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doine Evêque de Clermont, quoique grand ami de Fauste, et l'admirateur de sa maniere d'écrire; l'Abbé Pomére, et plusieurs autres que nous pourrions encore nommer, si cela n'étoit trop ennuïeux. Non-seulement ce qui nous reste de leurs Ecrits, n'est point infecté des erreurs du Sémipélagianisme; mais il s'y trouve même plusieurs endroits, qui contiennent une doctrine toute opposée. De même, quoique tout le monde ne goûtât pas les grandes verités de la doctrine de S. Augustin sur la grace et la prédestination, les Ecrits de ce Pere ne laissoient pas d'avoir un très-grand nombre de personnes qui les lisoient. Nous avons même des preuves Sid. S., 1.2, ep. dans S. Sidoine, qu'ils étoient entre les mains des femmes p. 894. comme entre celles des Sçavans.

XXXIX. Dans tout ce que nous venons de dire sur le Sémipélagianisme, nous n'avons pas fait difficulté de le qualifier une héresie, en parlant de ses commencemens comme de ses progrès. Ce ne fut toutefois qu'après le second Concile d'Orange en 529, qu'il mérita proprement cette qualification. De sorte qu'avant ce temps-là on pouvoit parler et écrire en Sémipélagien, sans être formellement hérétique. Mais il est néanmoins vrai de dire, qu'il y avoit autant de danger que de témérité de contredire et de combattre, comme faisoient les partisans de cette hérésie, une doctrine qu'on ne pou- Pros. ad Rus. n. voit pas ignorer être celle de toute l'Eglise. Une des plus funestes suites du Sémipélagianisme fut le Prédestinatianisme, si fameux dans les Ecrits qui nous restent des Sémipélagiens. On sait assez, sans qu'il soit besoin d'en parler, combien Fauste de Riès en particulier sut le faire valoir contre ceux qui ne pensoient pas comme lui.

4.

XL. Autant que le Sémipélagianisme servit à soûtenir les letres dans nos Gaules, en y exerçant les esprits et les plumes; autant et même encore plus de préjudice leur porta l'irruption qu'y firent en ce siecle plusieurs Nations barbares, dont quelques-unes y fixerent leur demeure. On y vit en Till. Emp., t. 5, même tems les Quades, les Vandales, les Sarmates, les 0.545. 547. 549. Alains, les Gépides, les Erules, les Saxons, les Bourguignons, les Suéves, les Huns, et d'autres après ceux-là. D'un autre côté les Germains étendirent leurs limites dans les païs de Spire, de Wormes et de Maïence. Ils s'emparerent de Strasbourg, de Terouane, de Tournai, d'Arras, de Reims.

et d'Amiens. Ces ravages commencerent dans nos Gaules Pros. chr., p. 739 |

Jorn., c. 31, p. 411.

1.

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dès le dernier jour de l'an 406, les Alains et les Vandales s'y étant jettés ce jour-là, après avoir passé le Rhein. 'On voit par le Poëme sur la Providence parmi les Œuvres de S. Prosper, par la letre de S. Jerôme à Averuchie, par Salvien et divers autres Ecrivains du temps, en quel déplorable état ces Barbares et les autres qui les suivirent de près, réduisirent toutes les Gaules. Les principales villes y Ꭹ furent ruinées, les campagnes ravagées, les peuples partie égorgés, partie emmenés captifs.

XLI. 'Il est vrai qu'en 409 le passage des Pyrenées étant ouvert, presque tous les Barbares qui inondoient les Gaules, se déborderent dans l'Espagne. Mais ce ne fut que pour ceder leur place au Gots, qui aïant quitté l'Italie sous la conduite de leur Roi Ataulphe, vinrent en 412 ravager les Gaules à leur tour. a Ils en sortirent pourtant en 414 ou 415, pour passer, comme les autres Barbares, dans l'Espagne, d'où ils retournerent de nouveau dans les Gaules dès l'année 418 ou 419. Alors Constance, qui étoit Général de l'Empereur Honorius, et qui fut depuis Auguste lui-même, leur céda le païs depuis Toulouse jusqu'à l'Océan. Ce fut ainsi que les Gots, qui à une barbarie extrême joignoient l'impiété Arienne, s'établirent dans nos Gaules. Toulouse fut leur Capitale durant 88 ans que dura leur Empire, qu'ils étendirent le plus qu'il leur fut possible, et jusques dans l'Auvergne d'un côté, et de l'autre jusques dans le fond de la Provence. Cette résidence des Gots dans nos Gaules servit beaucoup à adoucir leur naturel sauvage et barbare. ' On croit sur un endroit de S. Sidoine, que Theodoric leur Roi étudia le Droit et les belles letres à Toulouse, et que ce fut sous ce même Roi, ou sous Euric son successeur, que les Gots commencerent à rédiger par écrit les loix de leur gouvernement. Enfin après que Dieu s'en fut servi pour humilier les Gaulois, et punir leurs péchés, il les fit chasser des Gaules par les François, qui s'y étoient aussi établis, comme nous allons dire.

XLII. Nous ne touchons ces tristes évenemens qu'autant qu'il est nécessaire pour montrer le rapport qu'ils ont au sujet que nous traitons. On verra par la suite qu'ils furent l'origine fatale de la décadence des letres dans les Gaules, comme la source de la ruine entiere de l'Empire en Occident. Et déjà l'on comprend sans peine qu'il étoit impossi

ble

ble que les Letres, dont la conservation et le progrès sont
étroitement liés avec la paix, la tranquillité et le calme, se
soutinssent avec quelque honneur au milieu de tant d'agita-
tions, de troubles, de ravages, de cruautés. Quel moïen que
la politesse de nos Gaulois, et la langue Latine qu'ils par-
loient encore assez purement, pussent tenir contre des mœurs
et un jargon aussi barbares que l'étoient les noms des peu-
ples étrangers qui les dominoient? Les vaincus en subissant
le joug des victorieux, ne peuvent se dispenser de se faire à
leurs maximes, et de suivre leurs coutumes. Ce fut par ce
moïen que nos Gaules changerent entierement de face sous
la domination de tant de nations étrangeres, qui n'aïant de
passion que pour la chasse et la guerre, ne pouvoient avoir
que du mépris pour les Sciences et les beaux Arts, dont nos
Gaulois faisoient profession.

XLIII. On peut juger du dommage que les Letres re-
curent dans les Gaules de l'irruption de ces barbares, par

celui qu'elle y causa à l'Eglise. Euric un des Rois des Vi- Sid. S., 1.7, ep. 6,
sigots, qui suivant les traces de ses prédécesseurs, travail- P. 1023. 1024.
loit à y étendre sa domination, n'en vouloit pas moins au
Christianisme qu'aux Villes qui tenoient encore pour les
Romains. Le nom de catholicíté lui étoit si odieux, qu'il se-
roit difficile de dire laquelle des deux passions étoit la plus
grande en lui, ou celle de régner, ou celle de soutenir son
hérésie, qui étoit l'Arianisme. Il avoit fait égorger les p. 1024. 1023.
Evêques d'Auch, de Basas, d'Eause, de Cominge, de Gabales
aujourd'hui Mande, de Bourdeaux, de Rhodès, de Péri-
gueux, de Limoges, et ne souffroit point qu'on leur donnât
de successeurs, non plus qu'à ceux que l'on avoit envoïés en p. 1026.
exil. De sorte que la foi périssoit avec les Evêques, qui p. 1025.
l'annonçoient au peuple, et qui la défendoient contre ses en-
nemis. La discipline de l'Eglise ne tomboit pas seulement;
'mais le souvenir même s'en perdoit. Par ce défaut de suc- p. 1026.
cession des évêques, lorsqu'il en mouroit quelqu'un, c'étoit
moins un Evêque qui mouroit pour cette Eglise, que le Sa-
cerdoce même. Enfin il semble que l'on n'avoit point d'au-
tre but que de détruire la Religion Catholique, et en la
détruisant, d'anéantir les Sciences ecclésiastiques et profanes.
Car encore alors, et cela dura jusqu'à l'etablissement des Mo-
nasteres, des Colleges et des Universités, on n'enseignoit
les Sciences ecclésiastiques que dans les Seminaires sous les
Tome II.

D

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1. 9, ep. 14, p. 1115.

616.

p. 216.

a Sid. Car. 12, v. 3. 19.

yeux des Evêques, qui le plus souvent prenoient eux-mêmes
ce soin. Pour les Sciences humaines, on les étudioit dans des
Ecoles publiques; mais quelle apparence y avoit-il d'en ou-
vrir sous une domination qui ne les pouvoit goûter? Elle ne
permettoit pas même, cette domination, que l'on sortit des
Gaules pour aller ailleurs fréquenter les Ecoles célebres.
'On en trouve un exemple en la personne de Bourguignon,
jeune homme de mérite, fort désireux de s'avancer dans les
Sciences. Mais comme il demeuroit en Auvergne, dont
les Visigots se rendirent maîtres vers 475, les conditions
de la paix avec ces barbares l'empêchoient d'aller étudier à
Rome, comme il le souhaitoit.

XLIV. Cinq ou six ans avant que les Gots eussent fixé Till. Emp., t. 5, p. leur demeure dans les Gaules, les Bourguignons, qui y avoient déja fait une irruption, passerent le Rhein en plus grand nombre qu'auparavant, et s'y vinrent aussi établir en 413. C'est à cette année que l'on rapporte le commencement de leur empire dans les Gaules sous leur Roi Gondicaire. Outre le païs auquel ils ont donné leur nom, ils en possederent encore beaucoup d'autres dans ce que nous appellons aujourd'hui le Dauphiné et la Savoïe. Ils furent assez longChor., 1. 4, 214, temps maîtres de Lyon et de Vienne, dont ils firent la capitale de leurs Etats. S. Sidoine fait une description de leur extérieur et de leurs mœurs, laquelle n'est pas fort avantageuse. Till. ibid., p.617. b Dès l'an 417 ils embrasserent la Foi Catholique; mais dans la suite après 440, ils eurent le malheur de se laisser infecter de l'hérésie Arienne, peut-être par le commerce qu'ils eurent avec les Gots. C'est à cause de cette hérésie que ces deux nations professoient dans nos Gaules, que la plupart des Homélies imprimées sous le nom d'Eusebe d'Emese, mais qui sont des Evêques Gaulois de ce siecle, contiennent plusieurs traits contre les Ariens et les Photiniens. Au reste les Bourguignons étoient presque tous artisans, et fort satisfaits de gafbid, | Emis. hom. gner leur vie par leur travail. Ils aimoient naturellement la paix, et traitoient les Gaulois de leurs Etats avec douceur, sans leur faire de tort; non comme des peuples conquis, mais comme leurs freres en J. C. Ainsi à leur langage près, qui étoit un dialecte du Germain, ils ne pouvoient guéres nuire à la profession que faisoient nos Gaulois des Sciences et des beaux Arts. Ils souffroient même des Ecoles publiques à Lyon et à Vienne, comme nous dirons dans la suite,

24, p. 282. 1. 2.

Sid. ibid.

639.

XLV. Pour ce qui est des François ou Francs, la nation la plus belliqueuse de celles qui vinrent fondre sur les Gaules, 'ils avoient déja tenté souvent d'y pénétrer. Mais ce ne fut Till. ibid., p. 638. que vers 428 qu'ils commencerent enfin à s'y établir, sur les confins du Diocèse de Tongres près de Bruxelles, sous la conduite de Clodion leur Roi. Plus heureux que tous les autres peuples étrangers, qui s'y étoient jettés avant eux, ils subjuguerent non-seulement une partie des Gaules, comme avoient fait les Gots, mais ils se rendirent encore maîtres de tout le païs, et en chasserent tous les Barbares qui y avoient choisi des retraites, hors les Bourguignons qui rechercherent leur amitié. Puis s'y étant affermis et rendus puissans, ils se mêlerent et incorporerent de telle sorte avec les Gaulois, qu'ils ne firent plus qu'une seule et même nation: avec cet avantage glorieux pour les François, que la nation ainsi composée prit leur nom dans la suite, comme fit aussi la Monarchie qu'ils établirent, et qui subsiste encore aujourd'hui avec autant de réputation et de gloire que jamais. 'Il arriva de l'u- Bail, jug. prej., c. nion de ces deux peuples ce que l'on voit arriver du mê- 316 Fleur. mo. lange de deux differentes couleurs, qui s'alliant ensem- chr., n. 58, p.357 ble, perdent chacune de sa force, et forment une troisiéme couleur qui efface les deux autres. De même ces deux peuples s'étant étroitement alliés l'un avec l'autre, s'entre-communiquerent leurs bonnes et leurs mauvaises qualités. Les François s'adoucirent par le commerce et les habitudes des Gaulois, mais les Gaulois devinrent plus ignorans et plus grossiers; et des uns et des autres il se forma une nation comme toute nouvelle, qui n'étoit ni grossiere, ni barbare comme l'avoient été les Francs, mais qui n'étoit non plus ni polie, ni instruite dans les Letres, comme l'avoient été les Gaulois.

7, 2. 9, p. 315.

XLVI. Il y auroit beaucoup de choses à dire sur le génie de ces premiers François; mais il sufft pour notre dessein de remarquer ici, 'qu'ils vivoient entr'eux avec beau- Till. Emp., t. 3, coup d'union, de fidélité et de justice, et qu'ils étoient bons P. 397. et civils envers les étrangers. C'est le témoignage que leur rend Agathias, qui vivoit peu de temps après Procope, qui n'en parle pas si avantageusement. 'D'ailleurs, quoique le p. 440. corps de la nation ait persisté dans le Paganisme jusqu'à la conversion de Clovis, plusieurs d'entr'eux dès long-temps auparavant avoient déja embrassé la Religion Chrétienne, qui sert plus

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