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que; les Flibuftiers, ces brigands rassemblés de toutes les Nations dont nous avons déjà parlé, portoient le fer & le feu dans toutes les Ifles & fur les Côtes depuis plus de quinze ou vingt ans ; encouragés par leurs victoires & le butin immenfe qu'ils tiroient de leurs courses ils oferent infulter plus d'une fois les Villes & les Ports de mer les plus fameux; ils venoient de prendre l'année précédente Porto-Bello fous la conduite de l'Aventurier Morgan, perfonnage à qui il n'a manqué qu'une guerre plus légitime, un théâtre plus connu, & un Hiftorien pour acquérir un grand nom; la conquête de Porto-Bello exécutée avec fix cents hommes, malgré les obftacles les plus étonnans & des armées nombreuses, eft une entreprise dont le Général le plus habile fe feroit fait honneur; les Corfaires & leurs chefs s'enrichirent de plufieurs millions au fac de cette Ville. On ne peut lire fans douleur les cruautés, les infamies & les douleurs qu'exerçoient de pareils vainqueurs ; la République Romaine vers fa fin n'eut guères plus à fouffrir des Pirates qui rempliffoient la Méditerrannée, que

l'Amé

rique

rique de cette poignée de brigands; mais Rome trouva un vengeur dans Pompée, tandis que l'Amérique en attendit un en vain d'Espagne. Il n'eft peut-être pas inutile d'observer que les enfans des conquérans du nouveau Monde avoient tellement dégénéré de la valeur de leurs Peres, qu'à peine deux mille Américains Efpagnols ofoient en venir aux mains avec deux cents Aventuriers.

La Régente fe fignala par une action qu'on n'étoit pas, ce femble, en droit d'attendre d'une Princeffe 'foible & fuperftitieufe; elle ofa fupprimer dans le Milanez, fans le concours du S. Siége, une multitude de petits Couvens remplis d'hommes oififs & inutiles à l'Etat. Le Pape fe plaignit, mais on l'appaifa moyennant quelques légeres fatisfactions; Clément IX. étoit trop fage, trop éclairé, trop ami de l'ordre pour ne pas fentir l'abus de pareils établiffemens, ne pas approuver leur fuppreffion.

&

L'Espagne accéda cette année au traité de Weftminster conclu l'année précédente entre l'Angleterre, la Suéde & la Hollande pour lui garantir les Pays-Bas qu'on craignoit que la France n'englou

Tome V

B

tît en reconnoiffance des fecours que promettoit la Suéde, la Cour s'engagea à lui payer chaque année un fubfide d'un million.

L'amitié que la Régente confervoit pour le Jéfuite Nitard qu'on venoit de lui arracher, lui attira encore un nouvel affront; elle avoit demandé pour lui au Pape un chapeau de Cardinal; mais le Confeil d'Etat l'exigea en même-tems, & l'obtint pour l'Abbé Portocarrero ; mais la Reine eut le courage de braver toutes les contradictions qu'elle effuyoit au fujet de cet ancien favori, & lui obtint enfin dans la fuite, comme nous l'avons déjà dit, cette dignité éminente. 1670. Cependant le cri des Peuples abandonnés par D. Juan effrayoit la Reine; ils fe plaignoient qu'on les accablat d'impôts en pleine paix, & qu'on laiffât fubfifter les abus qu'on avoit promis de fupprimer; la Cour, pour ne pas les aigrir davantage, établit un Confeil, ou une Junte, qui ne devoit être occupé qu'à retrancher les dépenfes inutiles de la Cour, & à rétablir les finances; mais il eût fal→ lu de la vigueur, du concert & de l'habileté dans ceux qui compofoient ce nou

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veau Confeil, & il en fut de cette nouvelle inftitution comme de toutes les autres, elle devint inutile, ou plutôt onéreufe; les membres qui compofoient le Tribunal tirerent de gros appointemens, reçurent des préfens, & fermerent les yeux fur les brigandages des Financiers, fur les ufurpations du Domaine Royal & fur les abus; ce Confeil & tous les autres Confeils fouverains étoient eux mêmes des abus ; ils étoient remplis d'une foule inutile de Magiftrats & d'Officiers qui abforboient des fommes immenfes par leurs appointemens, & ne terminoient rien; on jugera de ce que ces Officiers coûtoient à la Couronne, quand on fçau

ra que

le feul Chancelier du Confeil des Indes Occidentales, ou de l'Amérique tiroit de fa charge plus de cent mille ducats par an, & que chaque Membre jouiffoit à proportion d'un revenu confidérable; le Maître de l'Amérique ruiné encore plus par fes courtifans, fes Financiers & une foule de gens inutiles que par de longues guerres, ne jouiffoit pas de plus de fept millions, toutes dépenfes faites pour foutenir l'éclat de fa Couronne, & pour défendre fes Etats en tems de guerre.

Bij

Une querelle éclatante de D. Juan d'Autriche avec le Comte d'Aranda Gouverneur de Sarragoffe, & créature de la Reine, manqua de rallumer la guerre civile; le Prince fe plaignit que le Comte eût attenté à fes jours par le poifon ; il ne nommoit pas la Reine, mais il n'y avoit perfonne qui ne s'apperçût qu'il la foupçonnoit d'être l'auteur fecret de ce crime; le Comte innocent fe défendit avec courage; la vérité perça, & D. Juan s'apperçut qu'il avoit été trompé par D, Antoine de Cordoue, délateur du Comte d'Aranda il abandonna l'impofteur au reffentiment de la Reine qui lui fit couper la tête.

Le jeune Roi eft attaqué d'une maladie qui le conduit aux portes du trépas. A la nouyelle du danger d'une tête fi précieufe, l'Efpagne fut dans les plus vives allarmes; l'Europe trembla, elle ne pouvoit regarder fans frayeur Louis XIV, jeune, vainqueur, puiffant, prêt à unir à fes Etats la plus vafte Monarchie de l'Univers. On n'apprit par-tout la convalefcence du Roi qu'avec tranfport; au refte, le retour de la fanté de Charles II, ne fit que différer les malheurs, les guer

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