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fions & de bagatelles. Lorfque j'ay fait reflexion fur un défordre fi vifible & fi criant, j'ay crû qu'il ne pouvoit être venu, que de ce que les Poëtes chrétiens avoient trop facilement adopté les fauffes idées, que les payens s'étoient formées de la poëfie. Par exemple les payen's fe font imaginez. que les Poëtes ne devoient traiter que des fujets feints & inventez à plaifir; & les Chretiens au lieu de fe fervir de leurs lumieres, pour redreffer une pensée fi vifiblement opofée au bon fens & à la verité, s'en font fait une loi, comme fi les payens. avoient été pour eux des maî

tres d'une autorité infaillible. Les Payens ont crû que la poëfie demandoit de la fureur & de l'enthousiasme, qu'un Poëte ne pouvoit rien dire de grand & de merveilleux, fans être furieux, & infpiré, pour ainfi dire, de la Divinité; & les Chrétiens ont donné dans ce fentiment, fans confiderer que la Poëfie est un art, & que tous les arts demandent de la reflexion & de la fageffe, afin d'en suivre heureufement les precep

tes

comme le dit Horace

dans ce vers Scribendi rectè,

fapere eft

principium & fons.

Pour guérir, s'il étoit poffible, & ceux qui compofent en vers, & ceux qui écrivent fur

l'art poëtique, de ces préju gez & d'autres femblables, ou au moins pour rectifier ce qu'il y a de faux dans les idées des payens, j'ay crû qu'il faloit rechercher l'origine de la poëfie, ne doutant point que je n'y trouvaffe ce qui avoit donné occafion aux payens d'en concevoir ces penfées. Et c'est ce qui, je crois, m'a réüffi. Il me femble que j'ay découvert dans cette fource, ce qui a fait que les payens ont regardé la poëfie comme le langage de la fiction, & les Poëtes comme des enthoufiaftes; enfin ce qui les a porté à enfanter le fyfteme fabuleux c'eft-à-dire la plus monftrueu

fe production de l'iniquité & de l'extravagance de l'hom

me.

Le Lecteur éclairé & équi table jugera fi je me fuis trompé dans mon opinion, & fi on peut attribuer les égaremens des Poëtes payens fur la conftitution & la nature de la poëfie à autre chose, qu'à ce que je dis dans le premier des Difcours que je donne ici au public. Il examinera par les principes que je propose, & qui me femblent les feuls veritables, files Poëtes chrétiens ont bien ufé de leur raifon, lorfqu'ils ont fuivi, comme ils ont fait fans aucun

examen, les preceptes des payens ; lorfqu'ils les ont imi

>

té dans toutes leurs compofi tions, & qu'ils fe font peradé, que plus leurs poëfies reffembleroient à celle des payens plus elles aprocheroient de la perfection. Nous voyons tous les jours dans les difputes de litterature, que les Sçavans fe reprochent les uns aux autres qu'ils manquent de goût, & je ne doute point que l'on ne me faffe le même reproche fur ce que je dis dans ce premier Difcours. C'est ce qui m'a engagé à faire voir dans le fecond en quoi con siste le bon goût, & à tâcher d'apuïer la notion que j'en donne par des preuves fi certaines & fi inconteftables

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