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Lieutenans eût été capable de repouffer l'Ennemi, il prit le parti de faifir un prétexte fi honorable, pour arracher fes fils au luxe de la Capitale, qui énervoit leur ame, & qui irritoit leurs paffions, & pour endurcir ces jeunes Princes aux travaux de la guerre & de l'Adminiftration. Malgré fon âge avancé, car il avoit alors plus de foixante ans, & malgré fa goutte, qui l'obligeoit de fe faire porter en litière, il se rendit en perfonne dans cette ifle éloignée, accom pagné de fes deux fils, de toute fa Cour & d'une armée formidable. Immédiatement après fon arrivée, il paffa les murailles d'Adrien & d'Antonin, & entra dans le pays ennemi, avec le projet de terminer la conquête fi fouvent entreprise de la Bretagne. Il pénétra jusqu'à l'extrémité feptentrionale de l'ifle, fans rencontrer aucune armée; mais les embufcades des Calédoniens, qui, voltigeant fans ceffe au-deffus des Troupes Romaines, tomboient tout-à-coup fur les A a iij

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flancs & fur l'arrière-garde, le froid vigoureux du climat, & les fatigues, d'une marche pénible à travers les montagnes & les lacs, glacés de l'Écoffe coûtèrent, dit-on, à l'Empire, plus de cinquante mille hommes. Enfin, les Calédoniens, épuisés par des attaques vives & réitérées, demandèrent la paix, remirent au vainqueur une partie de leurs armes, & lui cédèrent une étendue trèsconfidérable de leur territoire. Mais leur foumiffion n'étoit qu'apparente; elle ceffa avec la terreur que leur infpiroit la préfence de l'Ennemi. Dès- que les Romains fe furent retirés, les Barbares fecouèrent le joug & recommencèrent leurs hoftilités. Leur efprit indomptable enflamma le courroux de Sévère. Ce Prince réfolut d'envoyer une autre armée dans la Calédonie, avec l'ordre barbare de marcher contre les habitans. non pour les foumettre, mais pour les exterminer. La mort vint le furprendre

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tandis qu'il méditoit cette cruelle exé

cution (1).

Héros.

Cette guerre Calédonienne, peu fer- Fingal & tile en événemens remarquables, & dont les fuites n'ont point été importantes, fembleroit ne pas devoir mériter notre attention; mais on suppose, avec la plus grande vraisemblance, que l'invafion de Sévère tient à l'époque la plus brillante de l'Hiftoire ou de la Fable des anciens Bretons. Un Auteur moderne vient de nous faire connoître les exploits & la réputation des Poëtes & des Héros qui vivoient dans ces temps reculés. Fingal, dit-on, commandoit alors les Calédoniens (2); il osa braver la puif

(1) Dion, 1. LXXVI, p. 1280, &c.; Hérodien, I. III - P. 132, &c.

(2) Ce Prince régnoit dans l'occident de l'Écoffe. Son fils, Barde de profeffion, chanta fes exploits; il compofa, dit-on, plufieurs Poëmes à la louange de fon pere; & ce font ces différens morceaux, qu'un M. Macpherson recueillit, qu'il difpofa dans un ordre convenable, & dont il donna la traduction en anglois, fous le nom de Poéfies d'Offian. Cet Ouvrage, lorf

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fance formidable de Sévère, & il remporta, fur les rives du Carun, une vic

qu'il parut il y a quelques années', produfit une difcuffion littéraire affez vive, qui devint bientôt une espèce de difpute nationale. Les Écoffois fe vantèrent d'avoir un Poëme épique; & ils cherchèrent à perfuader à toute l'Europe que leur Langue, aujourd'hui presque ignorée, & qui n'eft connue que de quelques pauvres Montagnards, avoit enfanté, dans fon idiôme agrefte, des chef-d'oeuvres comparables aux productions les plus achevées des Anciens & des Modernes. D'un autre côté, les Anglois, toujours jaloux de la gloire de leurs Voifins, ne vouloient pas convenir qu'il y eût eù quelques étincelles de génie en Écoffe, dans un temps où leur propre pays, plongé dans les ténebres de l'ignorance, ne préfentoit que l'image de la fervitude, & gémiffoit fous le defpotifme des Romains. L'opinion la plus probable, & celle qui paroît s'établir le plus univerfellement, eft que les Poéfies d'Offian, proprement dites, n'exiftent pas; qu'elles ne confiftent que dans des Chanfons ou Romances que la tradition a confervées, & que, dans leur état original, elles font bien loin de la forme où elles ont été publiées.

On peut voir, dans le nord de la Grande-Bretagne, d'autres monumens qui rappellent aux defcendans des Calédoniens leurs anciens Héros. Deux grottes portent encore le nom de Caves de Fingal; l'une, dans l'ile d'Arran, fituée à l'embouchure du Clyde ;

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toire signalée, dans laquelle le Fils du Roi du Monde, Caracul, prit la fuite avec précipitation à travers les champs de fon orgueil (1).

Calédo

Romains,

Les Annales Ecoffoifes font toujours Contrafe couvertes de quelques nuages, que juf-niens & des qu'à préfent les recherches les plus ingénieufes des Critiques (2) n'ont pu diffi

l'autre, dans la petite ifle de Staffa, une des Hébrides. Cette dernière grotte eft fur-tout remarquable par le spectacle magnifique qu'elle préfente. La Nature y a taillé d'immenfes colonnes dont l'aspect eft encore plus impofant que celui de la fameufe Chauffée des Géans en Irlande. Voyez le Voyage de Pennant en Écoffe, tome 2, p. 181, 263. Note du

Traducteur.

(1) Poéfies d'Offian, vol. I, p. 131, édit. de 1765.

(2) L'opinion que le Caracul d'Offian eft le Caracalla des Romains,, eft peut-être le feul point d'antiquité britannique fur lequel M. de Macpherson & M. Whitaker foient d'accord; & cependant cette opinion n'eft pas fans difficulté, Dans la guerre de Calédonie, le fils de Sévère n'étoit connu que par le nom d'Antonin. N'eft-il pas fingulier qu'un Poëte Écoffois ait donné à ce Prince un fobriquet inventé quatre ans après cette expédition, dont les Romains ont à peine fait ufage de fon vivant, & que les anciens Historiens emploient

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