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laires dans l'instant fatal où ils sont? Le conseil de Galétés plut beaucoup au roi, qui, charmé de lui connoître un cœur sensible à la pitié, ne se contenta pas de sauver la vie aux criminels, mais enchérit encore beaucoup sur l'amour qu'il lui portoit.

CHAPITRE LXIX. La libéralité demande plusieurs précautions. 1. Il y a beaucoup de précautions à garder en fait de libéralité. La première est de prendre garde que le bien que l'on veut faire à quelqu'un ne tourne à son préjudice ;'où à celui de quelqu'au tre; la seconde est de proportionner ses libéralités à ses facultés ; et la dernière de les régler selon le mérite de ceux à qui l'on en fait. Car il faut tout rapporter à la justice; et où elle n'est point gardée, il ne peut y avoir de libéralité. Soyons donc généreux envers nos amis,mais d'une manière que nous puissions leur être utiles, et ne nuire à personne, sans épuiser la source même de la libéralité, et après avoir fait choix de ceux à qui nous ferons du bien. Mais il y en a beaucoup qui ne rendent service que par une certaine impulsion téméraire,sans discernement et sans choix, ou par un mouvement fiévreux qui les porte à faire du bien à tout le monde, ou enfin par une certaine saillie d'esprit qui les emporte comme un tourbillon. Or il s'en faut bien que l'on doive faire le même cas de ces sortes de bienfaits', que de ceux qui sont l'effet d'une volonté ferme et arrêtée, conduite par la raison et le jugement.

II. Si un homme de probité a des biens acquis par des voies justes, sans avoir fait tort à personne, il ne doit point les conserver avec avarice, ni les répandre avec prodigalité. Il les partagera avec ceux qui sont gens de bien, ou qu'il pourra rendre tels. Il ne donnera qu'avec beaucoup de discernement, en choisissant les personnes qui en seront les plus dignes; car on compte au nombre

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non casu spargitur. Aliis succurram, dignis quos. non premat paupertas. Aliis non dabo, quamvis desit: quia etiamsi dedero,, est defuturum. Quibusdam offerem, quibusdam etiam inculcabo Quid refert servi liberine sint, qui indigeant? 4. Benef. Ubicumque homo est, ibi beneficio locus est, f. 10, 11. Pauperi viro bono donabo. Non lucrum ex be neficio captabo, non voluptatem, non gloriam. Ideo dabo, ut, quod oportet faciam. Licet fortuna ei, qui à me beneficium accepit, nihil tribuat quo referre mihi gratiam possit, ex sententiâ meâ res gesta est.

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Flin, 1, 9.

In deligendis idoneis in quos beneficia confe ramus, judicium et diligentiam adhibere debemus. Nam præclarè Ennius: Benefacta malè tocata, malè facta arbitror.

Beneficium dignis ubi des, omnes obliges.

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Ep. 50. 5. Laudas mihi et præsens et per epistolas Nonium tuum, quòd sit liberalis in quosdam. Et ipse laudo, si tamen non in nos solos., Vole enim eum qui sit verè liberalis, tribuere patriæ, propinquis, affinibus, amicis; sed amicis dico pauperibus. Quod non isti faciunt, qui iis potissimum donant, qui donare maximè possunt. Hos ego non sua donare puto, sed viscatis hamatisque muneribus aliena corripere. Alii sunt qui', quod huic donant, auferunt illi, famamque liberalitatis avaritiâ petunt. Primum autem, hominis officium est, suo esse contentum: deinde quos præcipuè sciat indigere, sustentare ac fovere.

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des pertes honteuses un présent fait sans réflexion. On se trompe, si l'on croit que ce soit une chose facile que de donner. On y rencontre beaucoup de difficultés, quand on veut le faire avec discrétion, et ne point jeter son bien avec profusion. Je secourrai ceux-ci, qui ne méritent point que la pauvreté les opprime : je ne donnerai point à ceux-là, quoique dans le besoin, parce qu'ils manqueront toujours, quelque bien que je leur fasse. Je préviendrai les uns, je forcerai les autres à prendre. Que m'importe que ceux qui sont dans l'indigence soient esclaves ou pauvres? Par-tout où je trouve un homme, j'y trouve matière de bienfait. Je donnerai à un honnête homme pauvre : je ne tirerai de mon bienfait, ni gain, ni plaisir, ni gloire je n'obligerai que pour remplir mon devoir: quoique la fortune ne mette point en état celui à qui je fais plaisir de me rendre la parcille, je n'en ai pas moins agi du fond du cœur.

Nous devons apporter nos soins et notre discernement pour choisir ceux qui sont les plus dignes d'être assistés; car, comme dit très-bien Ennius:

Les bienfaits mal placés et sans; réflexion,

Au fond ne sont rien moins que bienfaits, ce me semble;
Mais si vous les placez avec discrétion,
Vous obligez alors tous les hommes ensemble.

III. Vous ne cessez de me vanter de bouche et par lettres votre ami Nonius, parce qu'il est libéral envers certaines personnes. Je l'en loue aussi-bien que vous, pourvu qu'il ne le soit pas seulement à notre égard; car je soutiens qu'un homme vraiment libéral doit assister sa patrie ses proches, ses parens et ses amis, je veux dire, amis pauvres.C'est ce que ne font point les personnes qui donnent principalement à ceux qui peuvent les payer de retour, Je ne pense point que ces sortes de gens font des largesses de leurs biens; 'mais je les regarde comme gens qui attrapent le bien d'autrui par des présens intéressés, et faits

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Senec. 2, Benef. c. 16.

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6. 17.

13.

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tantum

1. Urbem cuidam Alexander donabat. Cùm ille, cui donabatur, se ipse mensus munus recusaret, diceretque non convenire fortunae suae: Non quero, inquit, quid te accipere deceat, sed quid me dare.

2. Ab Antigono Cynicus quidam petiit talentum. Respondit, plus esse quàm quod Cynicus petere deberet. Repulsus, petiit denarium, Respondit rex, minus esse quàm quod regem deceret dare. Turpissima est ejusmodi cavillatio. Invenit Antigonus quo modo neutrum daret.

1. Benef. 3. Alexandro Orientis victori Corinthii per legatos gratulati sunt, et civitate illum suâ donaverunt. Cùm risisset Alexander hoc munus; unus ex legatis, Nulli, inquit, civitatem unquam dedimus alii, quàm Herculi. Tùm verò Alexander lubens accepit honorem non vulgatum: neque tam eos respexit, qui sibi civitatem donarent, quàm illum, cui uni, antequam sibi, dedissent.

en vue d'en attirer d'autres. Il y en a certains qui ôtent à l'un pour donner à l'autre, et qui par ce commerce d'avarice cherchent à se gagner en apparence la réputation d'être généreux; mais le premier devoir de l'homme consiste à être content de sa fortune, et ensuite de s'en servir pour soulager et assister sur-tout ceux qu'il saura être dans le besoin.

CHAPITRE LX X.

Toutes sortes de bienfaits ne conviennent pas à toutes sortes de personnes.

I. Alexandre faisoit présent d'une ville à un particulier, qui se mesurant lui-même avec l'offre, ne vouloit pas recevoir un don qu'il disoit être au-dessus de son état; Alexandre lui repartit Je ne cherche point ce qu'il vous convient d'accepter, mais ce qu'il me convient de vous donner.

II. Un certain philosophe Cynique demanda un talent à Antigone, qui lui répondit, que c'étoit plus qu'un Cynique ne devoit demander. Se voyant refusé, il demanda un denier; le roi lui repartit: Que ce seroit trop peu donner pour un roi. Cette plaisanterie est très-indigne d'un prince: Antigone imagina ce moyen pour ne rien donner.

III. Les Corinthiens envoyèrent des ambassadeurs à Alexandre, pour le féliciter de la conquête de l'orient, et lui donner le droit de citoyen. Ce prince s'étant pris à rire de la singularité du présent un des députés lui dit : Nous n'avons encore donné ce droit de citoyen à personne avant vous qu'à Hercule. Alexandre entendant cela, reçut volontiers un honneur aussi extraordinaire; et n'eut pas tant égard à ceux qui lui donnoient ce privilége, qu'à celui qui l'avoit eu avant lui.

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