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Avénemert de l'Empereu

Les loix de la propriété ont été établies pour mettre des bornes à la cupi- Commede. dité du genre humain; mais en donnant à quelques perfonnes ce que le grand nombre recherche avec le plus d'ardeur, elles font devenues la fource de toutes nos diffentions. Si le defir des richeffes trouble la paix intérieure de la fociété, quels défordres ne doit pas enfanter la foif du pouvoir ? L'ambition eft, de toutes nos paffions, la plus impérieufe & la plus funeste, puifqu'elle ne connoît aucun frein, & que l'orgueil d'un feul exige la foumiffion de tous. Dans le tumulte des difcordes civiles, les inftitutions fociales perdent toutes leurs forces; fouvent même la Nature réclame en vain fes droits. L'animofité des Partis, l'orgueil de la victoire, le désespoir du fuccès, le fouvenir des injures reçues, & la crainte de nouveaux dangers enflamment l'efprit, & contribuent à étouffer le cri de la pitié. De-là ces fcènes cruelles & enfanglantées, dont

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l'Hiftoire nous offre fi fouvent le tableau. Mais de pareils motifs ne peuvent justi fier la conduite tyrannique de l'Empereur Commode, qui, jouiffant de tout, n'avoit rien à defirer. L'heureux fils de Marc-Aurèle fuccéda à son père au milieu des acclamations du Sénat & de l'armée (1). Ce jeune Prince, lorsqu'il monta fur le trône, n'avoit autour de lui, ni rival à combattre, ni ennemis à punir. Maître de la plus grande partie du globe, il devoit naturellement préférer l'amour de ses sujets à leur haine, & la réputation des cinq Empereurs qui l'avoient précédé, au fort ignominieux de Néron & de Domitien.

Caractère de Cependant Commode n'étoit pas, comme on nous l'a représenté, un tigre

se Prince.

(1) Commode fut le premier Porphyrogenète (né depuis l'avènement de fon père au trône ). Par un rafinement de flatterie, les médailles égyptiennes datent des années de fa vie, comme fi elles n'étoient pas différentes de celles de fon règne: Tillemont, Hiftoire des Empereurs, tome II, p. 752.

altéré de fang, & capable, dès fes premières années, de fe porter aux excès les plus cruels (1). Il étoit né foible plutôt

que méchant. Une fimplicité & une timidité naturelle le rendirent esclave de fes courtisans, qui s'emparèrent de fon efprit. Sa cruauté fut d'abord l'effet d'une impulfion étrangère; elle dégé néra bientôt en habitude, & devint enfin la paffion dominante de cette ame corrompue (2).

à Rome.

Commode, à la mort de fon père, Il retourné se trouva chargé du commandement pénible d'une grande armée, & de la conduite d'une guerre difficile (3). L'on vit bientôt reparoître une foule de jeunes. courtifans dont les vices avoient attiré

(1) Hift. Auguft. p. 46.

(2) Dion, l. LXXII, p. 1203:

(3) Selon Tertullien (apolog. c 25), il' mourut à Sirmium ; mais la fituation de Vienne, Vindobona, où les deux Victor placent fa mort, s'accordent mieux: avec les opérations de la guerre contre les Quades & les Marcomans.

l'indignation de Marc-Aurèle, & qui, fous le règne précédent, avoient été bannis de la Cour. Ils gagnèrent la confiance du nouvel Empereur, exagérèrent les fatigues & les dangers d'une campagne dans des contrées fauvages, fituées au-delà du Danube, & affurèrent ce Prince indolent, que la terreur de fon nom, & les armes de fes Lieutenans fuffiroient pour réduire des Barbares effrayés, ou pour leur impofer des conditions plus avantageufes qu'une conquête. Ils flattoient adroitement fes goûts & fa fenfualité. On les entendoit fans ceffe comparer la tranquillité, la magnificence & les agrémens de Rome, aux tumultes d'un camp de Pannonie, où l'on ne connoifloit ni le luxe, ni les plaifirs qui volent à fa fuite (1). Commode prêta l'oreille à des avis fi agréables. Tandis qu'il étoit partagé entre fa propre inclination, & le refpect qu'il devoit à

(1) Hérodien, l. 1, p. 12..

la mémoire de fon père; insensiblement l'été s'écoula; il ne fit fon entrée dans Rome que l'automne fuivant. Ses graces naturelles (1), fon air populaire, & les vertus qu'on lui fupposoit, lui attirèrent la bienveillance publique. La paix ho norable qu'il venoit d'accorder aux Barbares, infpiroit une joie universelle (2); l'on attribuoit à l'amour de la patrie, l'impatience qu'il avoit montrée de revoir la Capitale ; & l'on pardonnoit à un jeune Prince de dix-neuf ans les amusemens frivoles auxquels il fe livroit.

Marc-Aurèle avoit laiffé auprès de fon fils des confeillers fages & fidèles. Commode parut d'abord les estimer & déférer à leurs avis. Pendant les trois premières années de fon règne, il conferva les formes, l'efprit même de l'ancienne adminiftration. Entouré des com

(1) Herodien, 1. 1, p. 16.

(2) Cette joie univerfelle eft bien décrite par M. Wotton (d'après les médailles & les Hiftoriens Hiftoire de Rome, p. 192, 193.

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