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V.

mander à Dieu de voir bien loin autour de CHAP. nous, il fuffit de voir où il faut mettre nos piés, & que Dieu nous découvre la volonté a mefure qu'il eft befoin de l'executer.

Plus nous étendons notre vic, moins nous voyons clair dans le chemin où nous marchons. Et c'eft pourquoi le Sage nous avertir que la vraie fineffe eft de bien connoître, non la voie des autres, mais fa voie propre. Sapientia callidi eft intelligere viam Juam, & que le fin est toujours occupé du foin de confiderer où il placera fes pas: Af- ibid. tutus confiderat greßus fuos.

Mais cette voie que l'on doit connoître, ces pas que l'on doit conduire, ne marquent pas feulement les actions exterieures qu'il faut regler felon la loi de Dieu; mais aufsi les mouvemens interieurs de notre ame. Car le coeur a fes pas, & fa voie; & tout cela n'eft autre chofe que fes affections, c'eft-à-dire, fes defirs, fes craintes, fes efperances, qu'il doit tâcher de rendre conformes à la loi de Dieu, en n'aimant rien que ce qu'elle approuve, & en rejettant tour ce qu'elle condanne,

Enfin faint Paul demande generalement à Dieu qu'il lui faffe connoître la volonté : Domine, quid me vis facere? Il n'excepte rien. Il préfente à Dieu un coeur préparé à l'execution de tous fes ordres. Et il nous apprend par-là que lorfqu'on demande à Dieu de connoitre fa volonté, il faut avoir un defir fincere de la connoitre toute entiere, & qu'il ne faut pas avoir dans le cœur des réferves volontaires, par lesquelles nous

Prov

14.8.

v. If

V.

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CHAP. que point, de peur de nous croire obligés de l'accomplir. Car un des plus grans & des plus ordinaires défauts des hommes c'eft de ne vouloir pas connoitre la volonté de Dieu, lors même qu'il femble qu'ils lui demandent avec plus d'ardeur la grace de la connoitre. Nous avons prefque tous de certains défauts aufquels nous ne voulons pas toucher, & que nous cachons autant qu'il nous eft poffible à Dieu & à nousmêmes. Et c'eft pourquoi faint Paul ne fouhaite pas feulement aux Coloffiens qu'ils connoilent la volonté de Dieu; mais il leur fouhaite encore qu'ils foient remplis de cette connoiffance: ut impleamini agnitione voluntatis ejus; c'est-à-dire, qu'il n'y ait point de replis fecrets dans leur efprit, & dans leur coeur où cette dvine lumiere ne penetre, & qu'ils n'ayent point d'attaches volontaires qui empêchent que Dieu ne les remplifle de la lumiere & de fa

Coloß

I. 9.

grace.

Mais il y a bien des gens, ou qui ne font point, cette priere, ou que ne la font pas comme il faut. Car combien en voit-on qui font des heures entieres de méditation par jour, & qui néanmoins ne penfent jamais à des défauts que tout le monde connoit en eux, & qu'ils ignorent feuls toute leur vie? C'eft qu'ils les ont mis d'abord en réferve. Ils expofent a Dieu tout le refte de leur cœur: mais pour ce repli où ils ont mis ces imperfections qu'ils cheriffent, ils le donnent bien de garde de le découvrir. Cependant ils font des proteftations génerales qu'ils ne defirent rien tant que de connoitre la volonté de Dieu. Ils recitent tous les jours ce Pleaume

V.

oui ne contient que cette unique priere, & CHAP. il leur femble qu'ils le font de tout leur cœur. Mais c'eft qu'outre ce cœur qui prononce ces prieres, ils en ont encore un autre qui les défavouc. Ils en ont un pour Dieu, & un pour eux-mêmes. Ils en ont un qui defire d'obéir à Dieu dans quelques actions qui ne leur font pas fort penibles, & ils en ont un autre, qui voulant demeurer attaché à certaines chofes, ne veut pas connoître qu'elles foient mauvaises. Et ainfi ils font du nombre de ceux que le Sage menace par ces paroles: Va duplici corde, MALHEUR à Eccli. 2 ceux qui ont un cœur double; & dont il dit 14. qu'ils ne réufliront pas, parcequ'ils marchent par une double voic. Cor ingrediens ibid. duabus viis, non habebit fucc Jus. Le cœur 28. qui marche par deux voi s ne reusfira point.

j

C'eft ce qui nous fait voir qu'il ne fuffit pas de demander à Dieu la connoiffance de fa volonté; fi l'on ne lui demande encore ce cœur fimple qui n'ait point d'autre defir que de l'accomplir. C'eft pourquoi le Prophete n'appelle pas heureux fimplement ceux qui témoignent à Dieu de vouloir connoître fa loi; mais ceux qui la fondent jufques dans le fond, & qui la cherchent de tout leur cœur, Beati qui fcrutantur testimo– Pf. 118, nia eus, in toto corde exquirunt cum: qui ne 2. fe bornent point dans le defir de fervir Dieu, & qui lui peuvent dire avec le même Prophete: Je vous ai cherché de toute l'étendue ib. v. 10, de mon cœur, ne me rejettez pas de la voie de vos préceptes. In toto corde meo exquifivi te, ne repellas me à mandatis tuns. Ce font ces

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droit chemin Simplicitas juftorum diriget, eos, parceque Dieu ne manque jamais declairer ceux qui n'ont point d'autre defir que de le fuivre:

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Qu'il n'y a point d'exercice du matin plus na"turel que de demander à Dieu qu'il nous faffe connoitre, & fuivre sa volonté, & de regler par avance fes actions, parce que l'on en connoîtra. Que l'attention à cette volonté eft le vrai exercice de la prefence de

Dieu.

Plutse des pré pour le matin, & plufieurs
PLufieurs
Lufieurs perfonnes demandent des exer-

perfonnes en prefcrivent, chacun fuivant
en cela fes lumieres & les mouvemens de fa
pieté. Mais il femble qu'il n'y en ait point
de plus naturel ni de plus utile que de s'of-
frir à Dieu, comme S. Paul, pour accomplir
fa volonté pendant le jour; de lui deman-
der la grace de la connoitre; de prévoir fes
actions; de les regler fuivant les lumieres
qu'il nous donne, & de le prier de nous
donner la force d'accomplir ce qu'ils nous
fait connoître de fa volonté. Car il ne fe
faut pas contenter de demander à Dieu en
general qu'il nous éclaire fur nos devoirs, il
le faut confulter fur chaque action particu-
licre, & non feulement fur l'exterieur des
actions, mais auffi fur les difpofitions in-
terieures, afin de tâcher dans la fuite du
jour de les pratiquer avec cet efprit, &

a

VI.

dans ces difpofitions. Ceft en cette ma- CHAP. niere que l'on obferveroit cet avis du Sage, de s'entretenir avec les préceptes de Bieu dès fon réveil : Et evigilans loquere Prov. 6.

cum eis.

2.2.

lib. 3. de

Trin. C

C'eft proprement là l'idée que faint Auguftin avoit de la veritable picté. Et c'eft pourquoi nous voulant former celle d'un Lage, c'eft-à-dire, d'un vrai Chrétien, il le reprefente par ces paroles: Concevons, ditil, dans notre efprit un homme fage, dont l'efprit est éclairé par la verité éternelle & immuable, QUI LA CONSULTE SUR TOUTES 3. n. 8. SES ACTIONS, ET QUI N'EN FAIT AUCUNE QU'IL NE VOIE DANS CETTE VERITE QU'IL LA DOIT FAIRE, afin qu'en lui obéißant, & s'y Joumettant, il agißße justement. Mais il ne faut pas s'imaginer que ceux qui ne font pas fages, c'eft-à-dire, ceux qui ne font pas dans ce dégré de perfection, foient difpenTes par là de confulter cette loi; ils y font auffi obligés que les plus fages: & ce qui fait même qu'ils ne le font pas, eft qu'ils ne la confultent point, & qu'ainfi il eft impoffible qu'ils agiffent bien, puifque bien agir n'eft autre chofe qu'aimer cette loi, sy foumettre & la fuivre dans fes ac

tions.

Mais il ne faut pas fe contenter de confulter feulement la foi de Dieu & fa justice au commencement du jour, il faut autant qu'il eft poffible, ne la point perdre de vûe: & fur-tout dans toutes les nouvelles actions qui n'entrent pas dans l'ordre que l'on s'eft preferit, il eft neceffaire de jetter un regard vers Dicu pour lui demander ce qu'il

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