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per entièrement. Mais livrons-nous au plaifir d'imaginer que Fingal exista, & qu'Offian a fait retentir les montagnes de fes chants harmonieux: en admettant ces fuppofitions féduifantes, le contraste frappant des mœurs & de la position des peuples rivaux, est un spectacle intéreffant pour un Philofophe. Si l'on compare la vengeance implacable de Sévère, avec la noblesse, la générofité de Fingal; le caractère lâche & féroce de Caracalla, avec la bravoure, le génie brillant, la douce fenfibilité d'Offian; fi l'on oppose à des chefs mercenaires que la crainte ou l'intérêt force à fuivre les étendards de l'Empire, des guerriers îndépendans, qui volent aux armes à la voix du Roi de Morven; en un mot, fi l'on contemple d'un côté la liberté, l'innocence & les vertus éclatantes des Calédoniens infpirés par la Nature ; de

très-rarement? Voyez Dion, 1. LXXVII, p. 1317į Hift. Aug. p. 89; Aurel. Victor; Eusèbe in Chron. ad ann. 214.

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l'autre, l'esclavage, la corruption & les crimes flétriffans des Romains dégénérés, le parallèle ne sera pas à l'avantage de la nation la plus civilisée.

Caracalla,

La fanté languiffante & la dernière Ambition de maladie de l'Empereur enflammèrent l'ambition atroce de Caracal a. Dévoré du defir de régner, déjà le fils de Sévère fouffroitimpatiemment que l'Empire fe trouvât partagé : il médita le noir projet d'abréger les jours d'un père expirant, & même il effaya d'exciter une rebellion parmi les troupes (1). Ses intrigues furent inutiles. Le vieil Empereur avoit fouvent blâmé l'indulgence aveugle de Marc-Aurèle, qui pouvoit, par un feul acte de justice, fauver les Romains de la tyrannie de son indigne fils. Placé dans les mêmes circonstances, ce Prince fentit avec quelle facilité la tendresse d'un père étouffe dans le cœur des Sou

(1) Dion, 1. LXXVI, p. 1282; Hift. Aug. p. 71 Aurel. Victor,

verains la févérité d'un Juge. Il délibéroit, il menaçoit, mais il ne pouvoit punir; fon ame s'ouvrit alors pour la première fois à la pitié; & fa fenfibilité fut plus fatale à l'Empire que toutes les cruautés qu'on pouvoit lui reprocher (1).

Le défordre de fon ame irritoit les douleurs de fa maladie : il fouhaitoit ardemment la mort; fon impatience le fit defcendre plus promptement au tomMort de Se-beau; il rendit les derniers foupirs à

vere, & avé

penent de fes Yorck, dans la foixante-fixième année

deux fils.

Février.

A 211, de fa vie, & dans la dix-huitième d'un règne brillant & heureux. Avant d'expirer, il recommanda fes fils à l'Armée, & il les exhorta à vivre dans une parfaite union. Les dernières inftructions de Sévère ne parvinrent pas jufqu'au cœur des jeunes Princes; ils n'y firent pas même la plus légère attention; mais les troupes, fidèles à leur ferment, obéirent à l'autorité d'un Maître dont elles refpectoient encore la cendre; elles réfif

(1) Dion, 1. LXXVI, p. 1283;. Hift. Aug. p. 89.

tèrent aux follicitations de Caracalla, & proclamèrent les deux frères Empereurs de Rome. Les nouveaux Souverains laifsèrent les Calédoniens en paix, retournèrent dans la Capitale, où ils rendirent les honneurs divins à leur père, & furent reconnus folemnellement comme Monarques légitimes par le Sénat, par le Peuple & par les Provinces. Il paroît que l'on accordoit, pour le rang, quelque prééminence au frère aîné; mais ils gouvernèrent tous les deux l'Empire avec un pouvoir égal & indépendant (1).

haine dendu

Une pareille administration auroit al- alone & lumé la difcorde entre deux frères qui Emperes. se feroient le plus tendrement aimés. Il étoit impoffible que cette forme de gouvernement fubfiftât long-temps entre deux ennemis implacables, qui, remplis d'une méfiance réciproque, ne pouvoient defirer une réconciliation. On prévoyoit

(1) Dion, l. LXXVI, p. 1284; Hérodien, 1. 111, P. 135.

que l'un des deux feulement pouvoiť régner, & que l'autre devoit périr. Cha cun en particulier jugeant par fes propres fentimens des desseins de fon rival, ufoit de la plus exacte vigilance pour mettre sa vie à l'abri des attaques du poifon ou de l'épée. Ils parcoururent rapidement la Gaule & l'Italie; & pendant tout ce voyage, jamais ils ne man gèrent à la même table, ni ne dormirent fous le même toît, donnant ainfi, dans les Provinces qu'ils traverfoient, le fpectacle odieux de l'inimitié fraternelle.

A leur arrivée dans la Capitale, ils partagèrent auffi-tôt la vaste étendue du Palais Impérial (1). Toute communication

(1) M. Hume s'étonne, avec raifon, d'un paffage d'Hérodien (1. IV, p. 139) qui représente à cette occafion le palais des Empereurs comme égal en étendue au refte de Rome. Le mont Palatin, fur lequel il étoit bâti, avoit onze on douze mille pieds de circonférence (Voyez Notit. & Victor; dans la Roma antica de Nardini); & il ne faut pas oublier que les palais & les jardins immenfes des Sénateurs entouroient prefque toute la ville, & que les Empereurs en avoient confifqué, la plus grande partie. Si Géta demeuroit for

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