Imágenes de páginas
PDF
EPUB

Gardes Prétoriennes ; leur inftitution.

la foumiffion une centaine de fes femblables. Le tyran d'une feule ville ou d'un domaine borné s'appercevra bientôt que cent foldats armés font une bien foible défense contre dix mille payfans ou citoyens mais cent mille hommes de troupes réglées & bien difciplinées, commanderont avec un pouvoir defpotique dix millions de fujets ; & un corps de dix ou quinze mille gardes imprimera la terreur à la populace la plus nombreufe d'une capitale immense.

[ocr errors]

Tel étoit à peine le nombre de ces Gardes Prétoriennes (1), dont l'extrême licence fut une des principales causes & le premier symptôme de la décadence de l'Empire. Leur institution remontoit

(1) Leur nombre étoit originairement de neuf ou dix mille hommes (car Dion & Tacite ne font pas d'acord à cet égard), divisés en autant de cohortes. Vitellius le porta à feize mille ; &, autant que les infcriptions peuvent nous en inftruire, ce nombre, par la fuite, ne fut jamais beaucoup moins confidérable. Voyez Jufte-Lipfe, de Magnitudine Romanâ, 1, 4.

à l'Empereur Augufte. Ce tyran habile, perfuadé que les loix pouvoient colorer une autorité ufurpée, mais que les armes feules la foutiendroient, avoit formé par degrés un corps redoutable de Gardes prêtes à défendre fa perfonne, à en imposer au Sénat, & à prévenir ou étouffer les premiers mouvemens d'une rebellion. Il leur accorda une double paye & des prérogatives fupérieures à celles des autres troupes. Comme leur afpect formidable pouvoit à-la - fois alarmer & irriter le Peuple Romain, ce Prince n'en laiffa que trois cohortes dans la Capitale; les autres étoient difperfées (1) en Itálie dans les villes voisines. Mais après cinquante ans de paix & de fervitude, Tibère crut pouvoir tout entreprendre. Sous le prétexte fpécieux de délivrer l'Italie de la charge des quartiers militaires, & d'introduire parmi les Gardes une difcipline plus rigou

(1) Suétone, Vie d'Auguste, c. 49.

&

reuse, il appella le Corps entier auprès de lui; démarche fatale qui décidoit du fort de l'Univers, & faifoit difparoître Leur camp. jufqu'à l'ombre de la liberté. Les Prétoriens restèrent toujours dans le même camp(1), que l'on avoit fortifié avec le plus grand foin (2), & qui, par fa fituation avantageufe, dominoit fur toute la `ville (3).

leur con

fance.

Leur force Des ferviteurs fi redoutables, toujours néceffaires au defpotisme, lui deviennent fouvent funeftes. En introduifant les Gardes du Prétoire dans le palais & dans le Sénat, les Empereurs leur apprixent à connoître leurs propres forces

(1) Tacite, Annal. IV, 2; Suétone, Vie de Tibère, c. 37; Dion Caffius, 1. LVII, p. 867.

(2) Dans la guerre civile entre Vefpafien & Vitellius, le camp des Prétoriens fut attaqué & défendu avec toutes les machines que l'on employoit au fiége des villes les mieux fortifiées. Tacite, Hift. 111, 84.

(3) Près des murs de la ville, fur le fommet des monts Quirinal & Viminal. Voyez Nardini, Roma antica , p. 174; Donato, de Româ antiquâ,p. 46.

& la foibleffe de l'administration. Bientôt ces foldats envifagèrent les vices de leurs Maîtres avec une familiarité qui se changeoit en mépris; & ils n'eurent plus pour la puiffance fouveraine cette vénération profonde que la distance & le mystère peuvent feuls infpirer dans un Gouvernement arbitraire. Au milieu des plaifirs d'une ville opulente, leur orgueil fe nourriffoit du fentiment de leur force. Il eût été impoffible de leur cacher que la perfonne du Monarque, l'autorité du Sénat, le tréfor public & le fiége de l'Empire, étoient, entre leurs mains. Dans la vue de les détourner de ces idées dangereuses, les Princes les plus fermes & les mieux établis fe trouvoient forcés de mêler - les careffes aux ordres, & les récompenfes aux châtimens. Il falloit flatter leur vanité, leur procurer des plaisirs, fermer les yeux fur l'irrégularité de leur conduite, & acheter leur fidélité chancelante par des libéralités excef

Leurs droits fpécieux.

fives. Depuis l'élévation de Claude, ils exigèrent ces préfens comme un droit légitime, à l'avénement de chaque nouvel Empereur (1).

On s'efforça de justifier par des argumens une puissance foutenue par les armes; & l'on prétendoit que, fuivant les premiers principes de la conftitution, le confentement des Gardes étoit effentiellement néceffaire à la nomination d'un Empereur. L'élection des Confuls, des Magiftrats & des Généraux, quoiqu'ufurpée par le Sénat, avoit autrefois appartenu incontestablement au

(1) Claude, que les foldats avoient élevé à l'Empire, fut le premier qui leur fit des largeffes. Il leur donna à chacun quina dena, H. S. deux mille sept cens livres (Suétone, Vie de Claude, c. 10). Lorsque Marc-Aurèle monta paifiblement fur le trône avec fon collégue Lucius-Verus, il donna à chaque Prétorien vicena, H. S. trois mille fix cens livres, (Hift. Aug. p. 25; Dion, l. LXXIII, p. 1231). Adrien se plaignoit que, lorfqu'il fit un Céfar, la promotion lui avoit coûté ter millies, H, S. cinquante-fix millioas de notre monnoie.

« AnteriorContinuar »