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Evangelique. Qui eft ce (dit Tertulien dans fon Apologerique) d'entre les Poëtes & les Philofophes, qui n'a pas puifé dans les fources des Prophetes? Quis Poëtarum, quis Sophiftarum, qui non de Prophetarum fonte potaverit ? Saint Auguftin eft de même fentiment dans fes livres de la Cité de Dieu. La moindre teinture que l'on peut avoir de la Philofophie de Platon perfuade que ce Philofophe a tiré toutes fes lumieres des Propheres. C'eft pourquoy Clement Alexandrin dont je viens de parler, l'appelle un Philofophe formé par les Hebreux, ex Hebrais Philofophus. Eufebe en parle de même dans fa Preparation Evangelique.

C'eft une verité qui eft également appuïée fur l'hiftoire & fur la fable; les Payens même la confirment, & ce qu'ils difent de Cadmus en eft une preuLiv 16. ve trés-certaine. Strabon dit en terp.521.

mes exprés que les Grecs ont reçû les fciences & les arts des Egyptiens, des Sidoniens & des Pheniciens; peuples qui tous environnoient les Hebreux, & qui avoient puifé leurs fciences des livres Pf. 104. Hebreux, puifqu'il eft certain qu'Abraham & Jofeph porterent les fciences & la fageffe en Egypte. En un mot, il n'y a point de verité plus generalement re

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connue, & le fçavant Auteur de la Démonftration Evangelique n'a fait que fuivre le fyfteme reçû de tous les anciens; lorfqu'il a dit que les fciences & les arts font venus du peuple de Dieu. M. Fleuri dans fon excellent Traité des mœurs des Ifraelites, ne doute point qu'il ne fçuffent les regles de l'éloquence & de la Poëfie, à voir la maniere dont ils ont écrit fur tant de differens fujets & en profe & en vers; il dit que plus les Auteurs Grecs font anciens, plus ils reffemblent aux Hebreux, foit dans la diftinction des ftiles fuivant la nature des ouvrages, foit dans la brieveté & la jufteffe des expreffions.

Mais il ne s'agit ici que de la Poëfie; & il eft aifé que de faire voir que les Poëmes des Hebreux n'ont pas été ignorez de leurs voifins; que par confequent ils ont été connus des Grecs, foit parce que ces peuples les avoient por-té chez les Grecs, foit parce que les Grecs avoient voyagé en Egypre, dans la Paleftine & dans la Phenicie, comme cela eft certain par beaucoup d'hiftoires.

Les Hebreux compofoient leurs Peemes pour être chantez, afin de fe rafraî chir continuellement la memoire de ce qu'ils devoient à Dieu pour les grands

S. Juftin,

bienfaits qu'ils avoient reçûs de fa bonté, & ces Poëmes étant continuellement en la bouche des Hebreux ne pouvoient manquer d'être bien-tôt fçûs des peuples voifins. Nous en avons une preuve litterale dans le chap. 29. du i liv. des Rois, où il eft rapporté que les Philiftins allant combattre contre Saül, dirent à leur Roi, qu'il ne falloit pas que David marchât avec eux, parce que dans la mêlée il fe pourroit tourner contr'eux. N'est-ce pas lui (difent ils) de qui les Hebreux chantent tant de merveilles, Saül en a défait mille, & David en a défait dix mille. Si ce Cantique qui avoit été compofé à la gloire de David a été sçû des Philiftins, il y a lieu de croire que tous les autres n'en ont pas été ignorez; & felon toutes les apparences c'eft de là qu'eft venue la coûtume parmi tant de nations de conferver les plus memorables évenemens de leur hiftoire dans des chanfons. Nous en dirons quelque chofe dans la fuite.

Enfin plufieurs des anciens Peres ont Clem. Al. crû, qu'il y avoit eu une verfion Grecque 5. Chryf. des livres de Moïfe avant celle des SepTbeodor. tante, même avant le

Eufebe,

Jofeph,

regne

des Perfes,

Philon & beaucoup de fçavans des derniers tems Juif. trouvent de la probabilité dans ce fenti

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ment

ment. Mais fans m'arrêter à cette opinion qui peut avoir les difficultez, je ne vois pas qu'on puiffe douter que ces peuples idolatres qui étoient mêlez parmi les Hebreux, ou qui les environnoient de tous côtez, n'ayent eû connoillance de leurs loix & même de leurs livres. Car fi auffitôr apiés la mort de Jofué, ou au moins Jofué 2. aprés celle des anciens qui vécurent en- 7.5, core aprés lui, & qui avoient prefentes à l'efprit les grandes œuvres que Dieu avoit faites en faveur d'Israël; fi (dis-je) aprés la mort de ces anciens, les Hebreux tomberent. dans l'idolatrie de tous les peuples qui étoient autour d'eux ; s'ils épouferent leurs filles & leur donnerent les leurs en mariage comme l'Ecriture le dit, peut-on croire qu'ils ayent eû quelque chofe de fecret pour eux, qu'ils ne leur ayent pas découvert leurs myfteres & fait voir leurs Ecritures; & qu'ainfi la connoiffance des livres de Moïfe n'ait paffé de ces peuples aux peuples plus éloignez, & aux Grecs? Ne peuton pas même dire que ces peuples n'ont pas abfolument ignoré la langue Hebraïque, qui a été tranfportée en tant de païs fi éloignez, en Afrique, en Ethiopie, dans les Gaules, en Angleterre ; & qu'ainfi Homere & Hefiode n'ont fait qu'imiter ce

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qu'ils avoient appris ou par eux-mêmes, ou par quelque autre de l'hiftoire du peuple de Dieu, & qu'ils ont formé leur ftile fur celui des Cantiques qui contiennent une partie de certe hiftoire.

a

Heinfius. Un des plus fçavans hommes du dernier fiecle à fait un recueil des façons de parler d'Homere & d'Hefiode conformes à l'Ecriture, pour prouver qu'ils en In Cra- étoient les imitateurs. Si Platon fait voir tylo. les raifons & les étimologies des noms qu'Homere donne à fes heros, c'eft pour imiter Moïfe, qui rend la raifon des noms de la plufpart des Patriarches.

VIII.

Une autre preuve qu'Homere & Hefiode ou les autres plus anciens écrivains des Grecs, s'il y en a eu, n'ont écric en vers qu'à l'imitation des Poëmes des Hebreux, c'est qu'il n'eft pas naturel de commencer d'écrire par la maniere la plus compofée, & la plus difficile. Ainfi il y a lieu de croire que ceux qui ont écrit les premiers chez les Grecs, l'auroient fait dans le ftile le plus fimple & le plus aifé; s'ils n'avoient été portez à écrire autrement par l'exemple des écrivains qui les avoient devancez. S'il eft vrai que l'écriture n'ait été mife en ufa

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