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Et

que

de ta couronne, en palmes si fertile, Le miel abondamment et la manne distile, Comme des chesnes vieux aux jours du siècle d'or, Qui, renaissant soubz toy, reverdissent encor.

Aujourd'huy que ton fils, imitant ton courage,
Nous rend de sa valeur un si grand tesmoignage,
Que, jeune, de ses mains la rage il déconfit,
Estouffant les serpens ainsi qu'Hercule fit,
Et, domtant la discorde à la gueule sanglante,
D'impieté, d'horreur encore fremissante,

Il luy trousse les bras, de meurtres entachez,
De cent chaisnes d'acier sur le dos attachez,
Sous des monceaux de fer dans ses armes l'enterre,
Et ferme pour jamais le temple de la guerre,
Faisant voir clairement par ses faits triomphants
Que les Roys et les dieux ne sont jamais enfants;
Si bien que, s'eslevant sous ta grandeur prospère,
Genereux heritier d'un si genereux père,

Comblant les bons d'amour et les meschans d'effroy,
Il se rend au berceau desjà digne de toy.

Mais c'est mal contenter mon humeur frenetique,
Passer de la Satyre en un Panegyrique,
Où, molement disert souz un sujet si grand,
Dès le premier essay mon courage se rend.
Aussi, plus grand qu'Enée et plus vaillant qu'Achille,
Tu surpasses l'esprit d'Homère et de Virgille,
Qui leurs vers à ton los ne peuvent esgaler,
Bien que maistres passez en l'art de bien parler.
Et quand j'esgallerois ma Muse à ton merite,
Toute extreme louange est pour toy trop petite,
Ne pouvant le finy joindre l'infinité ;

Et c'est aux mieux disants une témerité
De parler où le Ciel discourt par tes oracles,
Et ne se taire pas où parlent tes miracles;

Où tout le monde entier ne bruit que tes projects,

Où ta bonté discourt au bien de tes sujects,
Où nostre aise et la paix ta vaillance publie ;
Où le discord esteint et la loy restablie
Annoncent ta justice; où le vice abattu

Semble en ses pleurs chanter un hymne à ta vertu.
Dans le temple de Delphe, où Phoebus on revère,
Phœbus, roy des chansons et des muses le père,
Au plus haut de l'autel se voit un laurier sainct,
Qui sa perruque blonde en guirlandes estraint,
Que nul prestre du temple en jeunesse ne touche,
Ny mesme predisant ne le masche en la bouche,
Chose permise aux vieux de sainct zele enflamez,
Qui se sont par service en ce lieu confirmez,
Devots à son mistere, et de qui la poictrine
Est pleine de l'ardeur de sa verve divine.
Par ainsi, tout esprit n'est propre à tout suject:
L'œil foible s'éblouit en un luisant object.

De tout bois, comme on dit, Mercure on ne façonne,
Et toute medecine à tout mal n'est pas bonne.
De mesme le laurier et la palme des Roys

N'est un arbre où chacun puisse mettre les doigts;
Joint que ta vertu passe, en louange feconde,
Tous les Roys qui seront et qui furent au monde.
Il se faut reconnoistre, il se faut essayer,
Se sonder, s'exercer, avant que s'employer,
Comme fait un luiteur entrant dedans l'arène,
Qui, se tordant les bras, tout en soy se demène,
S'alonge, s'accourcit, ses muscles estendant,
Et, ferme sur ses pieds, s'exerce en attendant
Que son ennemy vienne, estimant que la gloire
Jàriante en son cœur luy donra la victoire.

Il faut faire de mesme, un œuvre entreprenant;
Juger comme au suject l'esprit est convenant,
Et, quand on se sent ferme et d'une aisle assez forte,
Laisser aller la plume où la verve l'emporte.

Mais, SIRE, c'est un vol bien eslevé pour ceux Qui, foibles d'exercice et d'esprit paresseux, Enorgueillis d'audace en leur barbe première, Chantèrent ta valeur d'une façon grossière, Trahissant tes honneurs avecqu' la vanité D'attenter par ta gloire à l'immortalité.

Pour moy, plus retenu, la raison m'a faict craindre;
N'osant suivre un suject où l'on ne peut atteindre,
J'imite les Romains encore jeunes d'ans,

A qui l'on permettoit d'accuser, impudans,
Les plus vieux de l'estat, de reprendre, et de dire
Ce qu'ils pensoient servir pour le bien de l'empire.
Et comme la jeunesse est vive et sans repos,
Sans peur, sans fiction et libre en ses propos,
Il semble qu'on luy doit permettre davantage;
Aussi que
les vertus fleurissent en cet âge,
Qu'on doit laisser meurir sans beaucoup de rigueur,
Afin que tout à l'aise elles prennent vigueur.

C'est ce qui m'a contrainct de librement escrire,
Et, sans picquer au vif, me mettre à la Satyre,
Où, poussé du caprice ainsi que d'un grand vent,
Je vais haut dedans l'air quelque fois m'eslevant;
Et quelque fois aussi, quand la fougue me quite,
Du plus haut au plus bas mon vers se precipite,
Selon que, du subject touché diversement,
Les vers à mon discours s'offrent facilement.
Aussi que la satyre est comme une prairie,
Qui n'est belle sinon en sa bisarrerie;
Et, comme un pot pourry des frères mandians,
Elle forme son goust de cent ingredians.

Or, grand Roy, dont la gloire en la terre espandue Dans un dessein si haut rend ma muse esperdue, Ainsi que l'œil humain le soleil ne peut voir, L'esclat de tes vertus offusque tout sçavoir; Si bien que je ne sçay qui me rend plus coulpable,

Ou de dire si peu d'un suject si capable,
Ou la honte que j'ay d'estre si mal apris,
Ou la temerité de l'avoir entrepris.

Mais quoy! par ta bonté, qui tout autre surpasse,
J'espère du pardon, avecque ceste grace
Que tu liras ces vers, où, jeune, je m'esbas
Pour esgayer ma force, ainsi qu'en ces combas
De fleurets on s'exerce, et dans une barriere
Aux pages l'on reveille une adresse guerriere,
Follement courageuse, afin qu'en passe-temps
Un labeur vertueux anime leur printemps,
Que leur corps se desnoue et se desengourdisse,
Pour estre plus adroits à te faire service.
Aussi je fais de mesme en ces caprices fous:
Je sonde ma portée et me taste le pous,
Afin que s'il advient, comme un jour je l'espère,
Que Parnasse m'adopte et se dise mon père,
Emporté de ta gloire et de tes faits guerriers,
Je plante mon lierre au pied de tes lauriers.

FIN.

A MONSIEUR

LE COMTE DE CARAMAIN

SATYRE II

COMTE, de qui l'esprit penètre l'univers,
Soigneux de ma fortune et facile à mes vers,
Cher soucy de la muse et sa gloire future,
Dont l'aimable genie et la douce nature
Fait voir, inaccessible aux efforts medisans,
Que vertu n'est pas morte en tous les courtisans
Bien que foible et debile et que, mal reconnue,
Son habit decousu la montre à demy nue;
Qu'elle ait sèche la chair, le corps amenuisé,
Et serve à contre-cœur le vice auctorisé,
Le vice qui, pompeux, tout merite repousse,
Et va comme un banquier en carrosse et en housse.
Mais c'est trop sermonné de vice et de vertu.
Il faut suivre un sentier qui soit moins rebatu,
Et, conduit d'Apollon, recognoistre la trace
Du libre Juvenal; trop discret est Horace
Pour un homme picqué, joint que la passion,
Comme sans jugement est sans discretion.
Cependant il vaut mieux sucrer nostre moutarde :
L'homme pour un caprice est sot qui se hazarde.
Ignorez donc l'autheur de ces vers incertains,
Et, comme enfans trouvez, qu'ils soient fils de putains
Exposez en la rue, à qui mesme la mère,

Pour ne se descouvrir, fait plus mauvaise chère.

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