rieure avec laquelle on le doit faire. Si CHAP elle la fent, elle la fuit. Si elle ne la fent VII.. pas, elle l'excite autant qu'elle peut, & elle l'imprime au-moins dans fes actions exterieures, afin de fe l'imprimer peu à peu dans le cœur.

let, mort

Des perfonnes très-judicieufes qui ont fort étudié un grand Prelat * qui a été la Nicolas gloire de l'Eglife de France, difoient de Pavillon Ini qu'il avoit plufieurs vifages, felon les Ev. d'A diverfes actions aufquelles il s'appliquoit. le 8. DesaQu'il en avoit un à l'autel & dans l'Eglife 1677. qui marquoitun recueillement profond; qu'il en avoir un autre dans la conversation, qui témoignoit de la gaieté; un autre ferieux & grave dans les chofes où il devoit faire paroître de l'autorité; un autre doux & compatiffant quand l'occafion le demandoit. Et c'eft là proprement cette égalité d'efprit, & cette fuppreffion de toute humeur, que la vûe de la volonté de Dieu doit produire en

nous.

Mais outre les autres avantages de cette pratique de fupprimer ainfi toutes fes inclinations, d'en applanir les inegalités, & de ne faire paroître dans chaque action que les mouvemens que la raison nous infpire, elle a encore celui de renfermer la plus grande, la plus utile & la plus. continuelle mortification que l'on puille

CHVP pratiquer. Elle eft fecrette, & personne VII. ne s'en apperçoit. Elle eft continuelle, parceque nos inclinations fe mêlent partout, & nous détournent fans celle de Fordre de Dieu, foit en compagnie, foit en folitude. Elle ne donne fujet de plainte à perfonne. Les domeftiques ne s'y intereffent point. Les médecins spirituels & corporels ne nous l'interdisent jamais. Elle donne même lieu de couvrir la mortification fpirituelle fous des foulagemens corporels,lorfque la raifon nous ordonne de nousy foumettre; & elle en retranche certaines façons qui fervent fou vent à fe conferver la gloire de la niortification, lorfque l'on ceffe de la prati quer.

CHAPITRE VILL

Actions de vertu que la vûe de la volonté de Dieu nous découvre. Ordre des actions: Qu'il n'y faut pas être attaché. Obéiffance religieufe facilite la vie chrétienne.

Ln'y a rien auffi qui nous découvre plus d'actions de vertu à exercer, que cette attention continuelle à la loi de Dieu, parcequ'il n'y a rien qui nous les cache davantage que de s'abandonner à fes in

clinations. C'eft cette attention qui nous CHAP apprend à contribuer autant que l'on VIIL peut chrétiennement au divertiffement des autres dans la converfation, à s'infimuer dans leur esprit par une complaifance fans affectation, à les fouffrir dans leurs importunités, à les avertir de certains défauts par des manieres douces & proportionnées à leur humeur, à éviter de les choquer inutilement, à se taire lorsqu'il eft à propos, à parler quand il le faut, & à fatisfaire ainfi à un très-grand nombre de petits devoirs qui échappent à ceux qui agiffent par humeur. C'eft un des fens de cette parole du Sage; Qui au- Prov. 284 tem inquirunt Dominum animadvertunt om nia. CEUX qui cherchent Dieu prennent garde à tout.

- Ceft cette attention à la volonté de Dieu qui nous maintient dans une vie reglée, égale & uniforme, & qui nous fait pratiquer avec fidelité les mêmes exercices dans les mêmes temps. Car fi nous avons pour but de fuivre Dieu,nous jugerons avec raison que nous nous rendrons plus conformes à fa volonté en fuivant un ordre établi dans les chofes indifferentes qu'en le quittant par inclination & par fantaifie. Moins nous avons de part aux chofes, & plus nous avons fujet de croire que c'eft Dieu

que

S.

CHAP. nous fuivons en les faifant. Et celles qui VIII. font d'elles-mêmes égales & indifferentes, deviennent inégales & differentes, lorfque l'on y ajoûte cette raifon d'uniformité dans les mêmes exercices.

Mais fi l'amour de la volonté de Dieu nous fait preferer dans les chofes indifferentes l'ordre & l'égalité au defordre & à l'inegalité, il retranche auffi toute attache de la pratique de ces exercices, & il nous rend flexibles à les changer quand Dieu le veut; parceque ne defirant que d'obéir à Dieu, il eft également content quand il trouve également moyen de pratiquer cette obéillance. C'eft pourquoi quelque regle que l'on fe foit prefcrite dans les chofes indifferentes; il faut être prêt de la changer dans les occafions où Dieu nous fait connoître qu'il demande autre chofe de nous. Ceft par cette flexibilité que des perfonnes qui aiment l'étude ne laiffent pas de s'appliquer avec foin à des entretiens qu'ils n'aiment pas, lorfque la charité le demande; qu'ils perdent en quelque forte leur temps, lorfque Dien veut qu'ils les perdent ; qu'ils quittent leurs ouvrages fans peine, lorique Dieu vent qu'ils les quittent;qu'ils ne fotment point de defleins fixes ni arrêtés, & qu'ils fe tiennent toujours entre les mains de Dieu pour s'appliquer aux che

fes felon qu'il leur fait connoître qu'elles CHAP. lui font agreables.

VIII.

Il faut pourtant prendre garde à ne pas porter cette flexibilité jufqu'à l'inftabilité. Car les hommes n'ayant que fort peu de temps à eux, il est impossible qu'ils s'appliquent à une occupation, qu'en fe feparant des autres. Or dans ce choix les moindres doivent ceder aux plus grandes, il faut neceffairement opter; & quand on a choifi, il ne faut pas facilement changer le choix qu'on a fait. S'il n'eft pas poffible par exemple, de conduire certaines perfonnes, & de travailler en même temps pour l'Eglife, il faut voir lequel eft le plus utile & le plus conforme à notre vocation. S'il n'eft pas poffible de partager fon efprit à tant de fortes d'études, il faut le borner à quelques-unes, & fouffrir de bon cœur de n'être pas habiles dans de certaines chofes. Si l'on ne peut fatisfaire à tant d'actions de charité, il faut fe reftraindre à celles qui font en notre pouvoir, en se fouvenant toujours de cet avis du Sage qui nous doit fervir de regle en une infinité d'occafions. Mon fils, ne vous engagez Edi. 11. pas dans une multiplicité d'actions. FILI, 10. ne in multis fint actus tui.

,

Tout cela fait voir que l'obéiffance des Religieux eft plutôt une facilité que les