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VI.

s'ils avoient une infinité de tems à perdre, CHAR il ne leur fuffit pas de s'informer de ce que les chofes font en effer; mais ils tiennent auffi regitre de toutes les fantaifies que les autres ont cues fur ces mêmes chofes, ou plutôt ne pouvant réuffir à trouver la verité, ils le contentent de favoir les opinions de ceux qui l'ont cherchée, & ils fe croient, par exemple, grans Philofophes ou grans Medecins, parcequ'ils favent les fentimens de divers Philofophes, ou de divers Medecius fur chaque matiere. Mais comme on n'en eft pas plus riche pour favoir toutes les vifions de ceux qui ont cherché l'art de faire de l'or; de même on n'en est pas plus favant pour avoir dans fa memoire toutes les imaginations de ceux qui ont cherché la verité fans la trouver.

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Qu'on eft auffi heureux d'ignorer que de favoir la plupart des chofes. Incertitude de la plupart des Sciences. L'homme ne connoît pas meme fon ignorance.

IL n'y a que la fcience des chofes, c'està-dire, celle qui a pour but de fatisfaire notre efprit par la connoillance du vrai, qui puille avoir quelque folidité. Mais quand les hommes y auroient fait de grans progrès, ils ne s'en devroient gueres plus eftimer, puifque ces connoiffances fteriles font fi peu capables de leur apporter quel

CHAP. qu'on eft tout aufli heureux en y renonçant VII. d'abord, qu'en les portant par de longs travaux au plus haut point où l'on puille les porter. Qu'un grand Mathematicien fe travaille tant qu'il voudra l'efprit pour découvrir de nouveaux aftres dans le ciel, ou pour marquer le chemin des cometes, il n'y a qu'a confiderer combien ailement on fe pafle de ces connoiffances pour nė lui point porter d'envie, & pour être tout aufli heureux que lui. Aufli fe plaifir que l'on prend dans ces fortes de connoillances ne confifte pas dans la poffeffion même, mais dans l'acquifition. Si-tôt que l'on y eft arrivé, on n'y penfe plus. L'efprit ne fe divertit que par la recherche même, patcequ'il s'y nourrit de la vaine efperance d'un bien imaginaire qu'il le propofe dans la découverte. Si-tôt qu'il n'eft plus foutenu & animé par cette efperance, il faut qu'il cherche une autre occupation pour éviter la langueur.

Mais il ne fuffit pas que l'homme s'humilie par l'inutilité de ces sciences, il faut qu'il reconnoille de plus que ce qu'il en peut acquerir n'elt prefque rien, & que la plus grande partie de la Philofophie humaine n'eft qutu amas d'obfcurités & d'incertitu des, ou même de faufferés. Il n'en faut point d'autres preuves que ce que nous avons vu arriver de notre tems. On avoit philofophe trois mille ans durant fur divers principes & il s'éleve dans un coin de la terre un M. Def- homme qui change toute la face de la Philofophie, & qui prétend faire voir que tous ceux qui font venus avant lui, n'ont

cartes.

VIL

rien entendu dans les principes de la natu- CHAP. re. Et ce ne font pas feulement de vaines promeffes; car il faut avouer que ce nouveau venu donne plus de lumiere fur la connoillance des chofes naturelles › que tous les autres enfemble n'en avoient donné. Cependant, quelque bonheur qu'il ait eu à faire voir le peu de folidité des principes de la Philofophie commune, il laiffe encore dans les fiens beaucoup d'obfcurités impenetrables à l'efprit humain. Ce qu'il nous dit, par exemple, de l'efpace & de la nature de la matiere, eft fujet à d'étranges difficultés, & j'ai bien peur qu'il n'y ait plus de paffion que de lumiere dans ceux qui paroillent n'en être pas effrayés. Quel plus grand exemple peut-on avoir de la foibleffe de l'efprit humain, que de voir que pendant trois mille ans ceux d'entre les hommes qui femblent avoir eu le plus de penetration, fe foient occupés à raifonner fur la nature, & qu'après tant de travaux, & malgré ce nombre innombrable d'écrits qu'ils ont faits fur cette matiere, il fe trouve qu'on en eft à recommencer, & que le plus grand fruit qu'on puifle tirer de leurs ouvrages, eft d'y apprendre que la Philofophie et un vain amufement, & que ce que les hommes en favent n'eft pref que rien? Ce qui eft étrange eft que l'homme ne connoit pas même fon ignorance, & que cette fcience eft la plus rare de

toutes.

Et c'eft pourquoi quand le commun du monde voit ces grandes Bibliotheques, que l'on peut appeler, à quelque chofe piès,

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VII. d'abord, qu'en les portant par
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divertit que par la recherche même
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Couverte. Si-tôt qu'il n'eft plus fou
animé par cette efperance, il fa
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langueur.

cartes.

Mais il ne fuffit pas que l'homme milie par l'inutilité de ces fciences, qu'il reconnoille de plus que ce qu'il en acquerir n'eit presque rien, & que la grande partie de la Philofophie hun n'eft qu'un amas d'obícurités & d'incer des, ou meme de faulferés. Il n'en faut p d'autres preuves que ce que nous avons arriver de notre tems. On avoit philofop trois mille ans durant fur divers principe & il s'éleve dans un coin de la terre t

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