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CHAP. tous les objets qu'ils leur prefentent, qui III. les lient de mille chaînes, qui leur préparent mille fupplices, qui les foulent aux piés, & qui fe rient de leur illusion & de leur aveuglement. Elle leur fait voir Dieu qui regarde ces ames avec colere, & qui les abandonne à la fureur des dé

mons.

Cela paffe pour figure, pour déclamation, pour exageration : & cependant il n'y a rien de plus effectif. La réalité paffe infiniment toutes ces figures; & ces plaies & ces coups mortels ne font que de foibles images de ce qui est en effet.

Il y en a qui ne le croient pas, & c'est une autre forte d'aveuglement. Mais il y en aqui le croient, & qui n'y penfent pas, & c'eft cette ftupidité dont je parle. Leur penfee s'arrête au fimple rapport de leurs yeux, & toutes les connoiffances qu'ils ont par la foi, ne leur fervent de rien, & ne le prefentent point à eux. Elles demeurent dans je ne fai quels replis de leur efprit, mais elles ne changent point cette maniere animale de ne concevoir les chofes que par les fens.

Voici encore d'autres preuves de cette ftupidité dont nous parlons. Quand il s'agit de paffer de la speculation à la pratique, les hommes ne tirent point de confequence;& c'eft une chofe étrange

comment

comment leur efprit fe peut arrêter à CHAR. certaines verités fpeculatives, fans les III. pouffer aux fuites de pratique, qui font tellement liées avec ces verités, qu'il femble impoffible de les en feparer. Si je Juis votre Dieu, où eft l'honneur qui m'eft dû, Malac. dit Dieu même dans l'Ecriture ? C'eft qu'il y a une fuite neceffaire entre connoître Dieu & l'honorer; mais quelque liées que foient ces connoiffances, l'aveuglement de l'efprit humain, les fait bien defunir. Il connoît Dieu, & ne l'honore pas. Il en demeure là, & ne pense pas même qu'il foit neceffaire de l'honorer. Il eft convaincu qu'il y a un Dieu, & il n'en tire aucune conclufion pour le reglement de fa vie.

Qui ne croiroit auffi que les hommes étant parvenus à la connoiffance de l'immortalité de leur ame, ils la porteroient bien avant, & qu'ils en concluroient qu'il faut donc employer toute leur vie à lui procurer un état heureux après fa mort? Il n'y a point de confequence plus fenfible que celle-là. Cependant combien de grans efprits ont travaillé à l'établiffement de ce point, qui ne paroiffent pas avoir beaucoup penfé à cette confe

quence.

Nous en faifons de même dans les verités les plus terribles de la Religion. Nous Tome I.

G

CHAP. nous contentons de les favoir, & nous III. nous arrêtons à la fimple fpeculation C'eft Dieu qui fait tout, & qui opere par fa grace le vouloir & l'action. Nous croyons cette verité, & nous aimons à en parler. Que s'enfuit-il de-là? Que nous devons implorer continuellement cette grace, dont nous avons un befoin fi continuel. Cependant la connoiffance du befoin de la grace ne nous rend pas plus affidus à la priere, & nous ne laiffons pas fouvent d'être auffi Pelagiens dans nos actions & dans la conduite de notre vie, que fi ces verités nous étoient entiere

8.

ment inconnues.

Le diable nous environne fans ceffe comme un lion rugiffant, & il ne cherche 1. Pet. 5. qu'à nous devorer, dit l'Apôtre faint Pierre. Quelle crainte, quel tremble ment cette pensée ne devroit-elle point nous caufer? Et notre frayeur ne devroit-elle pas être incomparablement plus grande, que fi l'on nous difoit que nous fommes entourés de voleurs & d'affaffins qui nous veulent égorger? Combien de gens néanmoins recitent tous les jours ce pallage de faint Pierre, fans être touchés d'aucun fentiment de crainte?

Si je croyois, difent certains Calvinif tes, que le corps de JESUS-CHRIST fút

prefent dans l'Hoftie, je porterois bien CHAP. un autre refpect à ce Sacrement que les III. Catholiques. Ils jugent qu'ils feroient ce qu'ils devroient faire, & ils s'imaginent que cette connoiffance feroit dans leur efprit l'impreffion qu'il feroit raisonnable qu'elle y fit. Et en effet quand on nous dit que le Roi eft prefent, chacun fe compose & fe tient dans le respect. Mais en parlant ainsi, ils font voir qu'ils ne connoiflent pas le fond de leur cœur. S'ils prenoient la peine de fe confulter euxmêmes, ils verroient qu'en mille rencontres leur connoiffance demente ftérile fans produire les effets qu'il femble qu'elle devroit produire naturellement. Ne croient-ils pas eux-mêmes que Dieu eft prefent par-tout, & cependant font - ils plus reglés dans leurs actions que les autres: & la connoillance de cette présence les retient-elles plus en leur devoir que s'il n'étoit que dans le ciel?

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Il ne faut pas néanmoins s'étonner que notre efprit nous porte naturellement à croire, que fi nous avions telle & telle connoiflance, nous ferions les chofes aufi quelles ces connoillances obligent. Ceft qu'en effet la nature & la raifon nous y portent, & que nous n'en fommes empêchés que par le déreglement de la volonté. Et c'eltpourquoi cette prodigieufe

CHAP. infenfibilité qu'on voit dans les hommes IH. à l'égard des chofes dont ils devroient être le plus touchés, eft une marque évidente qu'ils ne font point dans l'état où ils ont été formés, & que leur nature eft corrompue. Cette ftupidité monftruense ne fauroit être naturelle. Ils s'affligent des moindres chofes jufques au defelpoir: & lorfqu'il y va de tout leur être ; & de leur bonheur, ou de leur malheur éternel, ils n'en font non plus touchés, que s'il s'agiffoit d'une chofe de néant.

Fac. 8.

Mais cette infenfibilité n'eft pas feulement dans tous les hommes une marque de la corruption generale de la nature ; elle eft encore dans les Chrétiens une preuve des ténebres horribles que les péchés commis après le batême répandent dans l'ame. Et rien ne fait mieux voir que non feulement le péché engendre la mort,comme dit l'Apôtre S. Jacques,mais qu'il la porte auffi avec foi, & qu'il ote à l'ame la vie & le fentiment. Car fi l'ame d'un Chrétien qui vit dans le défordre, n'étoit en un état de mort, feroit-il poffible qu'il pût goûter un moment de repos Il fait qu'il eft fous la puiflance du diable, qu'il peut mourir à tout moment, que l'enfer eftouvert pour l'engloutir,que peut-être il n'y a plus de grace pour lui Cependant il eft fans inquietude & fans

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