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certain s'il y eut jamais des hommes de ce nom, qui ayent compofé des poëmes. Volfius dans fon Traité de l'Art poëtique dit qu'Orphée, Mufée & Linus, qu'il appelle les triumvirs de la poëfe, ne furent jamais ; & que ce font des noms tirez de l'ancienne langue des Pheniciens que Cadmus parloit, & qui étoit à peu près la même que celle des Hebreux. Il prétend que ces noms ne fignifioient autre chofe felon lur étimologie tirée de cette langue, que de differens genres de compofition. Ariftote, au raport de Ciceron, eft de ce Denat. fentiment à l'égard d'Orphée, & prétend que les vers, qui portoient fon nom, étoient l'ouvrage d'un certain Cecrops Philofophe Pythagoricien Clement Alexandrin dit qu'on les attribuoit à Onomacrite, qui vivoit du temps des Pififtratides.

Deor. I

Strom. I

Mr. l'Evêque d'Avranches veut que les noms de Linus, de Mufée & d'Orphée ne fignifient que Moïfe, appellé tantôt d'un ncm, & tantôt d'un autre, par raport aux differens évenemens de fa vie, & aux differens avantages qu'il avoit procuré aux hommes. Et ce fçavant Ecrivain ne manque pas de bonnes raifons ni d'authorités, pour appuïer fon fentiment, quelque extraordinaire qu'il paroiffe, la feule Po

Art.

authorité d'Horace & des autres auteurs payens qui attribuent à Orphée, le plus ancien des trois, d'avoir été l'interprete des Dieux, d'avoir adouci par fes vers les mœurs fauvages des hommes, de leur avoir donné des loix pour vivre en focieté, suffiroit pour rendre ce fentiment trés-probable; puifque c'eft juftement ce qu'à fair Moyfe par l'ordre de Dieu à l'égard des

Hebreux.

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Mais enfin il fuffit pour mon fujer que l'on ne puiffe me faire voir, que ces Poëtes prétendus, dont on voudroit compare l'antiquité avec celle de Moyfe, foient autre chofe en effet que de perfonnages fabuleux, fur lefquels par confequent on ne fçauroit appuyer aucun raifonnement folide. Quand même ils feroient veritables on ne sçauroit montrer qu'ils ayent approché des temps de Moyle; & s'ils ont fait des vers chez les Grecs, il ne faut point douter que ce ne foit fur le modelle de ceux que Cadmus avoir apporté de chez les Pheniciens, ou de chez les Hebreux; ce qui revient à la même chofe. Car les Pheniciens ne pouvoient ignorer. les cantiques des Hebreux ; fi à l'égard des Grecs les Pheniciens ne font pas les mêmes que les Hebreux.

Ces premiers Poëtes des Grecs auront

donc compofé quelques cantiques à l'imitation de ceux de Moïfe, & Homere fe fera formé fur ce qu'il aura trouvé d'eux; ou peut-être n'aura-t'il compofé fes poëmes que des pieces de ces anciens ; d'où on les aura appellé rapsodies. Mais il y a plus d'apparence qu'Homere lui-même a cu connoiffance des livres de Moïfe & des autres jufqu'à Salomon. Cela lui étoit bien facile, s'il étoit Egyptien, comme le dit Clement Alexandrin; & même quand il n'auroit pas été Egyptien, s'il a voyagé en Egypte, comme le rapporte Diodore de Sicile, on ne peut pas douter qu'il n'ait connu les livres de Moïfe.

V I.

On ne fçauroit donc contefter avec la moindre apparence de raifon, que Moïse ne foit en effet beaucoup plus an cien que tous les Poëtes payens, & par confquent il ne faut point chercher ailleurs que dans fes écrits l'origine de la poëfie. Auffi le même Voffius qne je viens de citer, aprés avoir rapporté les conjectures de quelques Auteurs lur cette origine, dit qu'il est inutile de la chercher ailleurs que chez le peuple de Dieu & dans l'Ecriture; que les deux feuls cantiques de Moïse & de Marie fa fœur fuffisent pour appuyer cette verité; puif

qu'i's ont vécu long-tems avant la guerre de Troye, & avant que Cadmus portât les lettres aux Grecs. Voici comment il parle après avoir allegué tout ce qui pouvoit faire croire que l'invention de la poëfie feroit dûë aux Grecs: Toutes ces raifons (dit-il) ne font pas capables de nous porter à attribuer aux Grecs l'invention de la poëfie; car il eft évident que cette gloire cft dûë au peuple de Dieu, & au païs d'où toutes les nations ont tiré leur origine; puifque les Ifraëlites ont eu leur poefie, non feulement avant la guerre de Troye, mais encore avant que Cadmus portât les lettres chez les Grecs. Nec propterea inventionem poëfeos adfignamus Græcis. Nam fi rem omnem ad critolai vel Scriptura potiùs lancem expendamus, fatis patebit eam gloriam potius deberi populo Dei ac terris illis, unde gentes omnes originem traxerunt; quippe apud Ifraelitas fua viguit poefis non modo ante bellum Trojanum, fed etiam ante Cadmi in Baotiam adventum, à quo Graci litteras fuas acceperunt.

Il doit donc demeurer pour conftant, que la poësie vient originairement des Hebreux; bien que celle que nous avons d'eux dans les livres faints, ne foit peutêtre pas tout à fait exacte dans les me

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fures; parce qu'elle a été compofée plus par enthousiasme & par infpirarion, qu'avec art & methode. Ainfi la feule gloire qui eft dûë aux Grecs, eft de l'avoir perfectionnée en beaucoup de chofes, je veux dire à l'égard des mesures; quoique pourtant ni celle des Grecs, ni même celle des Latins n'approche pas encore de l'exacte regularité de la nôtre. L'antiquité feule des poëmes des Hebreux fuffiroit pour en faire la preuve, mais nous en avons encore beaucoup 'd'autres.

VII.

Athena

lien à

cus

Talien,

C'eft lé fentiment commun de tous st.Fu. les Peres, & de tous les Apologiftes fin, des Chrêtiens, que les Grecs ont tiré gore non feulement les lettres des Hebreux, Tertul ou des peuples voifins des Hebreux, Aurolimais encore toures leurs fciences & leurs difciplines. Clement Alexandrin le dé- Hermias montre fort au long dans fes livres des LactanTapifferies. Il fait voir que les Grecs St. Aun'ont pas feulement imité les Hebreux guftin. dans les chofes, mais encore dans la maniere de les dire, & autant les Philofophes que les Poëtes. Diodore de Sicile le dit expreffément dans fon premier livre. Eufebe l'allegue dans fa préparation liv.

се,

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