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Tolérance

univerfelle.

depuis la mer de la Chine jufqu'aux
confins de l'Egypte & de l'Allemagne (1).
Mais la puiffance de Rome portoit fur
une bafe bien plus folide. Ce fuperbe
édifice étoit l'ouvrage de plufieurs fiè-
cles. Les contrées foumises à Trajan &
aux Antonins étoient étroitement unies
entre elles
par
les loix, & embellies par
les arts. Il pouvoit arriver qu'elles fouf-
friffent de quelqu'abus d'autorité; mais

général le principe du gouvernement étoit fage, simple & établi pour le bonheur des peuples. Les habitans des provinces exerçoient paifiblement le culte de leurs ancêtres; & confondus avec les conquérans, ils jouiffoient des mêmes avantages, & parcouroient d'un pas égal la carrière des honneurs.

I. La politique du Sénat & des Sou verains de Rome fut heureusement fecondée dans tout ce qui concernoit là

(1) Voyez M. de Guignes, hift. des Huns, 1. XV, XVI & XVII.

religion, par les lumières de quelquesuns de leurs fujets, & par la fuperstion aveugle des autres. Les différens cultes admis dans l'Empire étoient tous confidérés par le peuple comme également vrais, par le philofophe comme également faux, & par le magiftrat comme également utiles. Ainfi la tolérance entretenoit la concorde & infpiroit une indulgence réciproque.

La fuperftition du peuple n'étoit Du peupled point irritée par l'aigreur théologique, ni renfermée dans les chaînes d'un fyftême spéculatif. Fidèlement attaché aux cérémonies de fon pays, le politheiste recevoit avec une foi implicite les différentes religions de la terre (1).

(1) Hérodote eft celui de tous les anciens qui ait le mieux décrit le véritable génie du polythéifme. Le plus excellent commentaire de ce qu'il nous a laiffé fur ce fujet, fe trouve dans l'Hiftoire naturelle de la Religion, de M. Hame; & M. Boffuet, dans fon Hiftoire univerfelle, nous préfente le contrafte le plus frappant. On apperçoit, dans la conduite des Egyptiens,

La crainte, la reconnoiffance, la curio fité enflammoient fon imagination; un fonge, un préfage, un accident extraordinaire, un voyage entrepris dans des régions éloignées, étoient autant de caufes qui l'engageoient perpétuellement à multiplier les articles de sa foi, & à augmententer le nombre de fes dieux tutélaires. Le frêle tiffu de la mythologie payenne étoit compofé d'une foule de matériaux différens, à la vérité, mais non mal affortis. Auffi-tôt que l'on avoit décerné les honneurs de l'apothéofé aux héros & aux fages dont la vie ou la mort avoit été utile à leur patrie, il étoit univerfellement reconnu que, s'ils n'étoient pas dignes d'être adorés, ils méritoient au moins la vé

quelques foibles traces d'intolérance (Voyez Juvénal, fat. xv). Les Juifs & les Chrétiens qui vécurent fous les Empereurs, forment une diftinction bien importante, & fi importante même, que nous nous propofons d'en examiner les causes dans un chapitre particulier de cet ouvrage.

nération

nération du genre humain. Par-tout, les bois & les fleuves étoient peuplés de Divinités dont l'influence étoit propre à chaque canton particulier; & lorfque le Romain conjuroit la colère du Tibre, il ne pouvoit méprifer l'habitant de l'Egypte, qui, profterné aux pieds du Nil, remercioit ce fleuve de fes bienfaits. Les puissances vifibles de la Nature, les planetes & les élémens étoient les mêmes dans tout l'Univers : les gouverneurs invisibles du monde moral ne pouvoient être représentés que par des fictions & des allégories entièrement femblables. Toutes les vertus devinrent autant de divinités ; le vice même eut fes autels. Chaque art, chaque profeffion reconnut, parmi les habitans du Ciel, un protecteur dont les attributs, dans les fiècles & les contrées les plus éloignés, tenoient au caractère particulier de fes adorateurs. Des intérêts & des difpofitions fi contraires fembloient exiger une main habile qui Tome I.

F

gouvernât dans chaque fyftême la république des dieux. On s'apperçut combien l'existence d'un premier Être étoit néceffaire; & ce chef unique dut à cette conviction & à la flatterie les perfections les plus fublimes: infenfiblement il fut appellé le monarque tout-puiffant & le fouverain créateur (1). La différence des religions ne troubloit point la paix de l'Univers. Les nations n'étoient attentives qu'aux rapports qui fe trouvoient entre leurs cultes. Souvent le Grec, le Romain, le Barbare venoient offrir leur encens dans les mêmes temples: malgré la diverfité de leurs cérémonies, ils fet perfuadoient aisément que, fous des noms différens, ils invoquoient la même Divinité. Les chants d'Homère embelfirent la mythologie; & ce poëte donna le premier une forme prefque régulière

(1) Les droits, la puiffance & les prétentions du Souverain de l'Olympe font très-bien décrits dans le quinzième livre de l'Iliade.

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