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ce point, en leur montrant que, dans leur nouvelle doctrine, l'homme étoit le premier qui opéroit son salut; ce qui étoit faire une injure énorme au Tout-puissant et à sa grace; ils répondoient qu'un tel reproche étoit une pure calomnie, puisqu'ils enseignoient que la grace de Dieu prévient toujours la volonté de l'homme en ce qui regarde le salut. En effet, pour éloigner d'eux un reproche si accablant, mais si légitime, et ne pas paroître dans des sentimens de cette nature, qui portoient l'orgueil à son dernier période, ils ad- Arn. in ps. 146, mettoient une grace générale accordée à tous les hommes, p. 326. 327. et qui prévenoit toute bonne volonté. «L'on nous repro- p. 326. 2. «< che, dit Arnobe le jeune, l'un des plus zélés Sémipélagiens << de ce temps-là; l'on nous reproche d'établir une doctrine qui enseigne que la volonté de l'homme précéde la grace de << Dieu. Mais que l'on agisse de bonne foi, et sans désir de << nous calomnier, et l'on verra que nous admettons une grace générale répandue généralement sur tous les hommes. >> Ensuite, après avoir expliqué en quoi consiste cette grace générale, 'il adresse la parole à ses adversaires, qu'il qualifie 6. 327. 1. Prédestinatiens, et ajoûte : « Remarquez bien ce que je dis, << puisque c'est pour vous que je le dis; la grace de J. C. pré«< céde toute bonne volonté de l'homme, suivant l'ordre que << je viens d'établir. »

Mais tout ce qu'Arnobe dit en expliquant sa grace générale, fait voir clairement: Que ce n'étoit qu'une grace Nor. ibid., p. 285. extérieure, commune aux infidéles comme aux fidéles; qu'une grace qui consistoit dans la loi, l'exemple, les miracles, l'instruction. Il n'y a qu'à lire quelques endroits du même Auteur sur les Pseaumes, et de Fauste de Riès dans ses Livres sur la grace et le libre arbitre, pour se convaincre que les Sémipélagiens n'avoient point d'autre doctrine sur la grace prévenante. Telles étoient les erreurs capitales, qui formoient

la nouvelle hérésie. Et ce qui doit paroître étonnant, c'est Aug., ep. 225. n. que la plûpart de ceux qui s'y étoient engagés, croïoient ne donner par-là aucune atteinte à la Foi Catholique. Il est vrai que bien qu'il y eût beaucoup de danger à la soûtenir, elle n'étoit pas néanmoins tout-à-fait la même que Pros. in Col., c. 3, celle qui venoit d'être condamnée par l'Eglise dans Pélage et ses Sectateurs, comme S. Prosper en convient lui-même. Ceux dont nous entreprenons de parler, se distinguoient principalement des Pélagiens en ce qu'ils faisoient profession Aug.,ep., 225. n. 3,

n. 1, c. 5. n. 3.

Iep. 226.

4.

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de croire que t tous les hommes ont péché en Adam, et qu'aucun n'est sauvé par ses œuvres, mais par la grace de la regénération. XXIII. On mit cependant tout en œuvre pour donner du crédit à cette nouvelle doctrine. Mais il étoit impossible de l'établir qu'après avoir ruiné celle de S. Augustin, qui lui étoit entierement opposée, et qui étoit devenuë celle Pros. ad Rus., n. de toute l'Eglise. Car l'Eglise de Rome, dit S. Prosper, celle d'Afrique, tout ce qu'il y avoit d'enfans de la Promesse dans toutes les parties du monde, et un grand nombre de personnes dans les Gaules mêmes, où s'éleva cette nouvelle dispute, étoient unis avec ce S. Docteur dans les maximes de la grace. De son vivant on le regardoit par-tout non-seulement comme le plus illustre Evêque qui fût alors dans l'Eglise mais encore comme un homme que l'Esprit de vérité avoit comblé de ses dons, et particulierement de celui de la sagesse et de la science, pour combattre par la force invincible de sa doctrine les hérésies qui avoient paru, et nomin Coll., c. 1, n. 2. mément celle de Pélage. C'étoit sous sa conduite que I'Eglise combattoit depuis plusieurs années contre les ennemis de la grace de Dieu, et qu'elle en étoit devenue victorieuse. Il n'étoit donc pas aisé de ruiner une doctrine si salutaire où les Fidéles puisoient celle de J. C. et des Apôtres, et qui servoit tous les jours à former les membres de l'Eglise, suivant l'expression de S. Prosper. Les Sémipélagiens eurent néanmoins la témérité de le tenter, mais à la maniere ordinaire à tous les Hérétiques, qui entreprennent de combattre la vérité; c'est-à-dire, en y emploïant toutes sortes d'artifices, les médisances, les calomnies, les fourberies, les ruses, les impostures.

ad Rus., ibid.

Aug., ep. 225, n. ; ep. 226, n. 8.

ep. 225, n. 3.

ep. 226, n. 8.

XXIV. Ils commencèrent par la décrier en bien des manieres différentes. D'abord ils prétendoient que c'étoit une doctrine toute nouvelle, et que jamais personne n'avoit expliqué S. Paul, comme l'expliquoit S. Augustin. Ils disoient vrai en partie; mais aussi ils devoient faire attention que personne jusqu'à Pélage n'aïant osé attaquer les dogmes de la grace et de la prédestination, l'on n'avoit pas été dans la nécessité d'approfondir ce que dit cet Apôtre sur ces grandes vérités. Et quand on demandoit aux Sémipélagiens, en quel sens ils vouloient eux-mêmes qu'on l'expliquât, ils avouoient qu'ils n'en pouvoient trouver qui les satisfit. Ils appuïoient cette prétention de nouveauté sur ce que S. Au

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gustin avoit tenu un autre sentiment dans ses Livres du li-
bre arbitre, sur-tout, quant aux enfans, en qui la prédesti-
nation de Dieu paroit d'une maniere particuliere. Ils alle- n. 3.
guoient divers passages des Ecrits que le S. Docteur avoit
publiés avant la naissance du Pélagianisme; et ils disoient
que c'étoit-là leur croïance, aussi-bien que tout ce que le
Saint s'objectoit dans le Livre de la Correction et de la Gra-
ce. Ainsi ils accusoient la doctrine de S. Augustin et de
nouveauté et de contradiction tout ensemble.

XXV. Ils pousserent encore plus loin leurs calomnies,

et s'efforcerent de la faire passer même pour contraire à la ep. 225, n. 2. doctrine de l'Eglise, et au sentiment des Peres. Pour y réus- n. 3. sir ils disoient qu'enseigner, comme faisoit S. Augustin, que Dieu par une pure miséricorde, et sans aucune vue des mérites, a choisi de tous les hommes ceux qu'il lui plaît de sauver, et qu'il leur a préparé des secours par lesquels ils se sauvent infailliblement, cela introduit le destin par lequel toutes choses arrivent aux hommes, quoi qu'ils fassent. Qu'une ep. 225, n. 3. 6. telle doctrine anéantit la pratique des bonnes œuvres, et fait perdre le soin de s'y exercer. Qu'elle porte les saints ep. 225, n. 3. et les pécheurs à la tiédeur; parce que comptant sur l'élection infaillible de Dieu, ils négligeoient de travailler à leur salut. Qu'ainsi, quand bien même cette doctrine seroit véritable, il ne falloit pas néanmoins la rendre publique; parce

ep. 226, n. 6.

qu 'elle avoit des conséquences dangereuses, et qu'elle rendoit n.6 | ep. 226, n.2. inutiles les exhortations et les corrections.' Ils allerent même Pros. ad Rus., n. 4 jusqu'à dire que S. Augustin détruisoit entierement le libre arbitre. Que sous prétexte d'établir la grace, il introduisoit une fatale nécessité, et qu'il enseignoit qu'il y avoit deux masses et deux différentes natures, afin de le traduire par de tels discours pour enseigner le Paganisme et les erreurs des Manichéens. Nous verrons par la suite de l'Histoire, qu'ils n'en demeurerent pas encore là.

XXVI. ' Cependant, comme ceux qui faisoient courir in Coll., c. 1, n. 1. ces mauvais bruits, étoient recommendables pour leur esprit, leur science, leur pieté extérieure et le rang qu'ils tenoient dans l'Eglise, ils attiroient à eux beaucoup de personnes peu instruites, et troubloient ceux qui avoient peu de discernement. Leurs discours empoisonnés faisoient juger et que la cause de la grace avoit été mal défendue, et que les Pélagiens avoient été condamnés injustement. Ainsi le mal

Till. H.

p. 7. 8. | Pros. vit. 8. 4.

Conc., t.4.p. 1263. • Aug.,ep.225, n.7. Genn., vit. ill., c..

4.

Aug., ep. 226, n.

10.

n. 9.

n. 10 | ep. 225.,n.

1.

Pros. ad Rus., n.4.

Aug., ep.225.,n. 2.

8 | ep. 226, n.2, 8. ep. 226, n. 10.

ep. 225, n. 1.:

n. 9.

pers., c. 1.

qui d'abord n'avoit eu que de faibles commencemens, s'augmentoit de plus en plus, et devenoit tous les jours et plus grand et plus dangereux. Il étoit donc très-important d'en arrêter le cours. Mais il n'appartenoit qu'à la grace de J. C. d'y remédier comme de se choisir et de se former des défenseurs. S. Prosper et Hilaire furent de ce nombre, et les deux qui se signalerent davantage dans un si glorieux combat. 'La Providence avoit appellé le premier d'Aquitaine à Marseille, exprès, comme il semble, pour l'opposer aux ennemis de la grace. C'étoit un homme très-religieux, a à qui Dieu avoit communiqué de grandes lumieres, et qui étoit très-versé dans la Lecture des écrits de S. Augustin. 'Il joignoit à tout cela une force de raisonnement et une éloquence pleine de vigueur. L'autre étoit aparemment de Provence même, et avoit eu le bonheur de se nourrir de la doctrine salutaire de S. Augustin, et de passer quelques années auprés de ce grand homme. Il paroît qu'ils n'étoient que laïcs l'un et l'autre, mais sans sortir du respect qu'ils devoient, selon les regles, aux Puissances Ecclesiastiques, ils entreprirent de défendre la vérité attaquée, avec tout le zéle que Dieu vouloit bien leur inspirer.

XXVII. ' Ils s'appliquerent de concert à reconnoître les erreurs qui troubloient l'Eglise des Gaules, et les artifices de ceux qui soutenoient ces erreurs. Ensuite ils prirent le parti d'en écrire à S. Augustin,' qui jusqu'alors avoit combattu avec tant de zéle pour les interêts de la grace du Sauveur, et triomphé avec tant de gloire de ses ennemis. En lui faisant le détail des points pernicieux de la nouvelle hérésie,

ils le prierent, selon la grace que tout le monde admiroit en lui', et cette vigilance, cette sollicitude industrieuse qu'il avoit pour tous les Fidéles, comme le défenseur par excellence de la Foi de l'Eglise, de les aider de ses lumieres, et præd., c. 1, n. 11 de ses avis, dans la carriere où ils étoient entrés., S. Augustin, sensible à leurs justes prieres, répondit à leurs letres, vers la fin de 429, par deux Livres intitulés, l'un de la Prédestination des Saints, et l'autre du Don de la perseverance, tous deux addressés à Prosper et à Hilaire. Ces deux Ouvrages, quoique remplis de lumiere et de force, ne furent pas néanmoins capables de dissiper les ténebres que les Sémipélagiens répandoient sur la sainte doctrine.

XXVIII. S. Prosper fut donc obligé de prendre lui

même

même la plume, et de défendre la vérité par ses écrits, comme il avoit déja fait par ses discours. Après avoir dévoilé les faux principes de ses ennemis dans sa letre à S. Augustin, il crut devoir découvrir leurs ruses et leurs artifices dans une autre excellente letre qu'il adressa à Rufin son ami. L'on y voit les principaux traits de leur conduite pour réussir à établir leur fausse doctrine sur les ruines de celle de S. Augustin: conduite d'autant plus dangereuse, qu'elle étoit plus cachée. N'aïant garde de se déclarer ouvertement contre le Saint, Pros. ad Rus., n. 5. parce qu'ils sçavoient trop l'estime que l'on faisoit de son mérite, et qu'ils connoissoient trop le courage de ses défenseurs ; ils se contentoient de répandre en secret leurs calomnies. Ils voïoient avec regret de quelle maniere S. Prosper et les autres qui lui étoient unis, réfutoient ce qu'ils semoient dans leurs fréquentes conférences. Ils comprenoient que s'ils avoient la hardiesse de vouloir parler ou devant les Évêques, ou devant les peuples, ils seroient accablés par une foule de passages de S. Augustin même. Que ces passages confondroient leurs calomnies; et que faisant paroître la verité dans toute sa force, ils vaincroient aisément dans l'esprit de ceux qui avoient peu de foi, tout ce que la vanité de leur imagination leur faisoit produire, pour élever leur propre justice contre la grace de Dieu.

un

XXIX. Ce reproche que S. Prosper leur fit de n'oser produire en public leurs fausses accusations, les piqua vive

ment. Quelqu'un d'entr'eux, qui y fut le plus sensible, ep., p.191.192.193. voulut entreprendre d'écrire contre S. Augustin; mais il n'osa

encore le faire que sous un nom emprunté. Sitôt que son

dessein eut transpiré, 'S. Prosper le réfuta par avance en deux p. 191. 195. Epigrammes qui nous ont été conservées. Il y fait voir que p. 191. 192. ce dessein tend à prêter des armes à des ennemis déja vain

cus et terrassés. Que ce nouveau combat ne peut que causer

la ruine de celui qui pense à l'entreprendre. Que pour écri- ep. 2, p. 193. 194. re contre S. Augustin, il faut être disciple ou de Pélage, ou

de Julien d'Eclane. Qu'au reste il peut se montrer hardi- p. 195. 196.
ment sans se cacher, et s'entortiller davantage sous ses ruses
artificieuses et trompeuses; parce qu'il lui sera impossible
d'éviter ce vénerable vieillard, qui avoit déja marché
sur les aspics et sur les basilics, après leur avoir écrasé la
tête.

XXX. Ce n'étoit pas encore assez pour le zéle qu'a-
Tome 11.

C

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