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au polythéisme de l'ancien monde (1).

fophes.

Les philofophes de la Grèce avoient Des Philo puifé leur morale dans la nature de l'homme, plutôt que dans celle de l'Etre fuprême. La Divinité étoit cependant à leurs yeux l'objet d'une méditation profonde & très-importante: ils developpèrent dans leurs fublimes recherches la force & la foibleffe de l'efprit humain (2). On diftinguoit parmi eux quatre fectes principales. Les Stoïciens & les Platoniciens s'efforcèrent de concilier les intérêts oppofés de la raifon & de la piété. Ils nous ont laissé les preuves les plus fublimes de l'existence

(1) Voyez pour exemple Céfar, de bello Gallico, VI, 17. Dans le cours d'un ou de deux fiècles, les Gaulois eux-mêmes donnèrent à leurs Divinités les noms de Mercure, Mars, Apollon, &c.

(2) L'admirable ouvrage de Cicéron, fur la nature des Dieux, eft le meilleur guide que nous puiffions fuivre au milieu de ces ténèbres & dans un abyme fi profond. Cet Écrivain repréfente fans déguisement, & réfute avec habileté les opinions des Philofophes.

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& des perfections d'une cause première ; mais, comme il leur étoit impoffible de concevoir la création de la matière; l'ouvrier, dans la philofophie de Zénon, n'est pas affez distingué de l'ouvrage. D'un autre côté, le dieu intellectuel de Platon & de fes difciples eft trop idéal, & ne peut être faifi par les fens. Les opinions des Epicuriens & des Académiciens tenoient moins à la Religion : la fcience modefte des uns ne leur permettoit pas de prononcer; ils doutoient d'une Providence que l'ignorance pofitive des autres leur faifoit entièrement rejeter. Quoique divifés entre eux, les Sages de la Grèce s'accordoient tous à n'ajouter aucune foi aux fuperstitions du peuple. Ce grand principe leur fervoit de base commune, & ils s'empreffoient de le communiquer aux jeunes élèves qui, remplis d'une noble émulation, accouroient en foule à Athènes & dans les autres contrées de l'Empire où l'on cultivoit les fciences. En effet,

comment un Philofophe auroit - il pu reconnoître l'empreinte de la Divinité dans les contes puériles des Poëtes, & dans les traditions informes de l'Antiquité ? Pouvoit - il adorer comme Dieux, ces êtres vicieux qui n'auroient été fur la terre que les plus vils des mortels? Cicéron fe fervit des armes de la raifon & de l'éloquence pour combattre les fyftêmes abfurdes du Paganisme; mais la fatyre de Lucien étoit bien plus faite pour les détruire : aussi fes traits eurent-ils plus de fuccès. Un Ecrivain répandu dans le monde ne fe hafarderoit pas à jeter du ridicule fur des Divinités qui ne feroient pas déjà fecrettement un objet de mépris aux yeux de la claffe la plus éclairée de la fociété (1).

(1) Je ne prétends pas affurer que, dans ce fiècle irreligieux, la fuperftition eût perdu fon empire, & que les fonges, les préfages, les apparitions, &c. n'inspiraffent plus de terreur.

Malgré l'efprit d'irreligion qui s'étoit introduit dans le fiècle des Antonins, on respectoit encore l'intérêt des Prêtres, & la crédulité du peuple. Les Philofophes, dans leurs écrits & dans leurs difcours, foutenoient la dignité de la raison, mais ils foumettoient en mêmetemps leurs actions à l'empire des loix & de la coutume. Remplis d'indulgence pour ces erreurs qui excitoient leur pitié, ils pratiquoient avec foin les cérémonies de leurs ancêtres, & on les voyoit fréquenter les temples des Dieux; quelquefois même ils ne dédaignoient pas de jouer un rôle fur le théâtre de la fuperftition; & la robe d'un Pontife cachoit fouvent un Athée.

Avec de pareilles difpofitions, les Sages de l'antiquité étoient bien éloignés de vouloir s'engager dans aucune dispute fur les dogmes & les différens cultes du vulgaire. Ils voyoient avec la plus grande indifférence, les formes variées que prenoit l'erreur pour en imposer à

la multitude; & ils s'approchoient avec respect des autels de ce Jupiter qu'ils méprifoient intérieurement, mais qu'on invoquoit avec tant de pompe dans le Capitole, au milieu des fables de la Lybie, & fur la cîme du mont Olympe (1).

Il est difficile d'imaginer comment Du Magistrat. l'efprit de perfécution auroit pu s'introduire dans l'administration de l'Empire. Les Magistrats ne se laiffoient point entraîner par les preftiges d'un zèle aveugle, puisqu'ils étoient eux-mêmes philofophes, & que l'école d'Athènes avoit.

donné des loix au fénat de Rome : ils ne
pouvoient être guidés ni par l'ambition

ni par
par l'avarice, dans un État où la jurif
diction eccléfiaftique étoit réunie à la
puiffance temporelle. Les plus illuftres

(1) Socrate, Épicure, Cicéron & Plutarque ont toujours montré le plus grand respect pour la religion de leur pays. Épicure donna lui-même l'exemple, & fa dévotion fut conftante. Diogène Laërce, x, 10.

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