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cafion de ces études & de cette lecture; c'est-à-dire que tantôt il fignifie l'habitude qui produit l'acte ; & tantôt l'acte qui eft produit. Tantôt on met le goût dans l'ame, & c'eft l'habitude; & tantôt dans les chofes, & c'eft le fentiment que nous avons à l'occafion des choses; comme on le fait à l'égard du goût de la langue, lorf qu'on dit qu'un Cuifinier a le goût bon, & qu'une fauffe eft de bon goût.

Or il eft certain que c'eft l'habitude & la difpofition de l'ame que nous cherchons, lorfque nous tâchons de déterminer en quoi confifte le bon goûrs puifque les objets ne peuvent nous caufer de fentimens, ou de plaifir, ou de peine, que felon les difpofirions de nôtre ame.

V I.

J'ay lû dans le Traité de la maniere de bien penfer, dans les ouvrages de l'efprit; 2e le goût eft un fentiment naturel qui tient à l'ame, & qui eft indépendant de toutes les fciences, qu'on peut acquerir; qu'il n'eft autre chose qu'un certain raport, qui Je trouve entre l'efprit & les objets qu'on lui prefente; que le bon goût eft le premier mouvement, on pour, ainfi dire, une espece d'inftinet de la droite raison, qui l'entraîne avec rapidité, & qui la conduit plus

feurement , que tous les raisonnemens qu'elle pourroit faire.

L'eftime que j'ay pour le difcernement de l'Auteur, fait que j'ay de la peine à m'expliquer fur ces differentes penfées. H les a publiées comme quelque chofe capa-· ble de nous éclairer, & de donner quelque notion de ce qui fait le bon goût. Cependant fans m'arrêter à faire la diffection ou l'analyse de toutes fes paroles, je dis qu'on s'aperçoit à la fimple lecture de ce que je viens de raporter que la premiere & la derniere de fes penfées ne fignifient rien ; je dis même que plus on les voudra aprofondir, plus on fera perfuadé qu'on ne peut rien penfer de plus confus, ni peutêtre de moins jufte.

Peut-on dire par exemple que le goût, c'cft à-dire, que le bon goût foit indépen dant de toutes les fciences, & qu'il conduife plus feurement la raifon, que tous les raifonnemens? H eft vrai, comme je viens de le dire, que la nature commence le bon goût; mais c'eft par la connoiffance des fciences folides qu'il fe perfectionne. Et le plus beau naturel du monde n'aura jamais un goût parfait fans la culture des fciences & des arts. C'eft pourquoi j'ay été furpris qu'un des beaux efprits des derniers temps, ait pretendu qu'on ne peut point

M.du

donner de jugement, ni de goût à ceux qui Segrais n'en ont pas; puifqu'il s'enfuivroit de là dans la que les feiences ne ferviroient de rien pour fur Pir Eclairer l'efprit, pour redreffer la raifon & gile,p.a. pour purifier le cœur.

Que le bon goûr refulte du raport de l'efprit avec les objets qui lui font prefentez, c'eft un penfée claire & vraye; elle conduit à l'idée du goût en general, & elle peut nous fervir à découvrir celle du bon goût en particulier. Car file goût vient du raport de l'efprit avec les objets, il s'enfuit que le bon goût eft le raport d'un efprit bien fait, d un esprit jufte & éclairé avec ce qui eft effectivement bon. Cela posé il feroit donc neceffaire de connoître la qua. lité des objets, avant que d'être affeuré de celle du goût; & les Sçavans au contraire cherchent ce qui fait ce bon goûr, qui juge feurement du merite des objets. Cependant, comme cette pensée eft vraye, nous verrons dans la fuite que la connoiffance des objets, eft neceffaire pour nous faire difcerner les goûts.

Il eft certain que comme le goût de la langue eft l'effet du remperament du corps, auffi celui de l'efprit eft l'effet du temperament de l'ame, fi on peut parler ainfi. Et de même la qualité des alimens dont on aime à fe nourrir, fait connoître quel eft

le temperament du corps; auffi celle des objets qui plaifent à notre efprit, fait con noître la bonne ou la mauvaife difpofition de nôtre ame,c'eft à-dire,ou le jufte raport de toures fes facultez à fon vrai bien, fi ces objets font eff. ctivement bons; ou les paffions qui l'éloignent de ce bien, fi ces objets font mauvais. Ceci s'éclaircira dans la fuite.

VII.

Sur Ari

La Sçavante dont j'ay parlé ci-deffus, & dont le nom eft celebre dans toute la republique des lettres, par les excellentes traductions qu'elle a données de plufieurs ouvrages des anciens, dir dans une de fes Prefaces: Que les Traitez qu'elle a vûs du goût, ne font que des idées confufes Bophans où il n'y a ni jufteffe, ni raison, & par confequent point de verité. Que chaque difficu'té qui fe prefente, femble demander un autre principe, que celui que l'on a pofé Que cependant la plus grande & peut-être la feule marque du vrai, c'eft quand un même principe fert à expliquer toutes les difficultez. On ne fçauroit parler plus jufte, ni de meilleur fens. Un principe ne peut être vrai, s'il ne refout toutes les diffi ultez, & s'il ne le fait pas, on doit conclure fans balancer, qu'il eft faux, au

moths quand ce font des difficultez qui ne furon ffedtprs notre intelligence.

Toffee (joûte tene Dame.) que j'anrai été plus heureuse dans la recherche que j'en ay faite, & que la définition qùe j'en vais donner, contentera ceux qui voudront fe donner la peine de l'approfondir ; voici done la définition qu'elle en donne. Le goût dit-elle) est une harmonie, un accord de l'esprit & de la raison. On en a plus ou moins, felon que cette harmonie eft plus ou moins jufte,

Cette définition me paroît trés-vraye, & je ne pense pas qu'il foit poffible d'en trouver une autre. Car nôtre ame poffede en effet cette qualité, qui fait discerner par fentiment les bonnes chofes d'avec les mauvaifes, & qui les fait eftimer leur juste prix, quand nôtre efprit fe trouve dans un parfait accord avec la raifon. Je ne crois pas que perfonne puiffe contefter cette ver rité; autrement la raison ne feroit pas raifon, elle ne feroit pas la lumiere, que nous devons tous fuivre dans les jugemens que nous faifons des choses.

Cependant cette définition, toute vraye qu'elle eft, laiffe encore les Sçavans dans le même embaras. Car qui fera affez humble pour reconnoître que fon efprit n'eft pas d'accord avec la raifon ; & qui eft-ce

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