Imágenes de páginas
PDF
EPUB

empereurs crurent alors devoir plutôt marcher fur les traces de Céfar que fuivre les maximes d'Augufte. La fituation d'une isle voifine de la Gaule leur infpira le deffein de s'en rendre maîtres: leur avidité étoit encore irritée par l'espoir agréable, quoiqu'incertain, d'y trouver des perles (1). La Bretagne fembloit être un monde féparé; ainfi cette conquête formoit à peine une exception au plan généralement adopté pour le continent. Après une guerre d'environ quarante ans (2), entreprise foutenue &

(1) Céfar n'allegue point un pareil motif, mais Suétone en fait mention, c. 47. Au refte, les perles de la Bretagne eurent peu de valeur à raifon de leur couleur obfcure & livide. Tacite observe que c'étoit un défaut inhérent (vie d'Agricola, c. 12). «Ego faciliùs crediderim naturam margaritis deeffe, quàm nobis avaritiam ».

رو

ככ

(2) Sous les règnes de Claude, de Néron & de Domitien. Pomponius Mela, qui écrivoit fous le premier de ces Princes, efpere (1. III, c. 6), qu'à la faveur du fuccès des armes romaines, l'ifle & fes fauvages habitans feront bientôt mieux connus. Il est affez amufant de lire de pareils paffages au milieu de Londres.

terminée par les plus ftupides, les plus diffolus & les plus lâches de tous les princes, une grande partie de l'ifle fubit le joug des Romains (1). Les différentes tribus qui compofoient la nation Britan nique, avoient un courage aveugle : paffionnées pour la liberté, elles ignoroient les avantages d'une union qui pouvoit feule les rendre invincibles : ces peuples inconftans prenoient les armes avec fierté; tout-à-coup ils les dépofoient, ou n'en faifoient ufage que pour s'entre-détruiré. Au lieu de fe liguer contre l'ennemi commun, ils combattirent féparément, & ils furent fubjugués: ni la bravoure de Caractacus, ni le défespoir de Boadicea, ni le fanatifme des Druïdes, ne purent fouftraire leur patrie à l'esclavage. Les Bretons furent incapables de réfifter aux progrès constans

(1) Voyez l'admirable abrégé que Tacite nous a donné dans la vie d'Agricola. Ce fujet j malgré les recherches de nos favans antiquaires Camdem & Horsley, eft bien loin d'être épuifé. 13 edion Tan co

des généraux de l'empire qui foutenoient la gloire nationale, tandis que la majefté du trône étoit avilie par le crime & par la baffeffe. Dans le temps que le farouche Domitien, renfermé dans fon palais, reffentoit lui-même la terreur qu'il infpiroit; fes légions, fous le commandement du vertueux Agricola, diffipoient, aux pieds des monts de Grampie, les forces réunies des Calédoniens; & fes flottes, malgré les dangers d'une navigation inconnue, déployoient autour de l'ifle les étendards de Rome. Déjà la Bretagne pouvoit être regardée comme foumife: Agricola fe proposoit d'en achever la conquête, & d'affurer fes fuccès par la réduction de l'Irlande. Une feule légion & quelques troupes auxiliaires lui paroiffoient fuffifantes pour l'exécution de fon deffein (1). La poffeffion de cette ifle occi

(1) Les écrivains irlandois, jaloux de la gloire de leur patrie, font extrêmement irrités à cette occafion contre Tacite & contre Agricola.

dentale auroit pu devenir très-avantageuse, & les Bretons auroient porté leurs chaînes avec moins de répugnance, fi la vue & l'exemple de la liberté euffent été entiérement éloignés de leurs regards.

Mais le mérite fupérieur d'Agricola le fit bientôt rappeller de fon gouvernement de Bretagne : alors le plan de conquête, qu'il avoit formé avec tant de prudence, fut pour jamais détruit. Avant fon départ, Agricola pourvut à la sûreté du pays qu'il étoit forcé d'abandonner: il avoit obfervé que l'ifle eft prefque divisée en deux parties inégales par deux golfes oppofés: il conftruifit des redoutes le long de la petite langue de terre qui les fépare : cette fortification prit une forme plus réguliere fous le règne d'Antonin le-Pieux, qui y fit élever un rempart de gazon, dont les fondations étoient en pierres (1). Cette muraille, bâtie un peu au-delà d'Edim

(1) Voyez Britannia romana, par Horsley, l. 1, c. 10.

bourg & de Glasgow, fervit de limite à l'empire Les Calédoniens conferverent leur indépendance dans la partie feptentrionale de l'ifle : leur pauvreté, autant que leur valeur, leur procura ce précieux avantage. Ils faifoient fouvent des incurfions, mais ils étoient auffi-tôt repouffés & punis. Cependant leur pays ne fut jamais fubjugué (1) : les fouverains des climats les plus rians & les plus fertiles du globe ne regardoient qu'avec mépris des montagnes expofées aux fureurs des tempêtes, des lacs couverts de brouillards épais, & des vallées incultes, où l'on voyoit le cerf timide fuir à l'approche d'une troupe de barbares nuds & hideux (2).

(1) Le poëte Buchanan célebre, avec beaucoup d'efprit & d'élégance (v. fes Sylva v ), la liberté dont les anciens Ecoffois ont toujours joui. Mais fi le feul témoignage de Richard de Cirecenfter fuffit pour créer une province romaine au nord de la muraille, cette indépendance fe trouve renfermée dans des limites trèsétroites.

(2) Voyez Appien (in proœm. ) & les descriptions

« AnteriorContinuar »