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qu'on ne les puifle rejetter fans aller vifiblement contre la raison, ou fans vouloir que les hommes fe payent de certains termes vagues & confus, qui par leur cadence peuvent étourdir l'imagination, mais qui ne prefentent à l'efprit rien de folide & de lumineux. Cette notion & les preuves dont elle eft foûtenuë, feront comprendre que je n'avance rien de la poëfie, qui ne doive être aprouvé des perfonnes qui ont veritablement le goût bon, des perfonnes judicieuses & folidement éclairées.

Dans le troifiéme & le qua triéme de ces Difcours, je prouve par des exemples tirez

de quelques-uns des plus fa meux Auteurs de ce temps, que l'eftime exceffive qu'ils font des payens, leur a fais dire beaucoup de chofes de mauvais fens & de mauvais goût, & que fi les Poëtes profanes ont abufé de l'arr poëtique, les Poëtes chrétiens en abufent encore da

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vantage. J'aurois fouhaité pouvoir me paffer de ces exemples parce que je voudrois bien ne faire de peine à perfonne. Mais on fçait que les fimples raifonnemens ont peu de force, s'ils ne font apuïez fur des preuves que l'experience peut fournir. C'est ce qui m'a obligé à faire voir que les Auteurs

les plus diftinguez par leur fcience & par leur efprit, ne fe font pas garantis du poifon que l'on fucce dans la lecture des profanes.

Je prie ceux dont j'ay ataqué les ouvrages, de ne point trouver mauvais que je prefere la verité à leurs fentimens, S'ils n'ont pas épargné euxmêmes les ouvrages des autres, il me femble qu'ils auroient tort de fe plaindre de ce qu'on n'épargne pas les leurs. Je diray comme l'un d'eux, que j'ay parlé librement. de tout ce dont j'ay jugé; qu'en cela j'ay imité la liberté des anciens critiques, qui n'ont épar- ce fur la gné ni Demofthenes, ni Thucidi- rifion ni Platon, ni tout ce que

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l'antiquité a eû de plus grand de plus venerable, que ce feroit une plaifante critique, qu'une critique flatenfe, où l'on ne chercheroit qu'à applaudir, où le respect dû au nom, retiendroit la cenfure due à la faute. Ce font les propres paroles d'un de ces Auteurs, qui ne doit point trouver étrange que je m'en ferve aprés lui. Enfin, felon un autre de ces Meffieurs c'eft un droit ancien & qui a passé en coûtume, de blâmer les Auteurs. Je ne fais donc rien que de permis, lorfque je le blâme lui-même. Quand on met la main à la plume pour combattre des préjugez auffi anciens & autant autorifez

que ceux contre lefquels j'écris dans ces Difcours, on fe doit attendre à ne pas être trop favorablement reçû. J'efpere que le Lecteur voudra bien m'accorder, fi non comme une juftice, au moins comme une grace, de fufpendre pour quelque temps les fentimens dont il eft prévenu, & de ne porter fon jugement fur ce qu'il lira, qu'après avoir tout lû & bien pelé tout ce qu'il aura lû. C'eft le vrai moyen de juger équitablement d'un ouvrage, & de démêler ce que nous ne tenons que des préjugez d'une mauvaise éducation, d'avec ce qui nous vient effectivement des fentimens de la

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