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'douceur, l'humanité de Balbin ne lui en impofoit point affez. Bientôt la foule s'augmente; & les mutins entourent le temple de Jupiter, en frappant l'air de leurs cris, Ils réclament, comme un titre légitime, le droit de ratifier l'élection d'un Souverain ; & ils demandent, avec une modération apparente, qu'outre les deux Empereurs déjà nommés par le Sénat, on en choififfe un troifième dans la famille des Gordiens, comme une juste marque de reconnoiffance envers ces deux Princes, qui avoient facrifié leur vie pour la République. Maxime & Balbin, à la tête des Gardes de la ville & des plus jeunes de l'Ordre Equeftre, entreprennent de fe faire jour à travers les rebelles : la multitude, armée de pierres & de bâtons, repouffe ces Princes, & les force de se réfugier dans le Capitole. Il est prudent de céder, lorfque la difpute, quelle que puiffe en être l'iffue, doit être fatale aux deux partis. Un enfant, âgé feulement de treize ans,

Maximin fe

difpofe à atta

petit-fils du vieux Gordien, & never du plus jeune, fut montré au Peuple avec les ornemens & le titre de Céfar. Cette condefcendance appaifa le tumulte ; & les deux Empereurs, après avoir été reconnus paisiblement dans Rome, fe préparèrent à défendre l'Italie contre l'ennemi public.

Tandis qu'au milieu de la Capitale & quer le sénat dans le fein de l'Afrique, les révolu fes Empe 1 keurs. tions fe fuccédoient les unes aux autres avec une rapidité inconcevable, l'efprit de Maximin étoit déchiré par les paffions les plus violentes. On prétend qu'il reçut, non en homme, mais en bête féroce, la nouvelle de la rebellion des Gordiens & du décret folemnel rendu contre fa perfonne. Trop éloigné du Sénat pour lui faire éprouver toute fa rage, il vouloit, dans les premiers mouvemens d'une fureur aveugle, fouiller fes mains du fang de fon fils, de fes amis & de tous ceux qui ofoient l'approcher. Il s'applaudiffoit à peine de la

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chûte précipitée des Gordiens, lorsqu'il apprit que les Sénateurs, renonçant à tout espoir de pardon, avoient élu de nouveau deux Princes dont il ne pouvoit ignorer le mérite. La vengeance étoit la dernière reffource de Maximin; & les armes feules pouvoient lui procurer cette unique confolation. Il fe trouvoit à la tête des meilleures légions Romaines, qu'Alexandre avoit raffemblées de toutes les parties de l'Empire. Trois campagnes heureuses contre les Sarmates & contre les Germains avoient élevé leur réputation, exercé leur difpline & augmenté même leur nombre, en les rempliffant d'une foule de jeunes Barbares. Maximin avoit paffé fa vie dans les camps; & l'Histoire ne peut lui refuser la valeur d'un Soldat, ni même les talens d'un Général expérimenté (1).

(1) Dans Hérodien, I. vII, p. 249, & dans l'Hif toire Augufte, nous avons trois Harangues différentes de Maximin à fon armée fur la rebellion d'Afrique & de Rome. M. de Tillemont a très bien obfervé qu'elles

Il étoit à préfumer qu'un Prince de ce caractère, au-lieu de laiffer à la rebellion le temps de fe fortifier, fe tranfporteroit fur-le-champ des rives du Danube aux bords du Tibre, & que fon armée victorieufe, pleine de mépris pour le Sénat, & impatiente de s'emparer des dépouilles de l'Italie, devoit brûler du defir de terminer une conquête facile.

Cependant, autant que nous pouvons en juger par la chronologie obscure de cette période (1), il paroît que Ma

ne s'accordent ni entre elles, ni avec la vérité. Hift. des Empereurs, tome III, p. 799.

(1) L'inexactitude des Écrivains de ce fiècle nous jette dans un grand embarras. 1°. Nous favons que Maxime & Balbin furent tués durant les Jeux Capitolins. Hérodien, 1. vIII, p. 285. L'autorité de Cenforin

de die natali, c. 18), nous apprend que ces Jeux furent célébrés dans l'année 238; mais nous ne connoiflons ni le mois ni le jour. 2°. Nous ne pouvons douter que Gordien n'ait été élu par le Sénat le 27 Mai; mais nous fommes en peine de découvrir fi ce fut la même année ou la précédente. Tillemont &

ximin, retardé par les opérations de quelque guerre étrangère, ne marcha que le printemps fuivant en Italie. D'après la conduite prudente de ce Prince, nous sommes portés à croire que les traits farouches de fon caractère ont été exagérés par l'efprit de parti; que fes paffions, quoiqu'impétueufes, fe foumettoient à la force de là raison; & que fon ame barbare avoit quelques étincelles du noble génie de Sylla, qui fubjugua les ennemis de Rome, avant de fonger à venger fes Injures particulières (1),

Muratori, qui foutiennent les deux opinions oppofées, s'appuient d'une foule d'autorités, de conjectures & de probabilités. L'un refferre la fuite des faits entre ces deux époques; l'autre l'étend au-delà, & tous deux paroiffent s'écarter également de la raifon & de l'Hiftoire. Il est cependant néceffaire de choifir entre

eux.

(1) Velleius Paterculus, l. 11, c. 24; le Préfident de Montefquieu (dans fon Dialogue entre Eucrate & Sylla) exprime les fentimens du Dictateur d'une manière ingénieufe & même fublime.

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