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les Divinités inférieures, avoit refufé de céder fa place à Jupiter même. Ce dieu préfidoit aux limites, &, felon l'usage de ces temps groffiers, il étoit repréfenté fous la forme d'une pierre. Les augures avoient inteprété cette obstination du dieu Terme de la manière la plus favorable: c'étoit, felon eux, un préfage certain que les bornes de la puiffance romaine ne reculeroient jamais (1). Cette tradition s'étoit toujours confervée ; &, comme il arrive d'ordinaire, la prédiction, pendant un grand nombre de fiècles, en affura l'accompliffe ment. Mais, quoique le dieu Terme eût réfifté à la majefté de Jupiter, il fut obligé de fe foumettre à l'autorité d'Adrien (2): cer empereur commença fon règne par renoncer aux nouvelles con

(1) Ovid. faft. 1. 11, v. 667. Voyez Tite-Live & Denis d'Halicarnaffe, au règne de Tarquin,

(2) S. Augustin prend beaucoup de plaifir à rapporter cette preuve de la foibleffe du dieu Terme & de la vanité des Augures, Voyez de civitate Dei, IV, 29.

quêtes de Trajan. Les Parthes recouvrè rent le droit d'élire leur fouverain, & les troupes romaines abandonnèrent les places où elles étoient en garnison en Arménie, en Affyrie & dans la Méfopotamie. Adrien reprit le systême d'Augufte; & le cours de l'Euphrate fervit de nouveau de frontiere à l'empire (1). L'envie, qui ne manque pas de cenfurer les actions publiques & les vues particulières des princes, s'est efforcée d'attribuer à des motifs de jaloufie une conduite qui peut-être étoit dictée par la prudence & par la modération. Ce foupçon paroît être fondé fur le caractere fingulier d'Adrien, capable tour à tour des fentimens les plus bas & les plus élevés cependant il ne pouvoit faire briller avec plus d'éclat la fupériorité de fon prédéceffeur, qu'en

(2) Voyez l'histoire Augufte, p. 5, la chronique de S. Jérôme, & tous les épitomes. Il est affez fingulier que cet événement mémorable ait été omis par Dion, ou plutôt par Xiphilin.

'Adrien &

Pieux

s'avouant lui-même trop foible pour conferver les conquêtes de Trajan.

Contrafte Le génie martial & ambitieux de l'un d'Antonin-le- formoit un contrafte fingulier avec la modération de l'autre : la tranquillité douce d'Antonin-le-Pieux ne paroîtra pas moins remarquable, fi on la compare avec l'activité infatigable de fon prédéceffeur. La vie d'Adrien. ne fut prefque qu'un voyage perpétuel ce prince aimoit la : guerre, cultivoit les lettres & poffédoit les talens d'un homme d'état; il fatisfit tous fes goûts, en fe livrant aux foins de fon empire. Infenfible à la différence des faifons & des climats, il marchoit à pied & tête nue dans les neiges de la Calédonie & dans les plaines embrafées de la haute Egypte. Enfin, lorfqu'il fut sur le trône, il n'y eut pas une province qui ne fût honorée de la présence du souverain (1),au-lieu qu'Antonin paffa des jours

(1) Dion, 1. LXIX, p. 1158, hift. Aug. p. 5, 8. Si tous les ouvrages des hiftoriens étoient perdus, lés

cifique d'A

deux Anto

nins.

paifibles dans le fein de l'Italie. Pendant les vingt-trois années que ce prince, fi digne d'être aimé, tint les rênes du gouvernement, fes plus longs voyages furent de Rome à Lanuvie, où il fe retiroit pour goûter les douceurs de la campagne (1). Malgré cette différence dans leur con- Sylême pa duite perfonnelle, Adrien & les deux drien & des Antonins ne s'écarterent pas du systême général embraffé par Augufte. Ils perfifterent dans le projet de maintenir la dignité de l'empire, fans entreprendre d'en reculer les bornes : on vit même ces princes employer toute forte de moyens honorables pour gagner l'amitié des Barbares. Leur but étoit de convaincre le genre humain que Rome, renonçant à toute idée de conquête, n'étoit plus animée que par l'amour de l'ordre

médailles, les infcriptions & les autres monumens de ce fiècle fuffiroient pour nous faire connoître les voyages d'Adrien.

(1) Voyez l'hiftoire Augufte & les épitomes.

& de la justice : le fuccès couronna pendant quarante-trois ans cette politique respectable; & fi nous en exceptons un petit nombre d'hoftilités, qui ne fervoient qu'à exercer les légions répandues fur la frontiere, l'univers fut en paix fous les règnes fortunés d'Adrien & d'Antonin-le-Pieux (1). Le nom Romain étoit refpecté parmi les nations de la terre les plus éloignées; fouvent les Barbares les plus fiers foumettoient leurs différends à la décifion de l'empereur; &, felon le témoignage d'un historien contemporain, des ambaffadeurs qui

étoient venus folliciter à Rome l'hon

(1) Il ne faut cependant pas oublier que, fous le règne d'Adrien, le fanatifme arma les Juifs, & excita une rebellion violente dans une province de l'empire. Paufanias (1. VIII, c. 43) parle de deux guerres nézeffaires, terminées heureusement par les généraux d'Antonin-le-Pieux; l'une contre les Maures vagabonds qui furent chaffés dans les déferts du Mont Atlas ; l'autre, contre les Brigantes de Bretagne, qui avoient envahi la province Romaine. L'histoire Augufte fait mention, p. 19, de ces deux guerres & de plufieurs autres hoftilités.

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