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étrangers, & préfidoient aux affemblées du Sénat & du Peuple. L'administration des finances leur étoit confiée; & quoiqu'il leur fût rarement poffible de rendre justice en perfonne, la Nation voyoit en eux les défenfeurs fuprêmes des loix, de la paix & de l'équité. Telles étoient leurs fonctions ordinaires; mais ce premier Magiftrat fe trouvoit audessus de toute jurisdiction, dès que le Sénat lui enjoignoit de veiller à la sûreté de la République. Alors, pour conferver la liberté, il exerçoit un defpotifme momentané (1).

Bien différens des Confuls, les Tribuns n'en impofoient point par une

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(1) Augufte exerça le confulat pendant neuf ans fans interruption, enfuite il refufa, artificieufement cette dignité auffi bien que la dictature, & s'éloignant de Rome, il attendit que les fuites funeftes du tumulte & de l'efprit de faction euffent forcé le Sénat à le revêtir du confulat pour toute fa vie. Ce Prince & fes fucceffeurs affectèrent cependant de cacher un titre qui pouvoit leur attirer la haine de leurs fujets.

pompe extérieure: ils paroiffoient humbles & modeftes; mais leur perfonne étoit facrée ; ils avoient moins de force pour agir que pour repousser. Chargés par leur inftitution de défendre les opprimés, de pardonner les offenfes, & d'accufer les ennemis du Peuple, ils pouvoient, lorfqu'ils le jugeoient à proarrêter d'un feul mot toute la machine du Gouvernement.

pos,

Tant que la République fubsista, l'on n'eut rien à redouter du crédit que des citoyens auroient pu retirer de ces places importantes. Elles étoient entourées de plufieurs barrières : l'autorité qu'elles donnoient expiroit au bout d'un an; l'on élifoit deux Confuls; & les Tribuns étoient au nombre de dix. De plus, comme les vues publiques & particulières de ces différens Magiftrats se trouvoient diametralement oppofées, cette diverfité d'intérêts, loin de détruire la conftitution, contribuoit à en maintenir la balance toui

mais lorsque les puiffances confulaire & ttibunitienne furent réunies, lorsqu'une feule perfonne s'en trouva revêtue pour toute fa vie, lorfque le Général de l'Armée devint en même temps le Miniftre du Sénat & le Représentant du Peuple, il fut impoffible de résister à l'autorité Impériale; l'on eût même entrepris difficilement d'en tracer les limites.

Tant d'honneurs accumulés fur la tête Prérogatives impériales. d'Augufte ne contentoient point encore fa politique. Ce Prince y ajouta les dignités fplendides & importantes de grand Pontife & de Cenfeur. L'une lui donnoit le droit de veiller à la Religion; l'autre une infpection légale fur les mœurs & fur les fortunes du Peuple Romain. Quel assemblage monstrueux ne devoit pas former la réunion de tant de pouvoirs diftincts, & jufqu'alors féparés l'un de l'autre ? Mais la complaisance du Sénat faifoit difparoître ces imperfections; elle rempliffoit tous les

intervalles par les conceffions les plus étendues. Les Empereurs étoient les premiers Miniftres de la République : comme tels, ils furent difpenfés de l'obligation & de la peine de plufieurs loix incommodes. Ils pouvoient convoquer le Sénat, proposer dans le même jour plufieurs questions, préfenter les candidats destinés aux grandes charges, étendre les limites de la Ville difpofer à leur gré des revenus de l'Etat, faire la paix & la guerre, ratifier les traités; enfin, en vertu de là clause la plus étendue, il leur étoit permis d'exécuter ce qui leur paroiffoit être le plus avantageux à l'Empire, & convenir le mieux à la majesté des loix, du Gouvernement & de la Religion (1).

(1) Voyez un fragment d'un décret du Sénat, qui conféroit à l'Empereur Vefpafien tous les pouvoirs accordés à fes prédéceffeurs, Augufte, Tibère & Claude. Ce monument curieux & important fe trouve dans les infcriptions de Gruter, n?. CCXLII.

Lorsque toutes les différentes bran- Magistrats, ches de la puiffance exécutrice eurent été remises à un feul Chef, les autres Magiftrats languirent dans l'obfcurité. Dépouillés de leur autorité, à peine même leur laiffoit-on la connoiffance de quelques affaires. Augufte conserva avec le plus grand foin le nom & les formes de l'ancienne administration. On élifoit tous les ans, avec les cérémonies ordinaires, le même nombre de Confuls, de Préteurs & de Tribuns (1),

(1) On élifoit deux Confuls aux calendes de Janvier; mais dans le cours de l'année, on leur en fubtituoit d'autres, jufqu'à ce que le nombre des confuls annuels fe montât au moins à douze. On choififfoit ordinairement feize on dix-huit Préteurs (JufteLipfe, in excurs. D. ad Tacite annal. l. 1). Je n'ai point parlé des Ediles ni des Questeurs. De fimples Magiftrats chargés de la police ou des revenus, fe prêtent aifement à toutes les formes de gouvernement. Sous le règne de Néron, les Tribuns poffédoient légalement le droit d'interceffion, quoiqu'il eût été dangereux d'en faire ufage (Tacite, ann. XVI, 26). Du temps de Tajan on ignoroit fi le tribunat étoit une dignité ou un nom (lettres de Pline, 1, 23).

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