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neuf ans. Au bout de ce temps-là, comme il fe fentoit tous les jours moins de difpofition à l'Etat Eccléfiaftique, il quitta le Bénéfice, qui étoit un Prieuré fimple ; & pouffant le fcrupule du défintéreffement au point de ne pas même vouloir s'en faire un ami dans le monde, il le remit entre les mains du Collateur,qui étoit un faint Prélat: il fit plus, il fupputa à quoi fe montoit tout ce qu'il en avoit reçû, & l'emploia en différentes œuvres de piété, dont la principale fut le foulagement des pauvres du Lieu. Le récit d'une action fi édifiante tiendroit bien fa place dans la vie d'un Solitaire, ou d'un illuftre Pénitent.

A l'égard de fon refpect pour la Religion, ce qui n'eft pas à oublier dans l'éloge d'un Poëte, M. Defpreaux ne s'eft pas contenté de le

marquer d'une maniére éclatante dans fon Epître fur l'Amour de Dieu ; il a porté ce respect jufques dans fes Satires, faififfant toûjours avidement l'occafion d'attaquer le badinage des impies, les jeux de l'athéïsme & le langage des libertins,lors même qu'il fembloit n'avoir à faire qu'à fes ennemis ordinaires, c'est-à-dire au galimathias, à l'enflûre, ou à la baffeffe du style poëtique.

Les qualitez particuliéres du cœur & de l'efprit, qui rendent un homme fouhaitable dans la fociété, achevoient de former le caractére de M. Defpreaux. Il employoit plus volontiers pour autrui que pour lui-même, le crédit que fon mérite lui avoit acquis. Il ne pardonnoit pas feulement les injures qu'il avoit reçûës, il se réconcilioit encore de bonne grace, pour peu qu'on le recherchât, com

me on fçait qu'il a fait avec M. Perrault, après toute la vivacité de leur difpute fur la Préférence des Anciens des Modernes.

Sans l'avoir vû, on devenoit fon ami par l'eftime publique, ou par de bons Ouvrages, & il y avoit même autant de fonds à faire fur cette amitié, , que fur celle que d'autres liaifons pouvoient avoir formée ; il en faut rapporter un exemple fingulier.

Le célebre M. Patru se trouvoit, à la honte de fon fiécle, réduit à vendre fes Livres, la plus agréable, & prefque la feule chose qui lui restoit. M. Defpreaux apprit qu'il étoit fur le point de les donner pour une fomme affez modique, & il alla auffi-tôt lui offrir près d'un tiers davantage; mais l'argent compté, il mit dans fon marché une nouvelle condition qui

étonna fort M. Patru, ce fut qu'il garderoit fes livres comme auparavant, & que fa bibliothéque ne seroit qu'en furvivance à M.Defpreaux. Il ne fut pas moins généreux envers M. Caffandre, auteur d'une excellente Traduction de la Rhétorique d'Ariftote, & fa bourse fut encore ouverte à beaucoup d'autres ; car la vûë d'un homme de Lettres qui étoit dans le befoin, lui faifoit tant de peine, qu'il ne pouvoit s'empêcher de prêter de l'argent, même à Liniére, qui fouvent alloit du même pas au premier endroit du voifinage faire une chanfon contre fon créancier.

Nous ne finirions pas, fi nous voulions ainfi nous arrêter fur tout ce qui marquoit dans M. Defpreaux T'homme de bien inféparable de T'homme d'efprit, & le fage toûjours uni avec le Poëte. Un mérite tranf

cendant l'avoit fait joüir de bonne heure de toute fa réputation ; & il n'y a plus que l'impoffibilité de le remplacer,qui puiffe ajouter de nouveaux traits à fon éloge.

CATALOGUE DES OUVRAGES imprimez de M. BOILEAU DESPREAUX.

1. Difcours au Roi. Douze Satyres. Douze Epitres. L'Art Poëtique en quatre Chants. Le Lutrin, Poëme heroï-comique en fix Chants. Odes, Epigrammes & autres Poefies, avec un Difcours fur l'Ode.

2. Traité du Sublime, traduit du grec de Longin, avec le texte grec & des notes. Paris, 1694. in-12.

La même Traduction a été réimpri mée dans le recueil de fes Ouvrages, augmentée de douze Réflexions critiques,

3. Les

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