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AN.1560.

CXXXVII.
Ils arri-

vent à Or

leans & y

entrent.

caufe la caufe du roi, & aufquels on s'oppofe roit plus sûrement de loin. Mais le roi de Navarre ne se sentant coupable d'aucun crime, ne défera point à ces avis. Il crut qu'en se retirant, il contenteroit des ennemis qui ne cherchoient qu'à être feuls les maîtres de toutes choses; qu'il devoit fe fier à fon innocence, & aux promeffes du roi; & le prince de Condé n'eut pas de peine à entrer dans ces mêmes fentimens, par la confiance qu'il avoit en lui-même. Ainfi ils retournerent tous deux à Poitiers, où par les ordres de la reine mere, ils furent honorablement reçûs par le maréchal de Termes.

Ils entrerent donc dans Poitiers & continuerent enfuite leur chemin jufqu'à Loches, où le même de Termes les accompagna avec des troupes qui marchoient à côté d'eux, mais d'affez De Thom loin, afin qu'il ne parût pas qu'ils fuffent déja prifonniers. Enfin ils arriverent à Orleans le trenLa Popeli- tiéme d'Octobre. Le duc de Montpenfier & le Davila 2. Prince de la Roche-fur-Yon furent les feuls qui

lib. 26.

niere 1. 6.

vinrent au-devant d'eux avec une fuite fort mediocre. Lorfque le roi de Navarre, fuivant la prérogative de fon rang, voulut entrer à cheval dans la cour du logis du roi, qui avoit pris la maifon de Grolot, bailli d'Orleans, les gardes refuferent d'ouvrir la porte, & les deux princes furent obligés de defcendre de cheval, & d'entrer à pied par le guichet. Ils furent conduits devant le roi, fans que les Guifes qui leur montrerent beaucoup de froideur, quittaffent leurs places pour venir au-devant d'eux fuivant la coû tume. Le roi les mena dans la chambre de la rei ne fa mere, où les Guises ne les fuivirent point. Catherine les reçut avec beaucoup d'honnêtetés en apparence, affectant toutefois un visage trifte, & laiffant couler quelques larmes : le roi leur parla & toucha en paffant les crimes dont

on

on chargeoit le prince de Condé, & pour la juftification defquels on les avoit fait tous deux venir en cour.

AN.1560.

de Condé

Memoires

de Caftelnan.

1. 2. c. 10.

Belcar, in

n. 8.

Le prince fans s'étonner lui répondit d'un ton cxxxv111. ferme & avec beaucoup de confiance, que tous Le prince ces prétendus crimes dont on l'accufoit étoient elt arrêté de pures calomnies inventées par les princes de prifonnier. Guife, & que sûr de fon innocence, il avoit De Thos obéi aux ordres du roi devant lequel il pouvoit ut fup. aifément fe juftifier. Hé bien, repartit le roi, pour en mieux connoître la verité il la faut chercher par les voïes ordinaires de la justice. Puis fe retirant, il donna ordre à Philippe de Maillé- com.lib. 29. Brezé & au fieur de Chavigni capitaine des gardes, d'arrêter le prince. Il fut conduit dans une maison voisine, défendue par un bastion de briques, que l'on avoit construit à une des encognures qui regardoit fur trois rues, & fur lequel on avoit mis quelques petites pieces de canon. même tems l'on fit griller les fenêtres de cette maifon, & l'on en fit boucher plufieurs portes. Pendant qu'on le menoit en prifon, il appella fouvent à témoin la foi du roi & du cardinal fon frere, qui l'avoit livré lui & toute fa maison à fes ennemis. Le roi, tous les grands, & même le chancelier de l'Hôpital, quoique malgré lui, avoient foufcrit à cette refolution, prife, disoita on, par le confeil du marechal de Briffac, qui remontra qu'en femblable occafion il ne falloit avoir égard ni à la dignité ni à la perfonne, & punir les coupables de quelque rang qu'ils fuffent.

En

Quoique le roi de Navarre fût plus libre en CXXXIX.

On donne

au roi de

Navarre & on arrête

apparence, il étoit néanmoins fecretement gar- des gardes dé; car outre qu'on lui ôta tous ceux de fa fuite, on ne mit autour de lui que des perfonnes qui obfervoient toutes fes paroles & toutes fes actions, en lui laiffant toutefois la liberté de parler à ceux qui venoient le voir. Aimery Bouchard

chan

plufieurs de Les gens.

AN.1560.
De The

chancelier de ce prince fut auffi arrêté par Guy de Chabot seigneur de Jarnac, avec tous fes papiers, & conduit à faint Jean d'Angely, où il Belcar. ut fut veillé de fort près, de peur que s'il venoit à Sup.

Lib. 26.

CXL.

mourir par le poison ou autrement, on ne perdit par fa mort les preuves des crimes dont on vouloit charger fon maître. Le comte de Carouges fut envoié à Anify proche Laon, pour prendre Magdeleine de Mailly doüairiere de Roye, belle-mere du prince de Condé, femme d'un grand efprit, mais très-opiniâtre dans la prétendue réforme. Elle fut arrêtée avec toutes les lettres qu'elle avoit, & on l'enferma dans le château de faint Germain en Laye, comme criminelle de leze-majefté. Renée de Ferrare bellemere du duc de Guife, qui étoit venuë d'Italie en France à caufe de la religion, vint à Orleans pour faluer le roi, & après avoir fort déploré l'état prefent des affaires, elle blâma fort fon gendre, & lui témoigna que fi elle fût arrivée avant la prife du prince de Condé, elle l'eût empêché. Elle lui confeilla de menager davantage les princes du fang; elle ne pût même s'empêcher de dire, que cette plaie faigneroit long-tems, & qu'on ne s'étoit jamais bien trouvé d'avoir attaqué le premier les princes de la maison du roi; mais la chofe étoit trop avancée, & l'on n'en étoit plus maître.

En effet le roi avoit fait venir du parlement le Le prince de Conde prefident Chriftophle de Thou, Barthelemi & recufe fes Jacques Viole confeillers, Etienne Bourdin, projuges nom- cureur du roi, & Jean du Tillet greffier, qui més par le avec le chancelier de l'Hôpital allerent le treiziéme de Novembre trouver le prince de Condé. Ce prince refufa de répondre devant eux, diMem. de fant qu'il ne pouvoit être jugé que par le parle Caftel.1.2. ment, toutes les chambres affemblées, le roi y prefidant accompagné des pairs de France. Sur

roi.

De Thon

lib. 26.

6.10.

се

AN.1560.

ce refus le confeil du roi declara que s'il ne répondoit devant les juges nommés par le roi, il feroit reputé convaincu du crime de leze-majesté, & que cependant les témoins feroient oüis, recolés & confrontés. La princeffe de Condé voïant qu'à la pourfuite des princes de Guife on vouloit juger fon mari, prefenta une requête au roi, & obtint qu'on lui donneroit deux avocats, que fa majefté nomma, Pierre Robert & François de Marillac, qui étoient les plus celebres du parlement. Et comme le prince de Condé, qui ne cherchoit qu'à tirer l'affaire en longueur, demanda qu'avant que de répondre, il lui fût permis de conferer avec la princeffe fa femme, le roi de Navarre & le cardinal de Bourbon fes freres, devant telle perfonne qu'il plairoit au roi ; on lui refufa cette grace, l'on obtint feulement qu'il pourroit leur écrire; on lui ôta tous fes gens, & l'on ne permit à perfonne de le voir. Le duc de Guife & le cardinal fon frere étoient réfolus de le perdre fans examiner s'ils fuivroient dans cette action les regles de la juftice, ou s'ils les violeroient. Ils vouloient auffi envelopper dans la même perte le roi de Navarre, mais il leur paroif- Deffein de foit plus difficile d'y réüffir, quoiqu'ils fentiffent faire affaffi bien que leurs interêts demandoient fa perte: car de Navarre ils voïoient bien que s'ils l'épargnoient, il venge- en prefenroit sur eux la mort de fon frere. Le maréchal ce du roi. de Saint-André qui avoit les mêmes idées, trou-, De Them va un expedient qu'il crut fort propre à tirer les Guifes de leur embarras, & à avancer la perte du roi de Navarre. Il propofa de faire venir ce prince dans la chambre du roi, & que lorfqu'il y feroit entré, François II. lui reprocheroit d'avoir eu part à la conjuration, & de s'être rendu auffi coupable que fon frere, pour avoir eu l'un & l'autre de pernicieux deffeins, funeftes à l'état & à la perfonne du roi. Il entreprendra de fe

justi

CXLI.

ner le roi

1.26.

AN.1560. juftifier, ajoûta le maréchal de Saint-André, il répondra même, felon toutes les apparences, avec autant de hardieffe que de confiance; on lui fera fur cela une querelle, & des gens apoftés exprès fe jetteront fur lui & le poignarderont. Le roi de Navarre fut inftruit de ce deffein; des amis même des Guifes l'en informerent. Il en fut d'abord inquiet, mais comme il lui étoit fort difficile de l'éviter, il fe rendit en la chambre du roi lorfqu'il y fut mandé, refolu de mettre la main à l'épée & de défendre fa vie fi on l'attaquoit. Il parut en effet devant François II. avec un air plein d'affurance, & en même tems avec beaucoup de refpect pour le roi; il baifa la main de ce prince en l'abordant & fe mit en devoir de l'écouter paifiblement fur ce qu'il avoit à lui dire; mais foit timidité ou repentir, François II. ne donna point de fignal dont on étoit convenu, & le roi de Navarre s'en retourna fain & fauf. Le celebre historien de Thou, après avoir rapporté ces faits, ajoûte : ceux qui ont laiffé ces chofes par écrit, (car pour moi je ne voudrois pas les affurer comme vraies ) difent que quand le roi fortit de fa chambre le duc de Guife s'écria en colere: O prince timide & lâche !

CXLII.

fier à la rei

1.26.

La reine mere apprehendant le trop grand pou Avis de la voir des Guifes, fe trouvoit dans de grandes inducheffe de quietudes, lorsque la ducheffe de Montpenfier Montpen voulant profiter de ces conjonctures, l'avertit ne mere. d'arrêter de bonne-heure le crédit de ces princes, De The fans attendre qu'ils fuffent devenus plus puiffans par la mort du roi de Navarre & du prince de Condé leurs competiteurs. Que l'autorité du fils feroit inutile à la mere, fi étant une fois réduit fous le pouvoir des Guifes, ils avoient feuls le maniment & l'administration des affaires. Qu'elle devoit donc penfer à difpofer la nobleffe à fecou. rir le roïaume, à défendre la liberté, & à main

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