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neurs du rang, & mille autres chofes auffi CHAP.
vaines les emportent & les renverfent, par- X L.
ce que leur ame n'a point de force, de foli-
dité, ni de fermeté.

Que diroit-on d'un foldat qui étant averti
que dans un fpectacle où l'on représenteroit
un combat, les canons & les moufquets ne
font point chargés à balle, ne laifferoit pas
de bailler la tête & de s'enfuir au premier
coup de moufquct? Ne diroit-on pas que fa
lacheté approcheroit de la folic? Et n'eft-ce
pas cependant ce que nous faifons tous les
jours? On nous avertit que les difcours & les
jugemens des hommes font incapables de
nous nuire, comme ils ne nous peuvent fer-
vir de rien, qu'ils ne peuvent nous ravir au-
cun de nos biens,ni foulager aucun de nos
maux. Et néanmoins ces difcours & ces ju
gemens ne laiffent pas de nous renverler, &
de faire fortir notre ame de fon afficte. Une
grimace, une parole de chagrin, nous met
tent en colere, & nous nous préparons à les
repoufler comme fi c'étoit quelque chofe de
bien redoutable. Il faut nous flatter & nous
careffer comine des enfans, pour nous te-
nir en bonne humeur, autrement nous jet-
tons des cris à notre mode, comme les en-
fans à la leur.

Il eft certain, que l'impatience que les hommes témoignent dans toutes ces occafions, vient de quelque paffion quiles poffede. Mais les paffions mêmes viennent de foiblefle & du peu d'attache que leur ame a aux biens veritables & folides. Et pour le comprendre, il faut confiderer, que comme se n'eft pas une foiblefle à notre corps d'a

d

CHAP. voir befoin de la terre pour le foutenir, parXI. ce que c'eft la condition naturelle de tous les corps; mais que l'on ne dit, qu'il eft foible, que lorfu'il a befoin d'appuis étrangers qu'il le faut porter, ou qu'il lui faut un baton, & que le moindre vent eft capable de le renveifer; de même ce n'eft pas une foiblefle à l'ame d'avoir befoin de s'appuver fur quelque chofe de veritable & de folide, & de ne pouvoir pas fubfifter comine fufpendue e T'air fans être attachée à aucun objet : ou fi c'eft une foibleffe, elle eft effencielle à la créature, qui ne fuffifant pas à elle-même, a befoin de chercher ailleurs le foutien qu'elle ne trouve pas en foi.

4.

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Mais la foibleffe veritable de l'ame confifte en ce qu'elle s'appuye fur le néant,comme dit l'Ecriture & non fur des choles Ifai. 19. réclles & folides; ou que fi elle s'appuye fur la verité, cette verité ne lui fuffit pas, & n'empêche pas qu'elle n'ait encore befoin de mille autres foutiens, par la fouftraction defquels elle tombe incontinent dans l'abbattement. Elle confifte, en ce que le moindre fouffle eft capable de la faire fortir de l'état de fon repos, que les moindres bagatelles l'ébranlent, l'agirent, la tourmentent, & qu'elle ne peut refifter a l'impreffion de mille chofes, dont elle reconnoit elle-même la fauffeté & le néant.

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CHAPITRE XII

Confideration particuliere fur la vanité des appuis que l'ame fe fait pour se foutenir.

E que nous venons de dire eft une ima

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Cercourue de la foibleffe de l'homme: & il eft bon de la confiderer plus en détail pour en remarquer les differens traits. Quique l'homme ne puifle trouver en cette vie de veritable repos; il eft certain qu'il n'eft pas auffi toujours dans l'abattement & dans le defetpoir. Son ame prend par neceffité une certaine confiftance, parce qu'il eft fi foible, & fi inconftant, qu'il ne peut pas même demeurer dans une agitation continuelle. Les plus grans maux s'adouciffent par le tems. Le fentiment s'em perd & s'en évanouit. La pauvreté, la honte, la maladie, l'abandonnement, la perte des amis, des parens, des enfans,, ne produifunt que des fecoufles paflageres, dont le mouvement fe rallentit peu à peu jufqu'a ce qu'il ceffe entierement.

L'ame trouve donc enfin quelque forte de repos ; & c'eft une chofe commune à tous les hommes, d'avoir en quelque tems de leur une affiette tranquille. Mais cette affiette eft fi peu ferme, qu'il ne faut prefque rien pour la troubler.

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La raifon en eft, que l'homme ne s'y fou tient pas par l'attache à quelque vérité folide qu'il connoille clairement; mais qu'il s'appuye fur quantité de petus fomicus; &

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CHAP. voir befoin de la terre pour le foutenir,. XI. ce que c'eft la condition naturelle de to corps, mais que l'on ne dit, qu'il eft for que lorfu'il a befoin d'appuis étrang qu'il le faut porter, ou qu'il fui faut un b & que le noindre vent eft capable de le veifer; de même ce n'est pas une foible l'ame d'avoir befoin de s'appuver für que chofe de veritable & de folide, & pouvoir pas fubfifter comine fufpend: T'air fans être attachée à aucun objer: c'eft une foibleffe, clle eft effencielle creature, qui ne fuffifant pas à elle-mê befoin de chercher ailleurs le foutien ne trouve pas en foi.

4.

Mais la foibleffe veritable de l'ame fifte en ce qu'elle s'appuye fur le néan me dit l'Ecriture, & non fur des Ifai. 19. réelles & folides; ou que fi elle s'app la verité, cette verité ne lui fuffit n'empêche pas qu'elle n'ait encore b mille autres foutiens, par la fouftract quels elle tombe incontinent dans l'a ment. Elle confifte, en ce que le i fouffle eft capable de la faire fortir d de fou repos, que les moindres ba l'ébranlent, l'agirent, la tourmente qu'elle ne peut refifter à l'impreffion d chofes, dont clle reconnoit elle-m fauffeté & le néant.

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