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Rérale,

Félicité gé Malgré le penchant qu'ont tous les hommes à vanter le paffé & à fe plaindre du préfent, les Romains & les habitans des provinces fentoient vivement & reconnoiffoient de bonne-foi l'état heureux & tranquille dont ils jouiffoient. «Ils conviennent tous, que les vrais » principes de la loi fociale, les loix, l'agriculture, les sciences, enfeignés » d'abord dans la Grèce les fages

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Athéniens, ont pénétré dans toute la terre avec la puiffance de Rome, dont » l'heureuse influence fait enchaîner, » par les liens d'une langue commune & d'un gouvernement égal, les Bar» bares les plus féroces. Ils protestent » que le genre humain, éclairé par les » arts, leur eft redevable de fon bonheur & d'un accroiffement visible: » ils célèbrent la beauté majestueufe » des villes & l'aspect riant de la campagne, ornée & cultivée comme un jardin immenfe : ils chantent ces jours » de fêtes, où tant de nations oublient

>> leurs anciennes animofités au milieu >> des douceurs de la paix, & ne font » plus exposées à aucun danger (1) ». Quelque doute que puiffe faire naître le ton de rhéteur & l'air de déclamation que l'on apperçoit dans ces passages, ces descriptions font entièrement conformes à la vérité hiftorique.

l'œil Décadesica

Il étoit prefque impoffible que des contemporains découvrît, dans la félicité publique, des femences cachées de décadence & de deftruction. Une longue paix, un gouvernement uniforme, introduifit un poifon lent & fecret dans toutes les parties de l'Empire: les ames perdirent cette force, cette énergie, fi capables de produire de grandes choses; le feu du génie disparut; l'on vit même s'évanouir l'efprit militaire. Les Européens étoient braves & robuftes. Les provinces de la Gaule,

(1) Parmi plufieurs autres paffages, voyez Pline (Hift. nat. III, 5); Ariftides (de urbe Roma (, & Tertullien (de anima, c. 30).

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du courage.

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d'Espagne, de la Bretagne, donnoient aux légions d'excellens foldats, & conftituoient la force réelle de la Monarchie. Les habitans de ces provinces confervèrent toujours leur valeur perfonnelle; mais bientôt il ne furent plus animés de ces nobles fentimens qu'inspirent l'honneur national, l'amour de la liberté, la vue des dangers & l'habitude du commandement. Leurs loix & leurs Gouverneurs dépendoient de la volonté du Souverain; & leur défense étoit confiée à une troupe de mercenaires. Les defcendans de ces Chefs invincibles qui avoient combattu pour leur patrie, fe contentoient du rang de citoyens & de fujets; les plus ambitieux fe rendoient à la Cour des Empereurs ; & les provinces abandonnées, fans force & fans union, éprouvèrent enfin les fuites funeftes de la langueur & de l'engourdiffement.

L'amour des lettres est presque inséparable de la paix & de l'opulence: elles furent cultivées fous le règne d'Adrien

d'Adrien & des deux Antonins, Princes Curieux, & eux-mêmes fort inftruits. Ce goût pour les fciences fe répandit dans toute l'étendue de l'Empire : la rhétorique étoit connue dans le nord de la Bretagne : les rives du Rhin & du Danube retentiffoient des chants d'Homère, de Virgile ; & les plus foibles lueurs du mérite littéraire (1) étoient ma

(1) Herode Atticus donna au fophifte Pelémon cent quatre-vingts mille livres pour trois déclamations. Voyez Philoftate, I. 1, p. 558. Les Antòmins fondèrent à Athènes une école dans laquelle on entretenoit des profeffeurs pour apprendre aux jeunes gens la Grammaire, la Rhétorique, la Politique & les principes des quatre grandes fectes de Philofophie. Les appointemens que l'on donnoittà un Philofophe étoient de dix mille drachmes, entre huit & neuf mille livres par an. On forma de femblabes établissemens dans les autres grandes villes de l'Empire. Voyez Lucien, dans l'Eunuque, tom., P. 353, édit. Reitz.Philoft. 1. 1, p. 566, Hift. Aug. P. 21. Dion Caffius, 1. LXXI, p. 1195. Juvénal lui même, malgré l'envie & l'humeur chagrine qui le dominent, eft cependant obligé de dire :

O Juvenes circumfpicit & ftimulat vos Materiamque fibi Ducis indulgentia quarit.

Tome I.

Sat. VII. 20.

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gnifiquement récompensées : la Méde cine & l'Aftronomie ne furent pas négli gées. Mais, fi nous en exceptons l'inimitable Lucien, ce fiècle ne, produifit aucun écrivain de génie, digne d'attirer les regards de la postérité. L'autorité de Platon & d'Ariftote, de Zénon & d'Epicure, étoit constamment suivie dans les écoles leurs fyftêmes, transmis d'âge en âge par leurs difciples avec une déférence aveugle, étouffoient les efforts du génie, qui auroient pu corriger les erreurs, ou reculer les bornes de l'esprit humain les beautés des Poëtes & des Orateurs n'infpirèrent que des imitations froides & ferviles, au-lieu d'allumer dans l'ame du lecteur ce feu facré dont ces hommes divins étoient embrasés; & ceux qui ofoient s'écarter de ces excellens modèles, perdoient bientôt de vue la route de la raifon & du bon fens.

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A la renaissance des lettres, le génie de l'Europe parut tout-à-coup: une ima

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