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fang, ou fe livroit aux plaisirs, l'administration de l'Empire étoit entre les mains de Perennis, Miniftre vil & ambitieux, qui avoit affaffiné fon prédéceffeur pour en occuper la place, mais qui poffédoit de grands talens & béaùcoup de fermeté, Il avoit amaffé une fortune immenfe par fes exactions, & en s'emparant des biens des Nobles facrifiés à son avarice. Les cohortes prétoriennes lui obéiffoient comme à leur Chef. Son fils, déjà connu dans la carrière des armes, commandoit les légions d'Illyrie. Perennis afpiroit au trône; ou, ce qui paroiffoit également criminel aux yeux de Commode, il pouvoit y afpirer, s'il n'eût été prévenu, furpris & mis à mort.

La chûte d'un Miniftre est un événement de peu d'importance dans l'Hiftoire générale de l'Empire; mais la ruine de A. 186 Perennis fut accélérée par une circonftance extraordinaire, qui fit voir combien la discipline étoit déjà relâchée.

Maternus.

Les légions de Bretagne, mécontentes du gouvernement de ce Miniftre, formèrent une ambaffade de quinze cents hommes choifis, & les envoyèrent à Rome avec ordre d'expofer leurs plaintes à l'Empereur. Ces députés militaires, en fomentant les divifions des Prétoriens, en exagérant la force des Troupes Britanniques, & en alarmant le timide Commode, exigèrent & obtinrent, par la fermeté de leur conduite, la mort de Perennis(1). L'audace d'une armée fi éloignée de la Capitale, & la découverte fatale qu'elle fit de la foibleffe du Gouvernement, présageoient les plus terribles convulfions.

Revole de Tout annonçoit une anarchie funeste: bientôt après, une légère étincelle produifit un grand incendie. Les désertions devenoient fréquentes parmi les troupes.

(1) Dion, l. LXXII, p. 1210; Hérodien, 1. 1, p. 22; Hift. Aug. p. 48; Dion donne à Perennis un caractère moins odieux que ne le font les autres Hiftoriens. Sa modération eft prefque un gage de la véracité.

Après avoir abandonné leurs drapeaux, les foldats, au lieu de fe cacher & de fuir, infeftèrent les grands chemins. Maternus, fimple foldat, mais d'une hardieffe & d'une valeur extraordinaires, raffembla ces bandes de voleurs, & en compofa une petite armée. Il ouvrit en même-temps les prifons, invita les efclaves à brifer leurs fers, & ravagea impunément les villes opulentes & fans défense de la Gaule & de l'Espagne. Les Gouverneurs de ces provinces avoient été pendant long-temps spectateurs tranquilles de ces déprédations; peut être même en avoient-ils profité; ils fortirent enfin de leur indolence, & parurent difpofés à exécuter les ordres de l'Empereur. Environné de tous côtés, Maternus prévit qu'il ne pouvoit échapper; le défespoir étoit fa dernière reffource, Il ordonne tout-à-coup aux compagnons de fa fortune de se difperfer, de paffer les Alpes par pelotons & fous différens déguisemens, & de fe rendre dans la

Cléandre,

Miniftre.

Capitale pendant la fête tumultueuse de Cybèle (1). Il n'afpiroit à rien moins qu'à maffacrer Commode, & à s'emparer du trône vacant. Une pareille ambition n'est point celle d'un brigand ordinaire. Les mefures étoient fi bien prifes, que déjà les troupes cachées rempliffoient les rues de Rome. La jaloufie d'un complice découvrit cette fingulière entreprise, & la fit manquer au moment que tout étoit prêt pour l'exécution (2).

Les Princes foupçonneux donnent fouvent leur confiance aux derniers de leurs fujets, dans la ferme perfuafion

(1) Durant la feconde guerre punique, les Romains apportèrent de l'Afie le culte de la mère des Dieux. Sa fête, Megalefia, commençoit le 4 d'Avril, & duroit fix jours les rues étoient remplies de folles proceffions; les fpectateurs fe rendoient en foule aux théâtres; & l'on admettoit aux tables publiques toute forte de convives. L'ordre & la police étoient fufpendus, & le plaifir devenoit la feule occupation férieuse de toute la ville. Voyez Ovide, de Faftis, 1. IV, 189, &c.

(2) Hérodien, l. 1, p. 23, 28.

que

que des hommes fans appui, & tirés tout-à-coup d'un état vil, feront entièrement dévoués à la perfonne de leur bienfaiteur. Cléandre, fucceffeur de Perennis, avoit pris naiffance en Phrygie; il étoit d'une Nation dont le caractère vil & intraitable ne pouvoit être foumis que par les traitemens les plus durs (1). Envoyé à Rome comme esclave, il fervit d'abord dans le Palais Impérial, & s'y rendit bientôt néceffaire à fon Maître en flattant ses paffions. Enfin il monta rapidement au premier rang de l'Empire; fon influence fur l'efprit de Commode fut encore plus grande que celle de fon prédéceffeur. En effet, Cléandre n'avoit aucun de ces talens capables d'exciter la jaloufie de l'Empereur, ou de lui infpirer de la méfiance. L'avarice étoit la paffion do- son avarice minante de cette ame vile, & le mobile de toutes les actions. On vendoit publi

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& fa cruauté.

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