Imágenes de páginas
PDF
EPUB

Je ne l'ay pas desagréable:
C'est à luy sagement vescu ;
Toutefois ce n'est pas à table,
C'est au lit qu'on le fait cocu.

XXIII. AUX LECTEURS.

mes vers ne sont bien rangez, Et que vous autres ne jugiez Leur rhime et leur mesure bonne, Prenez vous en à la Sorbonne Qui ne les a pas corrigez.

EPITAPHE DE regnier.

J'AY vescu sans nul pensement,

Me laissant aller doucement
A la bonne loy naturelle,
Et si m'estonne fort pourquoy
La mort osa songer à moy,
Qui ne songeay jamais à elle.

LE COMBAT

DE REGNIER ET DE BERTELOT

INSPIRE-MOy, Muse fantasque,

Décrivant un combat falot,

Sur la peau d'un tambour de Basque,
A la gloire de Bertelot,

Et permets que d'un pied de grive
Avec les orteils je l'escrive.

En la saison que les cerises
Combattent la liqueur des vins,
Regnier et luy vindrent aux prises
Vers le quartier des Quinze Vingts,
Pour vuider une noise antique
Vaillamment en place publique.

Regnier, ayant sur les espaules
Satin, velours et taffetas,
Meditoit pour le bien des Gaules
D'estre envoyé dans les Estats,
Et meriter de la Couronne
La pension qu'elle luy donne;

Il voit d'un œil plein de rudesse,
Semblable à celui d'un jaloux
Regardant l'amant qui caresse
La femme dont il est espoux,
Bertelot, de qui l'equipage
Est moindre que celuy d'un page.

Sur luy de fureur il s'advance Ainsi qu'un Pan vers un Oyson, Ayant beaucoup plus de fiance En sa valeur qu'en sa raison, Et d'abort luy dict plus d'injures Qu'un Greffier ne faict d'escritures.

Bertelot avec patience
Souffre ce discours effronté,
Soit qu'il le fit par conscience
Ou de crainte d'estre frotté :
Mais à la fin Regnier se joue
D'approcher la main de sa joue.

Aussitost, de colère blesme,
Bertelot le charge en ce lieu
D'aussi bon cœur comme en caresme,
Sortant du service de Dieu,

Un petit Cordelier se rue
Sur une pièce de morue.

De fureur son ame bouillonne ; Ses yeux sont de feu tous ardens; A chaque gourmade qu'il donne De despit il grince les dents, Comme un magot à qui l'on jette Un charbon pour une noisette.

Bertelot, de qui la carcasse
Pèse moins qu'un pied de poulet,
Prend soudain Regnier en la face,
Et, se jettant sur son colet,
Dessus ce grand corps il s'accroche
Ainsi qu'une anguile sur roche.

Il poursuit tousjours et le presse, Luy donnant du poing sur le nez, Et ceux qui voyent la foiblesse De ce géant sont estonnez, Pensant voir en ceste deffaitte Un corbeau sur une alouette.

Ce Goliath remply de rage Avec les pleurs respand son fiel, Et son sang luy faict le visage De la couleur de l'arc en ciel, Ou bien de ceste estoffe fine Que l'on apporte de la Chine.

Phœbus, dont les graces infuses Honorent les divins cerveaux, Comment permets-tu que les Muscs Gourmandent ainsi leurs museaux, Et qu'un peuple ignorant se raille De voir ses enfans en bataille ?

Regnier, pour toute sa deffence,
Mordit Bertelot en la main,
Et l'eust mangé, comme l'on pense,
Si le bedeau de Sainct Germain,
Qui revenoit des Tuileries,
N'eust mis fin à leurs batteries.

Mais ce venerable beau père, Preud' homme comme un pellerin, Dit à l'un deux : « Bonne galère, » A l'autre Bon sainct Mathurin: Je vous ordonne ces voyages, Mes amis, pour devenir sages. »

Au bruict de ces grandes querelles,
Où Regnier eut les yeux pochez,
Une troupe de maquerelles,
Conduites par les sept pechez,
Prestes de faire un bon office,
Luy vindrent offrir leur service.

Si tost qu'elles voyent sa face,
Pleine de sang et de crachat,
Elles font plus laide grimace
Que la soury prise du chat,
Et leur plainte semble aux oreilles
Une musique de corneilles.

Mais Regnier, en mordant sa lèvre,
Leur promit qu'il n'en mourroit pas.
Bertelot s'enfuit comme un lièvre,
Et le Bedeau haste ses pas,
Ayant appaisé ceste escrime,
Pour aller faire sonner Prime.

« AnteriorContinuar »