mais fes accufateurs étoient des Ecrivains qui proftituoient leur encens à Sévère, & dont la plume 'vénale a défiguré les traits d'un rival infortuné. La vertu ou l'hypocrifie d'Albinus lui avoit attiré l'eftime & la confiance de Marc-Aurèle; & s'il conferva la même influence fur l'efprit du fils, fa conduite prouveroit feulement qu'il avoit un caractère trèsflexible. La faveur d'un tyran ne suppose pas toujours un défaut de mérite dans celui qui en eft l'objet. Souvent le hafard, le caprice, la néceffité des affaires publiques ont porté des Princes à récompenfer des talens & des vertus qu'ils étoient bien éloignés eux-mêmes de pofféder. Il ne paroît pas qu'Albinus ait jamais été le miniftre des cruautés de Commode, ni même le compagnon de fes débauches. Il étoit revêtu d'un commande C'est dans cet efprit qu'ont été deffinés la plupart des portraits de l'Hiftoire Augufte. ment honorable loin de la Capitale, lorfqu'il reçut une lettre particulière de l'Empereur, qui lui faifoit part des complots de quelques Officiers mécontens, & qui l'autorifoit à fe déclarer défenseur du Trône, & fucceffeur à l'Empire, en prenant le titre & la dignité de Céfar (1). Le Gouverneur de Bretagne refusa sagement d'accepter un honneur dangereux qui l'auroit expofé à la jaloufie, & qui pouvoit l'envelopper dans la ruine prochaine de Commode. Albinus employa, pour s'élever, des moyens plus nobles, ou au moins plus impofans. Sans même attendre la mort de l'Empereur, il affsembla fes troupes; & après avoir déploré les maux inévitables du defpotifine, il leur représenta, dans un difcours éloquent, le bonheur & la gloire dont leurs ancêtres avoient joui fous le Gouvernement confulaire, & déclara qu'il étoit fermement résolu de rendre au peuple (1) Hift. Aug. p 80-84. & au Sénat leur autorité légitime. Cette harangue populaire fut reçue par les Légions Britanniques, avec des acclamations redoublées. A Rome, elle excita des applaudiffemens fecrets. Tranquille poffeffeur d'une province féparée du continent, & à la tête d'une armée moins célèbre, il est vrai, par la difci_ cipline que par le nombre & la valeur . des foldats (1), le Gouverneur de Bretagne brava les menaces de Commode, opposa une conduite équivoque à l'autorité de Pertinax, & leva l'étendard contre Julien, dès que ce Prince eut ufurpé la Couronne. Les convulfions de la Capitale juftifioient en quelque forte la conduite d'Albinus; il paroiffoit n'être guidé que par l'amour de la patrie. La modeftie lui défendit de prendre les titres pompeux (1) Pertinax, qui gouvernoit la Bretagne quelques années auparavant, avoit été laiffé pour mort dans un foulèvement des foldats. Hift. Aug. p. 54. Cependant les troupes le chériffoient, & elles le regrettèrent. «Admirantibus eam virtutem, cui irafcebantur ». Pefcennius Niger en Sy. cic. d'Augufte & d'Empereur. Il voulut peutêtre imiter l'exemple de Galba, qui, dans une circonftance pareille, s'étoit fait appeller le Lieutenant du Sénat & du Peuple (1). Le mérite personnel de Pescennius Niger fit oublier fa naiffance obfcure, & l'éleva d'un emploi médiocre au Gouvernement de la Syrie; pofte important & très-lucratif, qui, dans des temps de guerre civile, pouvoit lui frayer le chemin au Trône. Cependant il paroiffoit plus fait pour briller au fecond rang, que pour occuper le premier. Inca pable de commander en Chef, il auroit été le meilleur Lieutenant de Sévère, qui eut dans la fuite affez de grandeur d'ame pour adopter plufieurs inftitutions utiles d'un ennemi vaincu (2). Niger, dans fon Gouvernement, gagna l'estime des troupes. Sa discipline (1) Suétone, Vie de Galba, c. 1Q. rigide affermiffoit la valeur, & fixoit l'obéiffance des foldats. Il fut auffi, malgré la fermeté de fon administration, fe concilier l'amour des habitans de la province. Les voluptueux Syriens étoient fur-tout enchantés de l'affabilité de fes manières, & du goût qu'il paroiffoit prendre à leurs fêtes splendides & nombreuses (1). Dès-que l'on apprit à Antioche le meurtre atroce de Pertinax, toute l'Afie se tourna vers Niger, pour l'inviter à venger la mort de ce Prince, & le défigna comme fon fucceffeur au Trône. Les légions de l'Orient embrassèrent sa cause. Depuis les frontières d'Ethiopie(2) jusqu'à la Mer Adriatique, les (1) Hérodien, l. 11, p. 68. On voit dans la Chronique de Jean Malala d'Antioche, combien fes com patriotes étoient attachés à leurs fêtes, qui fatitfaifoient à-la-fois leur fuperftition & leur amour pour le plaifir. (2). L'Hiftoire Augufte parle d'un Roi de Thèbes en Égypte, allié & ami perfonnel de Niger. Si Spartien |