Le duc de Ferrare fe voyant ainfi preffe craignit pour la perte de fes états. Mais deux accidens arrivez en même tems le tirerent d'affaire. Un parti François brûla le pont que l'armée Venitienne commençoit de jetter fur le Pô, pour paffer ce fleuve, & le pape tomba dangereufement malade; les medecins defefpererent prefque de fa guérison; on crut même durant quelques jours qu'il mourroit, parce que dans le fort de fon mal il ne voulut jamais s'abftenir de boire à la glace, & de manger du fruit crud. Cependant la force de fon temperamment l'emporta fur fa maladie & sur son mauvais régime.Devenu convalescent, le premier ordre qu'il donna fut de livrer bataille à Chaumont; mais fur les remontrances qu'on lui fit, il permit à l'armée de fe retirer fous Modene, pour couvrir cette place qui réciproquement couvriroit l'armée. Mais ce qui acheva de déconcerter les Venitiens, fut que le duc de Ferrare ruina entierement la flotte qu'ils avoient dans le Pô, & qui vouloit entreprendre d'aller joindre à Adria une autre flotte qui étoit dans l'Adige. Quoique le roi eut toute la vénération poffible pour la dignité du pape, il fit neanmoins peu de cas de l'excommunication dont nous venons de parler, comme étant notoirement nulle,parce que le pape avoit paffé les bornes de fon autorité. Raynald, hos ann. n. 20. Neanmoins, pour oppofer les armes fpirituelles à la Guice. lib. 9. puiffance fpirituelle, il convoqua une affemblée genérale de fon clergé à Orleans, qui fut enfuite transférée à Tours, afin de confulter les plus favans de fon royaume pour favoir s'il lui étoit permis en confcience de faire valoir fon bon droit, de venger la foi des traitez violez par Jules II. & jufqu'à quel point il devoit respecter les armes fpirituelles de l'église entre les mains de fon agref AN.1510. feur qui ne s'en fervoit que pour foutenir l'injustice & même en des affaires purement temporelles.Cette affemblée se tint fur la fin de Septembre 1510. & l'on y fit huit propofitions de la part du roi avec un temperamment qui temoignoit affez que fa majesté menageoit encore fon plus grand ennemi dans la perfonne de Jules: on les avoit mises par écrit en forme de confultation, & le respect pour le faint fiége paroiffoit à chaque ligne. CXVI. Articles pro nez dans ette affemblée de Tours. Belcar. in com lic. lib. 12. p. 348. Raynald, hoc ann. n. 20. D'argentel, collect. Judic. de nov. error.t. I. p. 349. Maffus in fue Chronico ad an. 1510. On demandoit 19. Si un pape pouvoit en conscience pofez & exami- déclarer la guerre, lever des troupes, les entretenir, & les mettre en action, lorfqu'il ne s'agiffoit ni de la religion ni du domaine de l'églife, & il fut répondu qu'il ne le ment. rer. Gal- pouvoit, ni ne le devoir. 2°. S'il eft permis à un prince qui défend fa perfonne & fon bien, non-feulement de repouffer l'injure par la force des armes ; mais même de faifir les terres de l'églife poffedées par le pape fon ennemi déclaré, non avec intention de les retenir, mais feulement pour empêcher que le pape ne devienne plus puissant par le moïen de ces terres pour nuire à ce Jean. Bachet, prince: il fut répondu que cela eft permis à un prince avec ces conditions. 3. S'il eft permis à un prince à caufe de cette haine déclarée de fe fouftraire de l'obéiffance du Hist. Universit. pape, vû même, quand le pape a fuscité d'autres princes contre lui, & quand il les a portez à fe rendre les maîtres de fes terres: il fut déterminé fur ce point qu'il le pouvoit faire, & se soustraire de l'obéiffance du pape, non pas en tout, mais feulement pour la défense de fes droits temporels. 4. Suppofe cette fouftraction, ce que doit faire un prince & fes fujets, les prélats & autres personnes ecclefiaftiques, dans les chofes pour annal.Aquitan. part. 4. Genebrard, chronol. lib. 4. Parif. t, VI. p. 45. P. Alexander. in hift. ecclef. v111.p. 603. lesquelles lefquelles on avoit coûtume auparavant d'avoir recours au faint fiége: on répondit qu'il falloit garder le droit AN. 1510, ancien & la pragmatique fanction du roïaume, prise des decrets du faint concile de Bâle. 5°. S'il eft permis à un prince chrétien de prendre la défense d'un autre prince chrétien qui lui eft allié, & dont il foutient legitimement les interêts, (cet article regardoit le duc de Ferrare, ) & l'on répondit qu'il étoit permis. 6°. Si le pape prétend avoir un droit fur quelque terre comme dépendante du patrimoine de l'églife de Rome; & fi le prince au contraire affure que cette terre eft de fon domaine, & offre de s'en rapporter à l'avis de gens d'honneur: on demande s'il eft permis au pape, fans autre connoiffance de caufe, de faire la guerre à ce prince; & en cas qu'il la fasse, s'il eft permis au prince d'y résister, & fi les autres princes peuvent fe joindre à celui-ci, principalement lorsqu'ils lui font alliez, quand d'ailleurs il paroît certain qu'il n'y a pas cent ans que l'églife de Rome eft en poffeffion de cette terre. C'étoit le cas des Bentivoglio, que Jules II. avoit chaffez de Boulogne après une poffeffion centenaire : la décision fut qu'on pouvoit en confcience prendre la protection & la défenfe de ce prince. 7°. Si le pape ne veut point accepter les offres que le prince lui fait de s'en rapporter au jugement des arbitres dont on conviendra, ni les autres voies juridiques; & qu'il rende quelque fentence contre lui: est-il obligé d'obeir, principalement lorsqu'il n'est pas fûr à ce prince d'aller où d'envoyer à Rome pour défendre fon droit? il fut répondu que ces cenfures devoient être eftimées nulles, & ne pouvoient obliger. 8. Si le pape fans garder aucune juftice ni formalité du droit, n'emploïant que fes armes & les voies de fait, Tome XXV. M publie des cenfures contre ce prince & contre ceux qui AN. 1510. le protegent & le défendent, faut-il y déferer? l'affemblée prononça que de telles cenfures feroient nulles, & que felon le droit elles ne lieroient point. CXVII. Arrivée de l'é vêque de Gurck envoïé de l'em de France. cour pereur à la Guicciard. 1. 9. Raynald. ad bunc an 21. Le confeil d'état n'eut pas plûtôt vu ces décisions qu'il tacha de perfuader au roi de partir à l'heuremême, de paffer les Alpes, de porter la guerre en personne dans le Boulonnois, & d'obliger par cette irruption le pape à fa propre fûreté. Louis avoua de bonne foi qu'il lui feroit avantageux de fuivre l'avis de fon confeil; mais Matthieu de Lang évêque de Gurck que l'empereur envoïoit à la cour de France étant arrivé à Tours fur ces entrefaites, Louis differa fon départ, fe flattant que le pape rentreroit en lui-même,il dit qu'il lui donnoit tout l'hyver pour se reconnoître, & que ce seroit assez-tôt l'attaquer au commencement du printems. Le confeil peu content de ce retardement le preffa de ne point differer, mais Louis ne changea pas de fentiment. Il fit même un nouveau traité avec cet évêque, par lequel il fut convenu, que l'empereur pafferoit en Italie au printems pour attaquer les Venitiens avec une armée à laquelle le roi de France joindroit la fienne; & qu'on fommeroit le pape & le roi d'Espagne d'observer le traité de Cambray, faute de quoi on les prieroit d'accepter un arbitrage; & qu'en cas de refus, on procederoit à la convocation d'un concile géneral pour réformer l'éVarillas bift. glife dans fon chef & dans fes membres; que l'empereur de Louis XII.1.6. & le roi de France y envoyeroient leurs prélats. Quelques auteurs rapportent l'extrait du traité fait entre ces deux princes pour la tenue du concile, quoiqu'il n'y ait rien d'afsuré la deffus., Ce qu'on lit de plus pofitif dans une lettre de Maximilien au baron de Liechtenstein, Daniel, hift. de France, t. v. in 4°. p. 307• eft po ad S. I. R. Prin que ce prince avoit envie d'eftre pape après la mort de Jules II. ou après fa dépofition, & Mariana dit AN. 1510. fitivement que le but de cet empereur dans fes liaisons avec le roi de France pour la convocation d'un concile, étoit de parvenir à faire dépofer Jules pour se faire élire en fa place. Preuve de la conduite bizarre de cet empereur, & de fon ambition mal placée. Le traité entre fa majesté très-chrétienne & l'évêque de Gurck fut signé à Blois, le dix-feptiéme de Novembre. Le pape trop habile pour ne pas prévoir les fuites & de ce traité & des articles de l'affemblée de Tours, fulmina publiquement des cenfures contre ceux qui obéiroient au decret du clergé de France, qu'il regardoit comme un attentat contre l'autorité du faint fiége. Il changea le monitoire publié contre le duc de Ferrare en une excommunication, & comprit dans fes cenfures les troupes françoises auxiliaires, & nommément le maréchal de Chaumont qui les commandoit, Jean Trivulce & tous les autres officiers qui portoient les armes en Italie au fervice & à la folde du roi de France; auffi-bien que contre les évêques & ecclefiaftiques qui fe trouveroient aux affemblées du clergé de France, & au concile que l'on voudroit y tenir. Toutes les mesures qu'on avoit prifes en France inquieterent d'autant plus fa fainteté, qu'elle fut informée que les cardinaux entroient dans ce deffein, & que cinq d'entre eux l'avoient déja quitté dans fon voyage de Rome à Boulogne,& s'étoient rendus à Milan, tout préparez à agir contre lui. Ces cardinaux étoient Bernardin de Carvajal, François de Borgia archevêque de Cofence, René de Prié évêque de Baieux, Frederic de faint Severin, & Guillaume Briçonnet évêque de faint Malo qui avoit eu tant de cré Monita politica cipes Imp. Francofurt. an. 1605 • Hifp. lib. 30. Mariana, hift. CXVIII. pape contre le ce chal d'Amboife. Mariana, hift. Hifp. 1.30.n.15. 11. const. 27. Bullar. in Jul. CXIX. Cinq cardinaux fe retirent à quittent le pape & Milan. Hifp 1. 30. n. 4. Raynald. hoe an. n. 19. |