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POESIES SPIRITUELLES

SUR LA NATIVITÉ

DE NOSTRE SEIGNEUR

HYMNE

PAR LE COMMANDEMENT DU ROY LOUIS XIII, POUR

SA MUSIQUE DE LA MESSE DE MINUIT

POUR

OUR le salut de l'univers
Aujourd'huy les cieux sont ouverts,
Et par une conduite immense
La grace descend dessus nous.
Dieu change en pitié son courroux,
Et sa justice en sa clemence.

Le vray Fils de Dieu tout-puissant,
Au fils de l'homme s'unissant
En une charité profonde,

Encor qu'il ne soit qu'un enfant,
Victorieux et triomphant,

De fers affranchit tout le monde.

Dessous sa divine vertu
Le peché languit abbatu,

Et de ses mains à vaincre expertes
Etouffant le serpent trompeur,
Il nous assure en nostre peur
Et nous donne gain de nos pertes.

Ses oracles sont accomplis,
Et ce que par tant de replis
D'âge promirent les prophètes
Aujourd'huy se finit en luy,
Qui vient consoler nostre ennuy
En ses promesses si parfaites.

Grand Roy, qui daignas en naissant
Sauver le monde perissant,
Comme père, et non comme juge,
De graces comblant nostre Roy,
Fay qu'il soit des meschans l'effroy,
Et des bons l'assuré refuge.

Qu'ainsi qu'en esté le soleil,
Il dissipe, aux rays de son œil,
Toute vapeur et tout nuage;
Et qu'au feu de ses actions
Se dissipant les factions,

Il n'ayt rien qui lui fasse ombrage.

SONNET

DIEU, si mes péchez irritent ta fureur, Contrit, morne et dolent, j'espère en ta clemence. Si mon deuil ne suffit à purger mon offense, Que ta grace y supplée et serve à mon erreur.

Mes esprits éperdus frissonnent de terreur, Et, ne voyant salut que par la penitence, Mon cœur, comme mes yeux, s'ouvre à la repentance, Et me hay tellement que je m'en fais horreur.

Je pleure le present, le passé je regrette;
Je crains à l'avenir la faute que j'ay faite;
Dans mes rebellions je lis ton jugement.

Seigneur, dont la bonté nos injures surpasse,
Comme de pere à fils uses-en doucement.
Si j'avais moins failli, moindre serait ta grâce.

SONNET

QUAND dévot vers le ciel j'ose lever les yeux,

Mon cœur ravy s'emeut, et, confus, s'émerveille. Comment, dis-je à part moy, cette œuvre nompaEst-elle perceptible à l'esprit curieux ? [reille

Cet astre, ame du monde, œil unique des cieux, Qui travaille en repos et jamais ne sommeille, Père immense du jour, dont la clarté vermeille Produit, nourrit, recrée, et maintient ces bas lieux

Comment t'eblouis-tu d'une flamme mortelle,
Qui du soleil vivant n'est pas une estincelle,
Et qui n'est devant luy sinon qu'obscurité?

Mais si de voir plus outre aux mortels est loisible, Croy bien, tu comprendras mesme l'infinité, Et les yeux de la foi te la rendront visible.

SONNET

CEPENDANT qu'en la croix, plein d'amour infinie,

Dieu pour nostre salut tant de maux supporta
Que par son juste sang nostre ame il racheta
Des prisons où la mort la tenait asservie,

Alteré du desir de nous rendre la vie :
J'ay soif, dit-il aux Juifs. Quelqu'un lors aporta
Du vinaigre et du fiel et le luy présenta;
Ce que voyant sa mere en la sorte s'écrie :

Quoy, n'est-ce pas assez de donner le trepas
A celuy qui nourrit les hommes icy bas,
Sans frauder son desir d'un si piteux breuvage?

Venez, tirez mon sang de ces rouges canaux, Ou bien prenez ces pleurs qui noyent mon visage : Vous serez moins cruels, et j'auray moins de maux.

COMMENCEMENT

D'UN POEME SACRÉ

J'AY le cœur tout ravy d'une fureur nouvelle, [pelle,
Or' qu'en un saint ouvrage un saint démon m'ap-
Qui me donne l'audace et me fait essayer,
Un sujet qui n'a peû ma jeunesse effrayer.

Toy, dont la Providence en merveilles profonde,
Planta dessus un rien les fondemens du monde,
Et, baillant à chaque estre et corps et mouvemens,
Sans matière donnas la forme aux elemens,
Donne forme à ma verve, inspire mon courage :
A ta gloire, ô Seigneur, j'entreprens cet ouvrage.
Avant que le soleil eust enfanté les ans,

Que tout n'estoit qu'un rien, et que mesme le temps,
Confus, n'estoit distinct en trois diverses faces; [ces,
Que les cieux ne tournoyent un chacun en leurs pla-
Mais seulement sans temps, sans mesure et sans lieu;
Que seul parfait en soy regnoit l'Esprit de Dieu,
Et que dans ce grand vuide, en majesté superbe,
Estoit l'Estre de l'Estre en la vertu du Verbe;
Dieu, qui forma dans soy de tout temps l'univers,
Parla, quand à sa voix un mélange divers...

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