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le foin qu'il prit de modérer le zèle du
Sénat contre les partifans de ce traître(1).
La guerre étoit à fes yeux le fléau de la
nature humaine; cependant, lorfque la
néceffité d'une jufte défense le forçoit
de prendre les armes, il ne craignoit pas
d'expofer fa perfonne, & de paroître à
la tête des troupes. On le vit pendant
huit hivers rigoureux camper fur les
bords glacés du Danube. Tant de fa-
tigues portèrent enfin le dernier coup à
la foibleffe de fa conftitution. Sa mé-
moire fut long-temps chère à la Pof-
térité; & plus d'un fiècle encore après.
fa mort, plufieurs perfonnes plaçoient
l'image de Marc- Aurele parmi celles
de leurs dieux domestiques (1).

Romains.

Quel fpectacle magnifique que cet Bonheur des état heureux & floriffant, dont la nature humaine a joui depuis la mort de Domitien jufqu'à l'avénement de Com

(1) Dion, l. LXXI, p. 1190; Hist. Aug. in Avid, Caffio.

(2) Hift. Aug. in Marc, Anton. c. 18.

Sa nature

incertalic..

mode! Ce feroit en vain que l'on chercheroit une autre période femblable dans les annales du monde. Un feul Monarque gouvernoit alors l'étendue immense de l'Empire, fous la direction immédiate de la fageffe & de la vertu. Les armées furent contenues par la main ferme de quatre Empereurs fucceffifs, dont le caractère imprimoit la vénération, & qui favoient fe faire obéir, fans avoir recours à des moyens violens. Les formes de l'administration furent refpectées par Nerva, Trajan, Adrien & les deux Antonins, qui, loin de vouloir renverfer l'image de la liberté, fe glorifioient de n'être que les dépofitaires & les miniftres de la loi. De tels Princes auroient été dignes de rétablir la République, fi les Romains euffent été capables de goûter les avantages d'une conftitution libre.

Ces Monarques recueilloient fans ceffe le fruit de leurs travaux. Ils avoient pour récompenfe la pureté de leurs

mœurs,

mœurs, l'orgueil qu'infpire la vertu, & le plaifir inexprimable qu'ils éprouvoient à la vue dé la félicité générale, dont ils étoient les auteurs. Cependant une réflexion jufte, máis bien triste, venoit obfcurcir ces idées brillantes. De quelle douleur ne devoient-ils pas être pénétrés, en penfant à l'instabilité d'un bonheur qui dépendoit d'un feul homme? Le moment fatal approchoit peut-être, où cette puissance, dont ils ne faifoient usage que pour rendre leurs fujets heureux, alloit devenir un inftrument terrible entre les mains d'un jeune Prince emporté par ses paffions, ou de quelque tyran jaloux de fon autorité. Le frein idéal du Sénat & des loix pouvoit bien fervir à développer les vertus des Empereurs; mais mais il étoit étoit trop foible pour corriger leurs vices : le defpotifme trouvoit dans les troupes une multitude immense de bras prêts à frapper, & dont la force paroiffoit irrésistible ; & les mœurs des Romains étoient fi corromTome I. P

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Tibère, Cali

& Domitien.

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Hiftoire de la décadence

pues, qu'il se présentoit fans ceffe des flatteurs empreffés à applaudir aux dérèglemens du Souverain, & des Miniftres difpofés à fervir fes cruautés, fon avarice ou fes crimes.

Souvenir de L'expérience avoit déjà justifié ces gula, Néron fombres alarmes. Les fastes de l'Empire font bien précieux pour celui qui veut approfondir la nature de l'homme. Les caractères foibles & incertains que l'on trouve dans l'Hiftoire moderne, ne nous présentent pas des peintures fi fortes ni fi variées. Il feroit facile de découvrir, dans la conduite des Empereurs Romains, toutes les nuances de la vertu & du vice, la perfection la plus fublime, & la dégradation la plus basse de notre espèce. L'âge d'or de Trajan & des Antonins avoit été précédé par un fiècle de fer. Il feroit inutile de parler des indignes successeurs d'Auguste: s'ils ont été fauvés de l'oubli, ils en font redevables à l'excès de leurs vices & à la grandeur du théâtre fur lequel ils ont

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paru. Le farouche Tibère, le furieux Caligula, l'imbécille Claude, le cruel Néron, le brutal Vitellius (1), & le lâche Domitien, font condamnés à une répu-' tation immortelle. Pendant près de quatre-vingts ans, Rome ne refpira que fous Vefpafien & fous Titus. Si l'on en excepte ces deux règnes qui durèrent peu, l'Empire (2), dans ce long intervalle, gémit fous les coups redoublés d'une tyrannie qui extermina les anciennes familles de la République, &

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(1) Vitellius dépensa, pour sa table, au moins centtrente millions, pendant environ fept mois. Il feroit difficile d'exprimer les vices de ce Prince avec dignité ou même avec décence. Tacite l'appelle un pourceau; mais c'est en substituant à ce mot groffier une très-belle image. « At Vitellius, umbraculis hortorum abditus, » ut ignava animalia, quibus fi cibum fuggeras, jacent, "torpentque, præterita, inftantia, futura, pari oblivione dimiferat. Atque illum nemore Aricino defidem » & marcentem, &c. » Tacite, Hift. 111, 36, 11, 95. Suétone, in Vitel. c. 13. Dion, l. LXV, p. 1062. (2) L'exécution d'Helvidius Prifcus & de la ver tueufe Eponine déshonorent le règne de Vefpafien.

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