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res & la révolution qu'on prévoyoit à la mort du jeune Roi.

Cadix effuya cette année un ouragań 1671. qui renverfa une multitude d'Eglifes, de palais & de maifons; un grand nombre de Citoyens périt accablé fous les débris des bâtimens renverfés; 60 vaiffeaux furent engloutis dans le Port; vers le même tems le feu prit à l'Efcurial, confuma une partie de ce fuperbe édifice, & entr'autres la bibliothèque la plus précieuse & la meilleure qui fût en Espagne.

Il femble que chaque jour de ce malheureux regne devoit être funefte à quelque partie de la Monarchie; le célebre Morgan, à la tête de fes Flibustiers, s'empara de l'Ile de Sainte Catherine, furprit Porto-Bello pour la feconde fois, & Panama; dans cette derniere Place il fit un butin de plufieurs millions.

Les malheurs de l'Espagne, la foibleffe de la Régente, la défunion & la molleffe des Grands & du Peuple faifoient perdre infenfiblement aux Efpagnols la haute confidération dont ils avoient joui en Europe, & fur-tout en Italie depuis près de deux fiécles; les Papes n'avoient ofé accorder de Bulles

aux Evêques de Portugal depuis la révolution de mil fix cent quarante, dans la crainte de choquer la Maison d'Autriche qu'on regardoit toujours comme l'arbitre de l'Italie; Clément X. (Altieri) leur en accorda cette année malgré les intrígues fecrettes de l'Espagne. La Cour n'avoit renoncé qu'extérieurement à ses droits fur le Portugal, elle attendoit une occafion favorable, des tems plus-heureux pour réunir une feconde fois ce Royaume à la Monarchie; le Comte de Caftel- Melhor, autrefois premier Miniftre & favori du Roi déthrôné, paffa à Madrid dans l'efpérance d'engager la Régente à rétablir Alfonfe VI. mais l'état des finances, la crainte des armes de Louis XIV. allié du Régent de Portu gal, & l'inquiétude que donnoit D. Juan, dont les deffeins fecrets étoient d'achever de dépouiller la Reine, ne permirent pas d'écouter des ouvertures qui auroient pu être fatales à la Maison de Bra

gance.

Louis XIV. négocioit alors auprès de la Reine pour la détacher de l'alliance de la Hollande dont il avoit médité la conquête pour fe venger des obftacles

que cette République avoit apportés à fes fuccès en mil fix cent foixante-huit. L'éloquence du Marquis de Villars, Ambaffadeur de France, ne perfuada point Anne d'Autriche; l'exemple de l'Empereur, de la Suéde & de l'Angleterre qui avoient abandonné cette Républi que au reffentiment des François, ne l'ébranla point. Elle ne ceffa jamais de répondre à toutes les inftances de Villars, que rien au monde ne lui feroit manquer de foi à fes Alliés; cette fermeté coûta cher à la Monarchie.

Les préparatifs immenfes de la France 1672. inquiétoient étrangement la Régente; elle craignoit que Louis XIV. irrité de ce qu'elle n'eût pas voulu abandonner les Hollandois à fon reffentiment, ne fondît fur les Pays-Bas, & ne les envahît en un feule campagne. On fe hâta d'envoyer des ordres en Flandres pour se préparer à une vigoureuse défense; les allarmes cefferent, lorfqu'on apprit que Louis XIV. à la tête de cent mille hom mes, & fuivi de fes Généraux alors les plus habiles de l'Univers, étoit entré en Hollande; mais la terreur fe répandit dans toute l'Europe, quand on fçut

qu'en moins d'un mois le Roi de France avoit pris quarante Places fortes, & conquis les deux tiers des fept Provinces ; qu'Amfterdam n'avoit été fauvée que par l'indolence d'un Officier François qui négligea de s'emparer des Eclufes de Muyden; cependant le courage défefpéré des Hollandois qui, après avoir en vain oppofé au vainqueur leurs fortereffes, leurs fleuves & leurs armées, venoient d'inonder eux-mêmes ce qui leur reftoit de Pays pour arrêter le vainqueur, détermina l'Espagne à leur envoyer les fecours qu'ils réclamoient avec inftance; Marfin marcha avec dix ou douze mille hommes, & joignit le Prince d'Orange à qui un Parti puiffant avoit immolé les de Vits, les premiers Magiftrats de la République, & fes ennemis ; la Hollande accoutumée à voir dans les Princes d'Orange fes Héros & fes vengeurs, venoit d'élever à la dignité de Stadhouder Guillaume qui n'avoit que vingt-un ans.

La puiffance énorme de Louis XIV. qui en un mois faifoit plus de mal à la Hollande que l'Espagne ne lui en avoit fait en foixante & dix ans de guerre,

ef

Fraya & étonna l'Espagne; CharlesQuint n'avoit pas paru plus formidable à la liberté de la République Chrétienne; on fuppofoit au Roi de France une ambition plus ardente & plus profonde avec plus de reffources & de tréfors, une meilleure difcipline, & de plus habiles Généraux. La fierté avec laquelle il parut triompher, & les conditions trop dures qu'il voulut impofer aux vaincus qui imploroient la paix en fupplians, rendirent à la Hollande des Alliés que l'orgueil de cette République avoit écartés pendant fa profpérité; déjà l'Electeur de Brandebourg, d'autres Souverains de l'Empire & leur Chef Léopold, qui tous avoient fouhaité l'humiliation de la Hollande, & non fa deftruction, fe déclaroient en faveur de la République ; déjà les Anglois mêmes qui avoient confpiré de concert avec les François la ruine de la Hollande dont ils devoient partager les dépouil les, jaloux & inquiets des progrès rapides d'un Allié plus heureux qu'eux, cherchoient à fe détacher d'une ligue à l'aide de laquelle Louis XIV. auroit pu fe rendre maître de l'Europe.

En attendant des fecours plus puif

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