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Empereurs

La Cour étoit formée fur le modèle Cour des de l'administration publique. Si nous en exceptons ces tyrans qui, emportés par leurs folles paffions, fouloient aux pieds toutes les loix de la nature & de l'honneur, les Empereurs dédaignèrent une pompe dont l'éclat auroit pu offenfer leurs concitoyens, fans rien ajou ter à leur puiffance réelle. Dans tous les devoirs de la fociété, ils fembloient oublier la fupériorité de leur rang; fou vent ils vifitoient leurs fujets, & les invitoient à venir partager leurs plaifirs: leurs habits, leurs tables, leurs palais, n'avoient rien qui les diftinguât d'un Sénateur opulent: leur maison, quoique nombreuse & brillante, n'étoit compofée que d'efclaves & d'affranchis (1). Augufte ou Trajan auroit rougi d'em

(1) Un Prince foible fera toujours gouverné par fes domeftiques. Le pouvoir des efclaves aggrava la honte des Romains, & les Sénateurs firent leur cour à un Pallas, à un Narciffe. Il peut arriver qu'un favori moderne foit de naiffance illuftre.

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Déification.

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ployer aux fervices domeftiques le dernier des citoyens. Que devons - nous penfer, en voyant les Seigneurs les plus fiers de l'Europe, rechercher avec tant d'empreffement l'honneur d'être admis dans l'appartement d'un Monarque dont la puiffance eft fi différente de celle des anciens Souverains de Rome?

Si les Empereurs peuvent être accufés d'avoir paffé les bornes de la prudence & de la modeftie qu'ils avoient euxmême tracées, c'eft lorfqu'ils ont voulu être mis au rang des dieux (1). Ce culte impie & dicté par une baffe adulation, fut inftitué dans l'Afie en l'honneur des fucceffeurs d'Alexandre. Des Monaril fut aisément transféré aux Gouverneurs de cette contrée : bientôt les Magiftrats Romains, adorés comme des divinités de la Province, eurent des

ques

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(1) Voyez un Traité de Van-Dale, de confecratione Principum. Il me feroit plus aifé de copier, qu'il ne me l'a été de vérifier les citations de ce favant Hollan

temples où brilloit la pompe des fêtes & des facrifices (1). Il étoit bien naturel que les Empereurs acceptaffent ce que de fimples Proconfuls n'avoient pas réfufé. Ces honneurs divins, rendus dans les provinces, atteftoient plutôt le despotisme que la fervitude de Rome: mais les nations vaincues enfeignèrent à leurs Maîtres l'art de la flatterie.

Le génie impérieux du premier des Céfars l'engagea trop facilement à recevoir pendant la vie une place parmi les divinités tutélaires de la République. Une démarche si dangereuse étoit bien éloignée du caractère modéré de fon fucceffeur; & même par la fuite, tous les Princes, excepté Caligula & Domitien, renoncèrent à cette folle ambition. Auguste, il eft vrai, permit à quelques villes de lui élever des temples; mais il exigea que l'on célébreroit le

(1) Voyez une dissertation de l'Abbé de Mongault, dans le premier volume de l'Académie des Infcriptions.

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culte de Rome avec celui du Souverain.

Il toléroit une fuperftition particulière, dont il étoit l'objet (1); tandis que, fatisfait des hommages du Sénat & du peuple, il laiffoit fagement à son fucceffeur le foin de fa déification. De-là s'introduifit, à la mort des Empereurs, la coutume conftante de les placer au nombre des Dieux. Le Sénat accordoit, par un décret folemnel, cet honneur aux Princes dont la conduite n'avoit point été celle d'un tyran ; & les cérémonies de l'apothéofe accompagnoient la pompe des funérailles. Cette profanation légale, mais fi contraire à la nature, fi opposée à nos principes, n'exci. toit aucun murmure (2) dans un fiècle

(1) Jurandafque tuum per nomen ponimus aras, dit Horace à l'Empereur lui-même ; & ce Poëte courtifan connoiffoit bien la cour d'Augufte.

(2) Voyez Cicéron, Philip. 1, 6; Julien, in Cafa

ribus:

Inque Deum templis jurabit Roma per umbras, s'écrie Lucain indigné; mais cette indignation est celle d'un patriote, & non d'un dévot.

où le polythéisme avoit tant multiplié les objets facrés.

Au refte, cette inftitution avoit été dictée moins par la Religion que par la politique. Ce feroit dégrader les Antonins, que de mettre leurs vertus en parallèle avec les vices de Jupiter ou d'Hercule: le caractère même de Céfar ou d'Augufte étoit bien fupérieur à celui des divinités populaires. Ces Princes d'ailleurs vivoient dans un fiècle trop éclairé, & leurs actions avoient trop d'éclat, pour que l'hiftoire de leur vie fût mêlée de ces fables & de ces myftères qu'exige la dévotion du peuple :: à peine leur divinité eut-elle été établie par les loix, qu'elle tomba dans l'oubli, fans contribuer à leur réputation, ou à la dignité de leurs fucceffeurs.

Titre d'Aus gufte & da

Lorfque nous avons examiné toutes les parties qui compofoient l'édifice de Céfar. la puissance impériale, nous avons fouvent donné le titre d'Augufte à celui qui en avoit jeté les fondemens avec

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