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1668.

fa Couronne. La Reine qui étoit Françoi-
fe (a) de nation, prétendit que fon mariage
n'avoit pu être confommé par Alfonfe,
& qu'il lui étoit libre de former de nou-
veaux liens, même avec le frere de fon
mari. Le Roi prenoit toutes fes maîtreffes
qu'il avoit eues en grand nombre pour
témoins de la fauffeté de l'accufation
& demandoit à faire fes preuves. Perfon-
ne ne s'intéreffa pour lui, & il fut con-
traint de figner fon abdication, après-
quoi on le relégua aux Terceres. Pen-
dant tout le tems que vécut cet imbé-
cille Monarque, D. Pedro ne prit que
titre de Régent. En mil fix cent foixan-
te-quinze on tranfporta Alfonfe dans une
fortereffe de Portugal où il mourut après
y avoir paffé huit ans. Le Chapitre de
Lifbonne, pendant la vacance du fiége,
déclara nul le mariage de la Reine, &
cette Princeffe, au moyen d'une difpenfe
qui lui fut accordée par le Cardinal de
Vendôme fon oncle, Légat à latere en
France, époufa le Régent, & conferva
fon titre de Reine.

le

Le Roi de France ajoute aux conquê

(a) Elle étoit fille du Duc de Nemours.

tes de l'année derniere celle de la Franche-Comté en quatorze jours ; cette Province eût pu tenir des campagnes entieres; mais les armes & l'or de Louis XIV. avoient engourdi le courage & les mains de tous les Gouverneurs; cette nouvelle confterna la cour de Madrid, & la força enfin de figner la paix avec le Portugal : ce Royaume fut reconnu pour libre & indépendant, & on ôta du blafon d'Efpagne les armes de Portugal; la Ville de Ceuta qui en mil fix cent quarante n'avoit pas fuivi le torrent de la révolution; refta à l'Efpagne; tel fut le fruit honteux du defpotifme d'Olivarrès, & d'une guerre de vingt-huit ans qui acheva d'anéantir les forces de la Monarchie Efpagnole; le Marquis de Liche, prifonnier de guerre à Lisbonne depuis la bataille d'Eftremos, négocia ce traité honteux de concert avec l'Ambaffadeur Anglois Sandvich.

Ď. Juan d'Autriche refufoit opiniâtrément le gouvernement des Pays Bas, & fe plaignoit que la Reine ne vouloit l'y envoyer que pour lui faire perdre fa réputation, attendu qu'il ne s'y trouvoit ni troupes, ni argent; depuis long-tems

ce Prince fouffroit avec impatience de fe voir exclus du Gouvernement où l'appelloient fa naiffance & fes talens.

L'Angleterre, la Suéde & la Hollande fe hâtent de figner un traité de ligue offenfive & défenfive pour conferver le refte des Pays-Bas à l'Efpagne; le Chevalier Temple, Anglois, mortel ennemi de la France, fut l'auteur du traité.

Le Roi de France, pour ne pas s'attirer fur les bras la meilleure partie de l'Europe, fit partir fes Miniftres pour Aix-la-Chapelle où l'on figna le traité qui lui affuroit fes conquêtes dans les Pays-Bas, à condition qu'il reftitueroit la Franche Comté.

Le Czar Alexis Michaëlowitz envoya à Madrid une célebre ambaffade, la Mofcovie n'en avoit point encore envoyé en Efpagne. L'Ambaffadeur propofa un traité de Commerce entre les deux Nations. Que pouvoit-on attendre d'un pareil traité? Les Mofcovites plongés dans la barbarie, ne pouvoient voyager en Europe, & les Efpagnols, Nation indolente, s'il en fut jamais, étoient-ils gens à commercer au fond du Nord?

D. Juan ofa blâmer tout haut la faix

d'Aix-la-Chapelle; mais c'est qu'il étoit mécontent de la Cour, car on devoit fe trouver heureux d'avoir obtenu la reftitution de la Franche-Comté; le Duc d'Aremberg obtint le Gouvernement de cette Province, qui en conféquence de fes privileges n'avoit point eu jufqu'alors de Gouverneur, & ne payoit point d'impôts; le Comte de Comerano, Vice-Roi de Sardaigne, eft affaffiné dans fon palais par les amis du Marquis d'Achi en repréfailles de la mort de ce dernier que Camerano avoit fait poignarder; on envoya dans l'Ile le Duc de S. Germain avec un pouvoir abfolu pour punir les coupables; ce Seigneur fut obligé d'avoir recours aux armes, de livrer des combats, & de prendre des Villes avant que de pouvoir réduire la moitié de la Sardaigne révoltée en faveur des amis du Marquis d'Achi.

Les Payfans du Royaume de Valence font taillés en pieces par des troupes réglées avec lefquelles ils oferent en venir aux mains. Tous ces troubles en annonçoient de plus grands; Dom Juan, à la tête de plufieurs Grands, imputoit au Pere Nitard les malheurs du Royau

me, & il voulut le faire enlever ; la Reine inftruite du complot, relégua le Prince à Confuegra, & faifit fes revenus & fes penfions; mais D. Juan fe fauva en Arragon, prit les armes, s'empara du château de Jacca, & menaça la Reine d'une guerre civile, à moins qu'elle ne renvoyât en Allemagne fon Confeffeur & fon Oracle.

1669. Le parti de D. Juan fe fortifia en peu de tems au point de faire trembler la Régente. L'Arragon, la Catalogne, les Ducs d'Offone & de l'Infantado, le Marquis de Liche, prefque tous les Grands fe déclarerent pour D. Juan; ce Prince marcha droit à Madrid avec deux mille chevaux; la Reine & fon Miniftre qui voyoient l'orage fe former depuis un an, n'eurent pas l'adreffe de le diffiper; le Duc de l'Infantado & le Marquis de Liche monterent à la chambre de la Reine, & la forcerent à confentir à l'éloignement du Pere Nitard, la Reine verfa des larmes avant que de foufcrire à cette propofition; mais le Jéfuite partit de la Cour la nuit du vingt-cinq Fevrier; on lui offrit en vain de la part de la Reine des fommes confidérables: Non, répon

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