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poftérité par le plus grand Peintre de l'antiquité qu'il eft malheureux que nous n'ayons, pour connoître les actions brillantes de Trajan, que le récit obfcur d'un abrégé, ou la lumière douteuse d'un panégyrique ! Il existe cependant à la gloire de ce Prince un autre panégyrique que la flatterie n'a point dicté: deux cent-cinquante ans environ après. fa mort, le Sénat, au milieu des acclamations ordinaires qui retentissoient à l'avènement d'un nouvel Empereur, lui fouhaita la félicité d'Augufte & la vertu de Trajan (1).

Selon toutes les apparences, un Mo D'Adrien marque qui chériffoit fi tendrement fa A. 117 patrie, dut long-temps balancer fur le choix de fon fucceffeur. Il ne pouvoit se réfoudre à confier la puiffance fouveraine à fon neveu Adrien, dont le caractère fingulier ne lui étoit pas inconnu. Mais l'artifice de l'Impératrice Plotine

(1) Felicior Augufto, melior Trajano. Eutrope VIII, f.

fut fixer l'irréfolution de Trajan dans fes derniers momens. Peut-être fuppofa-t-elle hardiment une fauffe adoption (1). Quoi qu'il en foit, il eût été dangereux d'approfondir la vérité; ainsi Adrien fut reconnu paisiblement dans tout l'Empire. Nous avons déjà parlé de la prospérité de l'État fous fon règne. Ce Prince encouragea les Arts, réforma les loix, refferra les liens de la difcipline militaire, & parcourut lui-même toutes les provinces. Son génie vaste & actif embraffoit également les vues les plus étendues, & les plus petits détails de l'administration; mais la vanité & la curiofité furent fes paffions dominantes. Comme elles étoient fans ceffe excitées

(1) Dion (1. LXIX, p. 1249 ) regarde le tout comme une fiction, d'après l'autorité de son père, qui, étane Gouverneur de la Province où Trajan mourut, pouvoit facilement débrouiller ce mystère. Cependant Dadwel (pralect. Cambdem, xvII) a foutenu qu'Adrien fut défigné successeur de Trajan pendant la vie de ce Prince.

1

par une foule d'objets différens, on apperçut tour-à-tour dans Adrien un Prince excellent, un fophifte ridicule & un tyran jaloux de fon autorité. En général fa conduite avoit pour bafe une modération & une équité bien recommandables. Cependant il fit mourir, dans les premiers jours de fon règne, quatre Sénateurs confulaires, fes ennemis perfonnels, & dont tout le crime étoit d'avoir paru dignes de la pourpre impériale. Tourmenté sur la fin de fa vie par une maladie longue & douloureuse, il devint farouche & cruel; le Sénat ne favoit même s'il devoit le placer au rang des Dieux, ou le confondre parmi les tyrans; & les honneurs rendus à fa mémoire, ne furent accordés qu'aux vives follicitations d'Antonin-le-Pieux(1).

deux Verus

Adrien ne confulta d'abord qu'un Adoption des caprice aveugle pour le choix de fon fucceffeur. Après avoir jeté les yeux

(1) Dion, l. LXX, p. 1171. Aurel. Victor..

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fur plufieurs citoyens d'un mérite dif-
tingué, qu'il eftimoit & qu'il haïssoit,
il adopta Elius Verus, jeune Seigneur
livré aux plaifirs, dont la grande beauté
étoit une recommandation puissante au-
près de l'Amant d'Antinoüs (1). Mais
tandis
que l'Empereur s'applaudiffoit de
fon choix, & des acclamations des
foldats dont il avoit obtenu le confen-
tement par des libéralités excessives,
une mort prématurée vint tout-à-coup
arracher de fes bras le nouveau Céfar (2),
Elius Verus laiffoit un fils; Adrien en
confia l'éducation à fes fucceffeurs. Ce
jeune Prince fut adopté par Antonin-le-

,

(1) La déification, les médailles, les ftatues, les temples, les villes, les oracles & la conftellation d'Antinous font bien connus & déshonorent aux yeux de la poftérité la memoire de l'Empereur Adrien. Cependant nous pouvons remarquer que, des quinze premiers Céfars, Claude fut le feul dont les amours n'ayent pas fait rougir la Nature. Pour les honneurs rendus à Antinous, voyez Spanheim, Commentaires, fur les Céfars de Julien, p. 8o.

(1) Hift. Aug. p. 13. Aurel. Victor, in Epitom.

Pieux, & partagea dans la fuite avec Marc-Aurèle la dignité impériale. Parmi tous fes vices, il poffédoit une seule vertu : c'étoit une déférence aveugle pour la fageffe de fon collègue; il lui abandonna volontairement les foins pénibles du Gouvernement. L'Empereur philofophe ferma les yeux fur la conduite de Verus, pleura fa mort, & jeta un voile fur fa mémoire.

deux Anto

Adrien venoit de fatisfaire fa paffion. Adoption des Lorfque toutes fes efpérances furent nins. évanouies, il réfolut de mériter la reconnoiffance de la Poftérité, en plaçant fur le premier trône de l'Univers le mérite le plus éminent; fon œil pénétrant démêla facilement, dans la foule de fes fujèts, un Sénateur âgé de cinquante ans environ, dont toute la vie avoit été irréprochable, & un jeune homme de dix-fept ans, dont la fagesse annonçoit le germe des vertus qui devoient fe développer dans la fuite avec tant d'éclat. Le premier fut déclaré fils

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