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foit dans les fciences, fait la preuve de cette verité. Pindare, ni les autres n'ont donc pû compofer leurs Odes ou leurs chants comme ils ont fait, que parce qu'ils ont voulu imiter les cantiques ou les Pleaumes des Hebreux dans lesquels ils avoient apperçu ce fublime, & crû appercevoir une efpece de défordre ; & ils s'étoient imaginé que ces choses faifoient le caractere de ces fortes de poëmes. Car s'ils n'avoient point travaillé d'aprés ces modéles, ils n'auroient point eû de l'Ode une idée fi oppofée à celle de tous les autres ouvrages de l'efprit.

Ainfi la conftitution de l'Ode qu'a imaginé M. Defp.... prouve invinciblement que les poëtes payens ont formé le plan ou le deffein de leurs Odes fur celles des poëtes facrez.

XII.

Mals s'il eft vrai que ce foit des poëtes facrez, que les Payens ont pris l'idée du veritable fublime; c'eft auffi l'envie d'imiter ce fublime, qui a enfanté en parrie le fyfteme fabuleux, dont on pretend aujourd'hui que la poëfie ne peut fe paffer; puifque l'on traite de ridicules les poetes qui ne tirent pas de la fable le deffein de leurs compofitions ; &

qui croyent faire des beaux vers fans les noms, les figures & les expreffions de la fable.

En effet les premiers des poëtes payens qui ont ecrit, voulant atteindre a la hauteur de ce qu'ils avoient vû dans les livres divins, & la verité des chofes leur manquant, ils eurent recours à la fiction ; ils inventerent les uns aprés les autres tout ce qui compofe la fable & la mythologie des payens. De quelque maniere qu'ils l'ayent inventé, foit qu'ils en ayent pris le fond dans l'hiftoire tant facrée que profane, dont ils ont fait un mélange, & dont ils ont travefti les perfonnages & alteré les évenemens à leur fantaifie; foit que de cette confufion ils ayent tiré leurs Dieux, leurs demi-Dieux & leurs heros, aufquels ils ont fait operer toutes les merveilles de la fable, ainsi que le pretendent plufieurs fçavans critiques, comme M. l'Evêque d'Avranches, le P. Thomaffin & d'autres aprés les Peres de l'Eglife, & les anciens Apologiftes des Chrétiens; de quelque maniere (dis-je) que les profanes ayent conçû & imaginé ces fictions, il me paroît toûjours trés- certain, qu'ils ne les ont inventées que pour imiter les poëtes facrez, en chantant des prodiges & des merveilles comme eux.

Cette malheureuse imitation a encore en partie contribué à produire le culte idolâtre, la plus monftrueufe invention de l'efprit humain. Car aprés que les poëtes profanes eurent inventé toutes les fictions de la fable; le demon dont les hommes font devenus le jouet par le peché felon le langage de tous les Peres, en infpira peu à peu la croyance au peuple, & l'accoutuma à les regarder comme des myfteres dignes de fa veneration. Et quand une fois ces premieres extravagances curent été revêtues du nom de religion, dont le refpect cft fondé dans la nature; l'homme fut capable de tout croire & de tout faire fous le pretexte de cette religion. Les cho fes les plus baffes, les plus ridicules, les plus honteufes & les plus cruelles devinrent l'objet de fa foi, & la matiere de fon culte.

Les poëtes payens ont donc été les organes dont le demon s'eft fervi pour infeeter les hommes des abominables mysteres aufquels il vouloir affujettir leur efprit; & l'envie que les hommes ont eûë de se fignaler dans les vers, y a fervi de moyen. En un mor le demon qui eft en toutes chofes le finge de la Divinité, a voulu avoir fes prophetes, comme il voyoit que Dieu avoit les fiens; & ces prophetes ce font

les poëtes profanes. Saint Paul n'appellepas le poëte Epimenides, le prophete des Cretois ?

t'il

XIII.

Je fçai bienque quelques payens des plus fpirituels, honteux des excés de leurs religions&de toutes les extravagances de la fable, fe font efforcez de trouver desallegories dans tout ce que lespoëres avoient inventé de plus ridicule & de plus fale; d'y chercher les fecrets de la Philofophie, les plus grands myfteres de la nature, & les plus belles maximes de la morale. Mais toutes ces explications favorables fervent beaucoup plus à faire paroître l'efprit de ceux qui les ont imaginées, qu'à juftifier ces fictions & ces réveries. Ils couvrent de leur efprit la turpitude des poëtes, dit Tertulien: Turpitudinem ingenio adumbrant.

Platon même qui dans quelques endroits de fes ouvrages a cherché ces allegories, s'en eft mocqué en d'autres ; & il a fi peu crû que les poëtes euffent fongé aux veritez de la nature & de la morale, que dans fes livres de la Republique & des Loix, il ne veut pas que fous ce pretexte l'on en permette la lecture aux enfans; comme je l'ay fait voir dans le Difcours fur les

Apeloga

fentimens de ce Philofophe au fujer des poëtes. On trouve dans Strabon qu'Eratofthene étoit du fentiment de Platon & il traittoit toutes ces allegories d'imaginations fans fondement & fans utilité.

Saint Auguftin fait voir affez au long le peu de folidité & de raifon de ces allegories; & il n'en fait pas plus de cas que des fables mêmes. Il remarque que quoique Varron eût entrepris de rendre des raisons naturelles de tous les myfteres de la fable & du culte que l'on rendoit aux Dieux; il n'avoit pourtant ofé rien dire de celui que l'on rendoit à la grande Déeffe, tant il en avoit cû de honte & d'horDe civ. reur: Defuit interpretatio, erubuit ratio, conticuit oratio, vicit matris magnæ omnes 2. Epift. 91.ad Deos filios non numinis magnitudo, fed 4.fe fceleris.Il n'eft donc rien de plus inutile qu. & de plus frivole, que de chercher des fens fpirituels dans les fables.

Dei lib.

Nect.c.

Tatien difoit, que fi on reduifoit ce qu'ont dit les poëtes à un fens allegorique, les Dieux des Payens étoient anéantis. Il fe mocque d'un Metrodore de Lampfaque qui prenoit tout Homere dans ce fens ; qui prétendoit que ni Hector, ni Achille, Agamemnon, ni Paris, ni Helene ne furent jamais, & que c'étoient des noms inventez, pour couvrir les choses de la

ni

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