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'd'un efclave devint un objet plus précieux; & quoique fon bonheur tînt toujours au caractère & à la fortune de celui dont il dépendoit, la crainte n'étouffoit plus la voix de la pitié, & l'intérêt du maître lui dictoit des fentimens plus humains. La vertu où la politique des Souverains accéléra le progrès des mœurs ; &, par les édits d'Adrien & des Antonins, la protection des loix s'étendit jufqu'à la claffe la plus vile de la fociété. Après bien des fiècles, le droit de vie & de mort fur les efclaves fut enlevé aux particuliers qui en avoient fi fouvent abufé: il ne fut réfervé qu'au Magistrat. Les prifons fouterreines furent détruites, & dès qu'un esclave se plaignoit d'avoir été maltraité injustement, il obtenoit fa délivrance ou un maître moins cruel (1).

à leurs femmes, leurs enfans, leurs compagnons, leurs maîtres, &c. & qui, felon toute apparence, font du fiècle des Empereurs.

(1) Voyez l'histoire Augufte, & une differtation de Tome I.

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Affranchif

fement.

L'efpérance, cetté unique confolation des malheureux, n'étoit pas refufée à l'efclave Romain. S'il trouvoit quelque occafion de fe rendre utile ou agréable, il devoit naturellement s'attendre qu'a→ près un petit nombre d'années, fon zèle & fa fidélité feroient récompenfés par le présent inestimable de la liberté. Souvent les maîtres n'étoient portés à ces actes de générofité que par la vanité & par l'avarice; auffi les loix crurentelles plus néceffaire de reftreindre que d'encourager une libéralité prodigue & aveugle, qui auroit pu dégénérer en un abus très-dangereux (1). Selon la Jurif prudence ancienne, un esclave n'avoit point de Patrie; mais dès qu'il étoit libre, il étoit admis dans la fociété politique, dont fon patron étoit membre.

M. de Burigny, fur les efclaves Romains, dans le xxxve volume de l'Académie des Belles-Lettres.

(1) Voyez une autre differtation de M. de Burigny fur les affranchis Romains, dans le xxxvIIe volume de la même Académie.

En vertu de cette maxime, la dignité de citoyen feroit devenue le partage

d'une vile multitude. On jugea donc à propos d'établir d'utiles exceptions; & cette diftinction honorable fut accordée seulement aux efclaves qui s'en étoient rendus dignes, & qui avoient été solemnellement affranchis devant le Ma

giftrat: encore n'obtenoient-ils que les droits privés des citoyens, & ils étoient rigoureusement exclus des emplois civils & du fervice militaire. Leurs fils

étoient pareillement incapables de prendre féance dans le Sénat, quels que puffent être leur mérite & leur fortune. Les traces d'une origine fervile ne s'effaçoient entièrement qu'à la troifième ou quatrième génération (1). C'est ainsi que, fans confondre les rangs, on fai- . foit entrevoir, dans une perspective éloignée, un état libre & des honneurs à ceux que l'orgueil & le préjugé dai

(1) Spanheim, orb. rom. l. 1, c. 16, p. 124, &c.

eftlayes.

gnoient à peine mettre au rang de l'espèce humaine.

Nombre des On avoit propofé de donner aux esclaves un habit particulier qui les distinguât; mais on s'apperçut combien il étoit dangereux de leur faire connoître leur propre nombre (1). Sans interprêter à la rigueur les mots de légions & de myriades (2), nous pouvons avancer que la proportion des efclaves regardés comme propriété, étoit bien plus confidérable que celle des domeftiques, à ne confidérer que ceux dont on paye le service (3). On cultivoit l'esprit des

(1) Sénèque, de la clémence, l. 1., c. 24. L'original eft beaucoup plus fort: «Quantum periculum immi» neret, fi fervi noftri numerare nos cœpiffent ».

(2) Voyez Pline (hift nat. 1. xxxIII); & Athénée (Deipnos, l. VI, p. 272); celui-ci avance hardiment qu'il a connu plufieurs (Пauzoλos) Romains, qui pofféoient, non pour l'ufage, mais pour l'oftentation, dix & même vingt mille efclaves.

(3) Dans Paris, on ne compte pas plus de quarante trois mille fept cens domeftiques de toute efpèce ; ce qui ne fait pas un douzième des habitans de cette ville. Meffange, recherches fur la population, p. 186.

jeunes efclaves qui montroient de la difpofition pour les fciences; leur prix étoit réglé sur leurs talens & fur leur habileté (1). Presque tous les arts libéraux (2) & mécaniques étoient exercés dans la maison des Sénateurs opulens. Les bras employés aux objets de luxe & de sensualité étoient multipliés à un point qui furpaffe de beaucoup les efforts de la magnificence moderne (3). Le Marchand ou le Fabriquant trouvoit plus d'avantage à acheter fes ouvriers, qu'à les louer. Dans les campagnes, les esclaves étoient employés comme les inftrumens les moins chers & les plus utiles de l'agriculture. Quelques exem

(1) Un esclave inftruit fa vendoit plufieurs centaines de louis. Atticus en avoit toujours qu'il élevoit, & auxquels il donnoit lui-même des leçons. Cornel. Nep vies des grands hommes, c. 13.

(2) La plupart des Médecins Romains étoient ef claves. Voyez la differtation & la défenfe du Docteur Middleton.

(3) Pignorius, de fervis, fait une énumération trèslongue de leurs rangs & de leurs emplois.

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