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fembloit n'avoir eu d'autre intention
que de donner à l'Empire deux Chefs
capables de le gouverner
gouverner dans la guere
& dans la paix. Outre ce motif fpé-
cieux, il eft probable que cette Assem-
blée fut encore guidée par le desir se-
cret d'affoiblir le defpotifme du Magif
trat fuprême. Sa politique lui réuffit;
mais elle lui devint fatale, & entraîna
des Souverains. Bientôt la ja-
loufie du pouvoir fut irritée par la diffé-
rence de caractère. Maxime méprifoit
Balbin, comme un Noble livré aux plai-
firs; & celui-ci dédaignoit fon collègue,
comme un foldat obscur. Cependant
jufques-là leur méfintelligence étoit plu-
tôt foupçonnée qu'apperçue (1). Leurs
difpofitions réciproques les empêchè-
rent d'agir avec vigueur contre les Pré-
toriens, leurs ennemis communs. Un

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la perte

(1) « Difcordia tacita, & qua intelligerentur potiùs

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quàm viderentur. » Hift. Augufte p. 170. Cette expreffion heureufe eft probablement prife de quelque meilleur écrivain.

25 Juillet.

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Ann. 238, jour que toute la ville affiftoit aux jeux Capitolins, les Empereurs étoient restés prefque feuls dans leurs Palais, où ils occupoient déjà des appartemens trèséloignés l'un de l'autre. Tout à coup ils prennent l'alarme à l'approche d'une troupe d'affaffins furieux : chacun ignorant la fituation ou les deffeins de fon collègue, tremble de donner ou de recevoir des fecours; & ils perdent ainfi des momens précieux en frivoles dé bats & en récriminations inutiles. L'arrivée des Gardes met fin à ces vaines difputes ils fe faififfent des Empereurs du Sénat, nom qu'ils leur donnoient par dérifion. Ils les dépouillent de leur manteau de pourpre, & les traînent en triomphe dans les rues de Rome, avec le projet de leur faire fubir une mort lente & cruelle. La crainte que les fidèles Germains de la Garde Impériale ne vinffent les arracher de leurs mains, abrégea les tourmens de ces malheureux Princes, dont les corps percés

*

:

de mille coups furent expofés aux infultes ou à la compaffion de la popu lace (1).

Le troisième

Dans l'efpace de peu de mois, l'épée Gordion rifte avoit tranché les jours de fix Princes. feul Empereue Gordien, déjà revêtu du titre de Céfar, parut aux Prétoriens le feul propre 2 remplir le Trône vacant (2). Ils l'emme nèrent au camp, & le faluèrent unanimement Augufte & Empereur. Son nom étoit cher au Sénat & au Peuple : fa tendre jeuneffe promettoit à la licence des troupes une longue impunité. Enfin, le confentement de Rome & des Provinces épargnoit à la République, quoiqu'aux dépens de fa dignité & de fa liberté, les horreurs d'une nouvelle guerre civile dans le centre de la Capitale (3).

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(1) Hérodien, l. vi, p. 287, 288.

(2) cc Quia non alius erat in prafenti» Hift. Aug. (3) Quinte-Curce (1. x, c. 9) félicite l'Empereur du jour de ce qu'il a, par fon heureux avénement diffipé tant de troubles, feriné tant de plaies, &

Innocence & vertus de

Comme le troifième Gordien mourut

fa

Gordien. à l'âge de dix neuf ans, l'histoire de sa

vie, fi elle nous étoit parvenue avec plus d'exactitude, ne renfermeroit guère que les détails de fon éducation & de la conduite des Miniftres qui trompèrent ou guidèrent tour-à-tour la fimplicité d'un jeune Prince fans expérience. Immédiatement après fon élévation tomba entre les mains des eunuques de fa mère, ces vils inftrumens du luxe Afiatique, & qui, depuis la mort d'Elagabale, infestoient le Palais des Empereurs Romains. Ces malheureux, par

il

mis fin aux difcordes qui déchiroient l'État. Après avoir pefé très-attentivement tous les mots de ce paffage, je ne vois point dans toute l'Hiftoire Romaine, d'époque à laquelle il puiffe mieux convenir qu'à l'élévation de Gordien. En ce cas, il feroit poffible de déterminer le temps où Quinte - Curce a écrit. Ceux qui le placent fous les premiers Céfars, raifonnent d'après la pureté & l'élégance de fon ftyle; mais ils ne peuvent expliquer le filence de Quintilien, qui nous a donné une lifte très-exacte des Hiftoriens Romains, fans faire mention de l'Auteur de la Vie d'Alexandre.

leurs intrigues fecrettes, tirèrent un voile impénétrable entre un Prince innocent & des Sujets opprimés. Le vertueux Gordien ignoroit que les premières dignités de l'Etat étoient tous les jours vendues publiquement aux plus indignes Citoyens. Nous ne favons pas comment l'Empereur fut affez heureux pour s'affranchir de cette ignominieufe fervitude, & pour placer fa confiance dans un Miniftre dont les fages confeils n'eurent pour objet que la gloire du Souverain & le bonheur du Peuple. On feroit porté à croire que l'amour & les Lettres valurent à Mifithée la faveur de Gordien. Ce jeune Prince, après avoir épousé la fille de fon Maître de Rhétorique, éleva fon beau - père aux premiers emplois de l'État. Il existe encore deux lettres admirables qu'ils s'écrivirent. Le Miniftre, avec cette noble fermeté que donne la vertu, félicite Gordien de ce qu'il s'eft arraché à la tyrannie des eunuques, & plus en

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