ou des talens diftinguez; & plus occupé de leur fortune que de la fienne propre, fa maifon ne défempliffoit point de gens qui lui faifoient la Cour. Après la mort de M. Colbert tout changea de face pour M. Perrault; quelque ufage qu'il eût fait de fa faveur, elle lui fufcita des envieux. Ceux même à qui il avoit été utile, devinrent fes pérfécuteurs, & il fut prefque réduit à compter encore pour fes amis ceux qui ne faifoient que le négliger. Vingt années de folitude terminérent ainfi la vie d'un homme qu'on auroit pû appeller malheureux, fi au milieu des plus grands emplois, il n'avoit toujours regretté les douceurs d'une vie tranquille.

M. l'Abbé Tallemant ne crut pas avoir affez fait en résistant avec éclat au torrent de l'ingratitude. La mort

de M. Perrault ranime le tendre fou venir des bons offices qu'il en a reçus, & fon éloquence les couronne dès que fon amitié n'a plus d'autre moyen de les reconnoître.

Quand on devient fi vif pour des amis formez par le commerce du monde, que ne doit-on pas être naturellement pour fa famille ? Celle de M. l'Abbé Tallemant étoit originaire de la Rochelle, où elle avoit fuccé les erreurs de Calvin. M.Tallemant le Pere & un de fes freres étoient presque les feuls qui en euffent fait abjuration; & le refte y feroit peut-être encore attaché, fi après d'exactes & de fréquentes difcuffions, M. l'Abbé Tallemant n'avoit enfin eû le bonheur d'en arracher la plus grande partie aux préjugez de leur naiffance. Dans cette vûe, it avoit étudié à fonds les matiéres de

Controverfe; & pour rendre les fruits de cette étude d'une utilité plus générale, il en compofa enfuite quantité de Sermons qu'il a prêchez il y a trente ou trente-cinq ans aux Carmelites du Boulloy & aux Nouvelles Catholiques, où il avoit fouvent l'honneur de parler devant la Reine.

A ces qualitez effentielles, il joignoit toutes celles qui rendent un homme aimable dans la fociété. Sa feule préfence infpiroit une certaine gayeté, dont il n'étoit guéres poffible de fe défendre. Son efprit dégagé de tout ce qui s'appelle embarras. d'affaires, fembloit en un moment affocier l'efprit des autres à la même liberté & à la même indépendance. Il brilloit fur-tout dans les parties d'un honnête plaisir, par d'heureufes faillies & par des Impromptu, dont

la force & les agrémens ont quelquefois fait des ouvrages durables; & ce qu'il y a de plus merveilleux encore, c'eft que cette fécondité & cet enjoüement l'ont fuivi jufques dans un âge très-avancé.

Sa mort, qui arriva le 30 Juillet dernier, a été la fuite d'une attaque d'apoplexie, contre laquelle fon bon tempérament avoit lutté environ dixhuit mois. Il venoit d'entrer dans fa foixante-onzième année, & de fon propre aveu, il en avoit passé plus de cinquante fans avoir reffenti la moindre incommodité, & fans avoir pris, même par précaution, le plus fimple reméde. C'est avoir vêcu un fiécle, s'il eft vrai, que la Vie confifte moins à vivre long-tems qu'à fe

CATALOGUE DES OUVRAGES de M. l'Abbé TALLEMANT. 1. Le Voyage de l'Ile d'Amour ; en profe en vers. Paris, 1663. in-12. Il a été réimprimé dans le Recueil de quelques Piéces nouvelles & galantes, Cologne, 1667. in-12.

2. Difcours prononcé en 1666. lorfqu'il fut reçu à l'Académie Françoife. Dans les Recueils de la même Académie.

3. Eloge funébre de Pierre Séguier Chancelier de France, prononcé dans l'Académie Françoife. Paris, 1672. in-4. & réimprimé dans les Recueils de la même Académie.

4. Panégyrique du Roi, prononcé le 25. Août 1673. Ibid.

5. Harangue au Roi à fon retour de la prife de Maftric, prononcée le 30. Octobre 1673. Ibid.

6. Compliment à M. de Harlay Archevê