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IV.

Faccompliffement de fes deffeins éternels. CHAP Et comme nous devons les adorer lorfqu'ils nous font manifeftés par l'évenement, nous les devons auffi adorer par avance lorfqu'ils font encore cachés par les fecrets de la providence.

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&

Il eft vrai qu'entre ces évenemens, il y en a qui font des effets de mifericorde d'autres qui font des effets de juftice. Mais comme la juftice & la mifericorde de Dieu font également adorables, nous devons une égale foumiffion aux uns & aux autres, avec cette difference néanmoins, que la foumiffion que l'on doit aux effets de mifericorde, doit être ordinairement accompagnée de joye & d'actions de graces, & que celle que Ton rend aux effets de juftice, doit être accompagnée d'humiliation & de terreur.

Mais ce qui doit & moderer notre joye & temperer notre terreur, c'est qu'il eft fouvent impoffible de diftinguer ce qui eft effet de mifericorde ou de juftice dans les évenemens humains, parceque notre efpri eft trop étroit pour pouvoir comprendre cet enchaînement infini de caufes liées les unes aux autres, qui fait que les plus grans maux font quelquefois attachés à ce qui paroifloit un grand bien, & les plus grans biens à ce qui paroiffoit un plus grand mal. Ainfi après avoir fait tout ce qui étoit en porre pouvoir fuivant les regles de la pru dence ordinaire, non feulement la foi, mais la raifon même nous oblige d'être comme indifferens à l'égard des évenemens,

par

eft trop courte & trop bornée pour en pou voir fainement juger.

CHAPITRE

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V.

Qu'il faut pratiquer la foumiffion à la volonté de Dieu à l'égard des petits évenemens. Des défauts corporels. Des fuites de nos peches. Exemples d'Adam.

P Our s'accoutumer à fe foumettre à la volonté de Dieu dans les grans évenemens capables d'ébranler & d'abattre l'ame, il faut s'accoutumer à l'honorer dans les plus petites citconftances de notre vie, parcequ'elle les regles toutes auffi - bien que les plus grandes. En regardant ainfi les plus petits evenemens comme des effets de la volonté fouveraine de Dieu, l'on exerce même la foi davantage, parceque les hommes ont plus de peine à attribuer à Dieu les rencontres ordinaires & petites, que les plus grandes. Un homme bien penetré de cette penfee, ne dira donc jamais qu'une rencontre eft fàcheufe, puifque la regardant comme ordonnée de Dieu, il ne lui eft pas permis de s'en facher. Il ne fe plaindra point d'un rendez-vous qui manque, ni d'une vifite importune, ni de la longueur d'un valet à qui il aura donné quelque commiflion, ni de ce que l'on le fait trop attendre, ni du refus qu'on lui fait d'une grace, ni d'une petite perte, ni des faifons, ni d'un mauvais tems, ni generalement des toutes les rencontres ordinaires

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de la vie qui portent les homines à l'impa- CHAP. tience.

Chacun doit accepter avec cette même difpofition tous les défauts corporels, comme la furdité, la foibleffe de la vûe, & géneralement tout ce qui le peur rendre méprifable aux hommes, comme le manque de mémoire, d'adrefle, d'intelligence, la naiffance baffe, le défaut de bien, fans jamais fe plaindre de toutes ces chofes, tant parceque c'eft Dicu qui en eft la cause, que parceque nons ne favons pas fi elles ne nous font point plus avantageufes que celles qui nous plairoient davantage, & qu'en les fouffrant de cette maniere, elles le deviendront en effet. Il en eft de même des maladies, des calomnies, des mauvais traitemens, du peu d'état que l'on fait de nous, des averfions, des préventions qu'on peut avoir contre nous. Puifque Dieu fait ou permet tout cela, nous le devons regarder avec tranquilité & avec paix, en nous tenant dans fon ordre, & en adorant fes jugemens. Et la volonté de Dieu qui regle toutes ces chofes, doit avoir plus de force fur notre cfprit pour nous les faire accepter, & pour nous les rendre aimables, que ce qu'elles ont de fâcheux pour nous les faire rejetter, & pour nous porter à l'impatien ce & au murmure.

Il y a des accidens qui font des fuites de nos propres fautes: & fi ces fuites font favorables, elles nous donnent un fujer particulier de louer la mifericorde & la bonté de Dieu, qui a fu tirer le bien du mal

V.

V.

CHAP. ne méritoit que fes chatimens & la fouftraetion de fes graces. Mais fi ces fuites font facheufes & dures: comme fi nos fautes ont attiré de grans maux fpirituels ou temporels; fi nos déreglemens ont caufe un grand nombre de pechés; fi ces fuites fubfiftent & fe perpetuent, il ne faut pas que nous les regardions fans douleur. Ĉar la volonté de Dieu confiderée comme juftice, nous ordonne d'en gémii, de nous en humilier, d'en faire penitence, & de tacher de détourner ces fuites tuneftes par nos actions & par nos prieres. Mais elle nous ordonne en même tems de rentrer dans la paix, & d'éviter le trouble & l'inquietude, & de nous en confoler dans la vue de la volonté qui les a permifes, & qui ne laiffera pas d'en tirer la gloite.

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Nous en avons le plus grand exemple qu'on fe puifle imaginer en la perfonne d'Adam & d'Eve; car aucun fans doute n'a vu de fi funeftes fuites de fes pechés, que celles qu'ils ont vu de leur delobeilfance, puifque tous les maux qui font ar rivés a tous les hommes enfemble, tous les pechés qui fe font commis dans le monde, & la danimation de ce nombre innombra ble de réprouvés font des fuites de leur crime. Cependant la volonté de Dieu n'a pas laiffe de les en confoler, & fi elle ne leur en a pas ôté la douleur lorfqu'ils étoient dans le monde, parcequ'il étoit jufte qu'ils en fillent penitence, elle l'a entierement appaite dans l'autre, puifque malgré ces effroyables fuites qui fubfifteront éternellement, Adam & Eve ne lailleront pas de

jour

V.

jouir dans toute l'éternité, de la paix & de CHAP. la confolation des juftes. C'est la plus grande preuve qu'on puifle avoir de ce que peut la vue de la volonté de Dieu, pour appaifer les troubles qui devroient haitre naturellement des fuites de nos pechés ; & après celui-là, quelques mauvais effets que nos actions puiffent avoir eus, quelques renverfemens dont elles ayent été cause perfonne n'a fujer de perdre l'efperance, ni de s'abandonner au trouble par une efpece de defefpoir.

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Non feulement ce regard de la volonté de Dicu nous fait fouffrir en paix les fuites de nos pechés, mais il nous fait auffi porter en patience nos défauts & nos imperfections, auffi-bien que les imperfections & les défauts des autres. Ainfi il allie encore deuz mouvemens qui paroiffent oppofés à la fois, & le zele de la juftice, qui nous fait hair nos fautes & la patience qui nous les fait fouffrir, parce qu'il voit que Dieu lui preferit l'un & l'autre. L'ame foumise à Dieu lui dit bien dans le reffentiment qu'elle a de fes miferes: Julques à quand, Seigneur, me laillerez- vous dans cet état? SED, tu Domine ufquequo? Mais cependant elle ne laiffe pas d'y être en paix, elle ne met point d'autres bornes à la patience que celle de fa vie, & elle refout en même tems de combattre fans ceffe fes imperfections, & de fouffrir néanmoins foimême fans s'abandonner jamais au découragement, en fe contentant de la mesure de la grace qu'il plaira a Dieu de lui faire. Et c'eft ce qu'elle apprend de cet avertiffement

Pf.6.4.

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