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Il avoit fon culte & fes Oracles, mais' on ne lui érigea jamais aucune Statue. On le peignoit ayant entre les mains l'Urne qui contient le fort des humains. On lui donnoit auffi un livre, où tout l'avenir étoit écrit, & que les autres Dieux alloient confulter.

La Poëfie a auffi donne cours à la Fable.

La Poësie par le tour agréable qu'elle sçut donner aux fictions, ne contribua pas peu à don ner cours à la Fable. Car les Poëtes voyant que la fiction étoit l'ame de leur Art, s'avifèrent de ne jamais rien dire naturellement, & d'embellir tous les faits hiftoriques par des circonftances furnaturelles. Bientôt les Bergers furent des Satyres, ou des Faunes; & les Bergères des Nymphes; les hommes à cheval des Centaures; les Vaiffeaux tantôt un cheval ailé, comme dans l'hiftoire de Bellerophon; tantôt des Dragons, comme dans celle de Médée. On fit paffer les Oranges pour des pommes d'or; l'Or pour une pluie de ce précieux métal, comme dans la fable de Danaé; les Flèches pour des foudres & des carreaux &c.

Des

Des Métamorphoses.

La Métamorphofe eft la transformation ou le changement d'une forme en une autre. Cela fe dit proprement des changemens que les Païens croyoient avoir été faits par les Dieux, & dont Ovide a compofé un Poëme. Il eft à remarquer que toutes ces métamorphofes, tant celles d'Ovide, que celles d'Hyginus & d'Antoninus Liberalis, ne font fondées que' fur des manières de s'exprimer métaphoriques, ou fur la reffemblance des noms. Par exemple, la cruauté de Lycaon, qui faifoit mourir les Etrangers le fit métamorphofer en Loup. Céyx & Alcyone furent changés en Alcyons, pour nous donner une idée de l'amour conjugal. Quand quelque Princeffe mouroit de douleur, de la perte de fon mari ou de fes enfans, le dénouement de l'Elégie, ou du poëme lugubre qui étoit compofé fur fon avanture, de la changer en Fontaine ou en Rocher. On dit qu'Orphée charma les Tigres & les Lions, & rendit fenfible les Rochers, parce qu'il étoit fi perfuafif, que les cœurs les plus durs ne pou voient réfifter à fon Eloquence, ou aux char

étoit

mes

mes de fa voix. Quelque-fois auffi la reffem blance des noms donna lieu à la Métamor phofe; ainfi Picus fut changé en Pi Cygnus en Cigne; Alopis en Renard; les Cer copes en Singes.

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Ces fables ridicules paffèrent enfuite des Poëmes dans les Hiftoires, & de l'Hiftoire dans la Théologie païenne. On forma un fyftême de Religion fur les idées d'Homère & d'Hêfiode; on érigea des Temples, & on offrit des victimes à des Dieux, qui tenoient leur existence de ceus deux Poëtes.

Des avantages qu'on peut retirer de la Fable.

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Nonobftant ces ridiculités & ces contraditions, on peut retirer plufieurs avantages de la Fable. Prémièrement elle nous fait voir dans quelles ténèbres étoient plongées presque toutes les nations de la terre, & jufqu'à quelle folie l'erreur conduit l'homme, quand il ne fuit que fes propres lumières. 2. Comme on met entre les mains des Jeunes-gens les Ouvrages des Grecs & des Romains, & fur-tout ceux de leurs Poëtes,

Poëtes; il eft impoffible qu'ils les entendent, s'ils ne connoiffent les Fables, auxquelles les Auteurs font de perpétuelles allufions. Cette connoiffance en eft la veritable clef. 30. Les Ouvrages de Peinture & de Sculpture, qui contribuent à la magnificence des Palais des Rois, autant par la beauté des fujets qu'ils étalent à nos yeux, que par les emblêmes ingénieux qu'ils nous donnent à pénétrer, feroient la plus - part du temps de véritables énigmes, fi on n'étoit pas verfé dans la Mythologie. Les Galeriés, les Plat-fons, les Statues, les Bas-reliefs, les Monumens de toute espèce, dont les Maifons des Princes font ordinairement remplis, représentent des fujets empruntés de la Fable; ils nous rapellent le fouvenir de ces anciennes fictions: ainfi c'est une néceffité, & une fatisfaction d'en être inftruit. Le quatrième avantage que nous tirons de la Fable, c'eft qu'elle nous fournit des inftructions utiles & néceffaires.

terai quelques exemples.

J'en ci

Les avantures de Phaeton & d'Icare, nous font connoitre les fuites funeftes de l'ambition.

L'hiftoire de Tantale & celle des Harpyies, peuvent s'appliquer aux Avares. La Métamorphofe de Narciffe repréfente parfaitement ceux qui, par une folle vanité, n'aiment qu'eux-mêmes. Il eft aifé de reconnoître les remords d'une mauvaife confcience dans les Furies qui tourmentoient Orefte, & dans le Vautour qui rongeoit le foie de Prométhée. Qui ne voit dans la Fable de Médufe, dont la feule vue pétrifioit, l'effet que produit une paffion, jufqu'à faire perdre tout fentiment? L'équipage de Perfée, qui est monté fur le cheval Pégafe, & qui porte en main un miroir en guife de bouclier, nous fait entendre que la diligente & la fageffe font néceffaires, réuffir dans une entreprise.

pour

Bizarrerie des Divinités Païennes.

Rien n'eft plus bizarre & plus oppofé à la Majefté divine que ce que les Païens ont feint de leurs Dieux. Ils nous les repréfentent boireux, aveugles, matériels. Ils les font battre les uns contre les autres, & les font bleffer par des hommes, comme Mars par Diomède. Ce font des Dieux la pluspart adultères & voleurs; des

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