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Où le front a tant de froideur,
Le cœur n'a pas beaucoup d'ardeur.

Vostre belle, qui n'est pas lourde,
Rit de ce que vous en croyez.
Qui vous void, pense que soyez
Ou vous muet, ou elle sourde.
Parlez, elle vous oira bien;
Mais elle attend, et n'entend rien.

Elle attend d'un desir de femme,
D'ouyr de vous quelques beaux mots.
Mais s'il est vray qu'à nos propos
On reconnoist quelle est nostre ame;
Elle vous croit, à cette fois,
Manquer d'esprit comme de voix.

Qu'un honteux respect ne vous touche : Fortune aime un audacieux.

Pensez, voyant Amour sans yeux,

Mais non pas sans mains ny sans bouche, Qu'après ceux qui font des presens, L'Amour est pour les bien-disans.

FIN.

QUATRAINS.

Si des maux qui vous font la

guerre

Vous voulez guerir desormais,
Il faut aller en Angleterre,
Où les loups ne viennent jamais.

Je n'ay peu rien voir qui me plaise Dedans les Psalmes de Marot: Mais j'ayme bien ceux-là de Beze, En les chantant sans dire mot.

Je croy que vous avez faict vœu
D'aymer et parent et parente :
Mais, puis que vous aymez la tante,
Espargnez au moins le nepveu.

Le Dieu d'Amour se devoit peindre Aussy grand comme un autre Dieu, N'estoit qu'il luy suffit d'atteindre Jusqu'à la pièce du milieu.

Ceste femme à couleur de bois En tout temps peut faire potage: Car dans sa manche elle a des poix, Et du beure sur son visage.

DISCOURS AU ROY

Il estoit presque jour, et le ciel sousriant

Blanchissoit de clairté les peuples d'Orient;
L'aurore aux cheveux d'or, au visage de roses,
Desjà comme à demy descouvroit toutes choses,
Et les oyseaux, perchez en leur feuilleux sejour,
Commençoient, s'esveillant, à se plaindre d'amour,
Quand je vis en sursaut une beste effroyable,
Chose estrange à conter, toutesfois veritable,
Qui plus qu'un hydre affreuse à sept gueules meuglant,
Avoit les dents d'acier, l'œil horrible et sanglant,
Et pressoit à pas torts une Nimphe fuyante,
Qui, reduite aux abbois, plus morte que vivante,
Haletante de peine, en son dernier recours,

Du grand Mars des François imploroit le secours,
Embrassoit ses genoux, et l'appellant aux armes,
N'avoit autre discours que celuy de ses larmes.

Ceste Nimphe estoit d'age, et ses cheveux meslez Flottoient au gré du vent, sur son dos avalez; Sa robe estoit d'azur, où cent fameuses villes Eslevoient leurs clochers sur des plaines fertiles Que Neptune arrosoit de cent fleuves espars, Qui dispersoient le vivre aux gens de toutes pars. Les villages espais fourmilloient par la plaine; De peuple et de bestail la campagne estoit pleine, Qui, s'employant aux arts, mesloient diversement La fertile abondance avecque l'ornement.

Tout y reluisoit d'or, et sur la broderie
Esclatoit le brillant de mainte pierrerie.

La mer aux deux costez cest ouvrage bordoit,
L'Alpe de la main gauche en biais s'espandoit
Du Rhein jusqu'en Provence; et le mont qui partage
D'avecque l'espagnol le françois heritage,
De Leucate à Bayonne en cornes se haussant,
Monstroit son front pointu de neiges blanchissant.
Le tout estoit formé d'une telle manière,
Que l'art ingenieux excedoit la matière..
Sa taille estoit auguste, et son chef couronné
De cent fleurs de lis d'or estoit environné..

Ce grand prince, voyant le soucy qui la grève,
Touché de pieté, la prend et la relève,
Et de feux estouffant ce funeste animal,
La delivra de peur aussitost que de mal,
Et, purgeant le venim dont elle estoit si pleine,
Rendit en un instant la Nimphe toute saine..
Ce prince, ainsi qu'un Mars en armes glorieux,
De palmes ombrageoit son chef victorieux,
Et sembloit de ses mains au combat animées
Comme foudre jetter la peur dans les armées,
Ses exploits achevez en ses armes vivoient :
Là les champs de Poictou d'une part s'eslevoient,
Qui, superbes, sembloient s'honorer en la gloire
D'avoir premiers chanté sa première victoire.

Dieppe, de l'autre part, sur la mer s'allongeoit,
Où par force il rompoit le camp qui l'assicgeoit,,
Et poussant plus avant ses trouppes espanchées,
Le matin en chemise il surprit les tranchées..
Là, Paris, delivré de l'espagnole main,
Se deschargeoit le col de son joug inhumain.
La campagne d'Ivry, sur le flanc cizelée,.
Favorisoit son prince au fort de la meslée;
Et de tant de Ligueurs par sa dextre vaincus

Au Dieu de la bataille appendoit les escus.

Plus haut estoit Vendosme, et Chartres, et Pontoise, Et l'Espagnol desfait à Fontaine-Françoise, Où la valeur du foible emportant le plus fort, Fist voir que la vertu ne craint aucun effort..

Plus bas, dessus le ventre, au naïf contrefaite,
Estoit, près d'Amiens, la honteuse retraite
Du puissant archiduc, qui, craignant son pouvoir,
Creut que c'estoit en guerre assez que de le voir.
Deça, delà, luitoit mainte trouppe rengée,
Mainte grande cité gemissoit assiegée,

Où, si-tost que le fer l'en rendoit possesseur,
Aux rebelles vaincus il usoit de douceur:
Vertu rare au vainqueur, dont le courage extresme
N'a gloire en la fureur que se vaincre.soi-mesme!
Le chesne et le laurier cest ouvrage ombrageoit,
Où le peuple devot sous ses loix. se rengeoit,
Et de vœuz et d'encens au ciel faisoit prière.
De conserver son prince en sa vigueur entière.
Maint puissant ennemy, domté par sa vertu,
Languissoit dans les fers sous ses pieds abatu,
Tout semblable à l'Envie, à qui l'estrange rage:
De l'heur de son voisin enfielle le courage,
Hideuse, bazannée et chaude de rancœur,
Qui ronge ses poulmons et se masche le cœur.

Après quelque prière en son cœur prononcée,
La Nimphe en le quittant au ciel s'est eslancée,
Et son corps dedans l'air demeurant suspendu,
Ainsi comme un milan sur ses aisles tendu,
S'arreste en une place où, changeant de visage,
Un bruslant aiguillon lui picque le courage:
Son regard estincelle, et son cerveau tremblant,
Ainsi comme son sang d'horreur se va troublant :
Son estomac pantois sous la chaleur frissonne,
Et, chaude de l'ardeur qui son cœur espoinçonne,

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