qu'on ne ruineroit pas fes terres, & que l'armée fe retireroit à Villalpando. Néanmoins le comte de Haro, qui commandoit l'armée, changea de deffein & marcha droit à Tordefillas dont il fe rendit maître malgré la résistance de ceux qui la défendoient. La reine y étoit retournée fatiguée du personnage qu'elle venoit de jouer & qui lui étoit fi peu convenable, Le comte de

Haro voulant empêcher qu'elle ne fervit une deuxième AN. 15 20. fois aux rebelles, pour avoir en elle un fantôme de fouverain, se rendit maître de fa perfonne, & la mit en sureté. Ce fuccès changea la face des affaires : les rebelles fe démembrerent, un grand nombre rentra dans fon devoir, & les gouverneurs tâcherent de diffiper le refte par la force des armes.

LXIX.

L'empereur

la Corogne.

Pendant ce tems-là l'empereur s'embarqua à la Corogne le quinziéme de Mai, accompagné du duc d'Albe, part d'Espagne, de dom Frederic, & du marquis de Villafranca fon fils. s'embarque à Outre les étrangers qui le fuivoient; il avoit envoyée, bit. avant lui en Allemagne le duc de Baviere, afin que la de Charles V. même perfonne qui étoit venuë lui porter la nouvelle de fon élection, & lui faire compliment de la part des électeurs, allât auffi de fa part les remercier, ne pouvant d'ailleurs choifir un feigneur plus qualifié. L'empereur fit prendre la route de l'Angleterre, parce qu'il avoit appris que le cardinal Volfey gagné par les careffes & par les préfens de François I. avoit ménagé une entrevûë entre ce prince & Henri VIII, roi d'Angleterre, entre Ardres & Guines, où devoient fe trouver les deux reines regnantes avec beaucoup de princes & de princeffes. Or Charles croyoit que fon propre interêt demandoit qu'il rompît cette entrevûë.

En effet le roi d'Angleterre s'étoit rendu à Cantorberi dès le vingt-cinquième de Mai dans le deffein de paffer par Calais, & de-là au lieu de l'entrevûë, lorf qu'on lui vint dire que l'empereur Charles V. étoit à Douvres. Cette nouvelle furprit toute la cour: on dit néanmoins que le roi en avoit été informé par le cardinal Volfey; que ce cardinal qui avoit fçu le deffein de l'empereur, fe fit donner la commiffion d'aller compli

LXX.

l'empereur gleterre, & arFive à Douvres.

paffe par l'An

De Rapin Thoiras, hift. d'An. gleterre. tom. v.

in-4. p. 134.

Polyd. Virgil in Henric. VIII.

lib. 27.

AN. 405. menter ce prince à Douvres, & Henri y vint le lende AN. 15 20. main. Les deux rois fe rendirent enfuite à Cantorberi, où celui d'Angleterre fit venir fon épouse qui eut beaucoup de fatisfaction de voir l'empereur qui étoit fon neveu, & qu'elle n'avoit point encore vû. Charles ne tarda pas à découvrir au roi d'Angleterre ce qui lui avoit fait prendre la route de fon royaume, il tâcha de le diffuader de l'entrevûë qu'il devoit avoir avec François I. & comme il en craignoit fort les fuites, il n'oublia rien pour engager le roi d'Angleterre à la rompre. Mais ce prince lui dit qu'il y étoit engagé par honneur, & qu'il ne pouvoit abfolument s'en dédire, & il lui promit feulement qu'il n'entreroit dans aucun engagement qui lui fût préjudiciable. Charles voyant qu'il n'avoit pû réuffir tâcha au moins de mettre le cardinal Volfey dans fes interêts, en lui promettant d'employer tout fon crédit pour l'élever au fouverain pontificat, en cas que Leon X. mourût avant lui, & de confirmer la paix avec le roi d'Angleterre par un traité folemnel. Après cette promeffe Charles partit le trentiéme de Mai pour continuer fon voyage en Flandre. Le roi d'Angleterre de fon côte alla s'embarquer pour Calais où il arriva avec la reine fon époufe le cinquiéme de Juin. Le roi de France n'en eut pas plûtôt avis qu'il s'avança avec toute François I. & de fa cour fur les frontieres de Picardie, & ces deux printre Ardres & ces fe trouverent ensemble entre Ardres & Guines le feMemduBellai, ptiéme du même mois. Durant toute l'entrevûë on ne vit que fêtes, tournois, danfes & autres divertiffemens où ces deux cours fe trouverent mêlées avec une fatisfaction réciproque. Tout y étoit fi magnifique des deux côtez, qu'on appella cette affemblée, Le Camp de drap

LXXI.

Entrevue de

Henri VIII. en

Gaines.

liv...

Polyd. Virgil. lib. 27.

d'or.

Au

Au milieu de tous ces plaifirs on ne laissa pas de parler d'affaires. Les deux rois convinrent I. Qu'après que François I. auroit achevé de payer le million d'écus à quoi il s'étoit obligé par le dernier traité, il donneroit à Henri pendant la vie une penfion de cent mille livres tournois. II. Que fi le dauphin devenoit roi d'Angleterre par fon mariage avec la princeffe Marie, cette penfion feroit continuée à Marie & à fes heritiers à jamais. III. Que les differends qu'il y avoit entre les rois d'Angleterre & d'Ecoffe feroient remis à l'arbitrage de Louise de Savoye, mere du roi de France & du cardinal d'Yorck, après quoi les deux rois se séparerent fort contens l'un de l'autre ; François I. s'en alla à Boulogne.

AN. 1520.

Vifites réci

l'empereur &

Henri ne voulut pas s'embarquer pour fon royau- IXXII. me, qu'il n'eût auparavant rendu à l'empereur la vifite proques de qu'il en avoit reçue. Il fe rendit donc à Graveline le du roi d'Angledixième de Juillet, & le même jour il retourna à Calais. terre. Le lendemain l'empereur, & Marguerite fa tante gouvernante des Pays-Bas, allerent voir Henri à Calais, & demeurerent trois jours avec lui: ce qui ne laiffa pas de caufer quelques inquietudes à François I. & ce n'étoit pas fans fondement, puifqu'on croit que ce fut dans ces conferences qu'on jetta les premiers fondemens de l'alliance qui fe conclut dans la fuite' entre l'émpereur & Henri. Alphonfe de Vera qui vivoit dans ce tems-là, affure que le roi d'Angleterre dit à Charles V. en l'embraffant:,,Adieu, mon très-honoré frere & mon cher neveu, veuille le Ciel, qui par fa providence vous a fufcité trois grands ennemis à combattre, vous affu,,rer de fon fecours "; & que Charles répondit, "Dieu foit beni, de ce que m'ayant donné trois ennemis, il Tome XXV.

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m'a auffi donné trois moyens de les détruire, la force, AN.15 20.,, le courage & l'autorité ". Quoique le roi d'Angle

LXXIII. L'empereur

arrive à Gand,

& y fait fon en

trée.

Antonio de Ve

ya, bist. de Char

les V. p. 58.

LXXIV.

pas

terre ne fe fût pas expliqué, Charles ne laissa de
comprendre de quels ennemis il vouloit parler, & qu'il
s'agiffoit de François I. qui ayant été fon concurrent
à l'empire, étoit fort fâché de n'avoir pas été choisi;
l'autre Soliman II. empereur des Turcs, qui venoit de
fucceder à Selim fon pere, & qui avoit de très mauvais
deffeins contre la religion; & le troifiéme Martin Lu-
ther, que
le roi d'Angleterre appelloit le fleau de la co-
lere de Dieu contre les Chrétiens, & que ce prince ve-
noit d'attaquer dans un ouvrage dont nous parlerons
bien-tôt.

Charles étant arrivé heureusement à Fleffingue en Zelande, partit pour Gand, où il fe rendit en peu de tems. Ferdinand fon frere vint au- devant de lui, accompagné de vingt-quatre feigneurs de la premiere qualité : l'empereur fit fon entrée à Gand au bruit des falves de canon, & de la moufqueterie de la bourgeoifie qui s'étoit mife fous les armes. Le college électoral lui députa l'électeur Palatin & celui de Saxe, pour le complimenter fur fon arrivée : Charles leur fit rendre tous les honneurs poffibles; & l'on remarqua qu'il n'y eut ni foumiffion, ni respect que l'électeur de Saxe ne lui témoignât; mais plus cet électeur s'humilioit, plus l'empereur le combloit d'honneurs & de caresles, pour lui montrer l'amitié qu'il avoit pour lui, & combien il étoit fenfible à l'obligation qu'il lui avoit de fon élection à l'empire.

Peu de tems après l'empereur partit pour se rendre à la Chapelle Aix-la-Chapelle avec une fuite encore plus magnifique il eft couronné. que celle qu'il avoit en arrivant en Flandre, parce que

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