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dans les lettres ; & quoiqu'il y eût à Rhodes des écoles célèbres, il n'en fortoit ni poëtes ni orateurs; tant on y préféroit fans doute les arts du ftatuaire & du peintre à ces talens d'un autre genre qu'on déployoit avec tant de gloire dans Athè

nes.

Qu'on n'aille point conclure de ceci, que les lumières manquent en Italie : non; les fciences y font en honneur & cultivées par des efprits diftingués. On y trouve des hommes qui font des prodiges d'érudition, qui fe connoiffent aux arts mieux que dans le refte de l'Europe, & la raifon en eft bien fimple; l'habitude d'en jouir les leur rend familiers. Les bons Critiques n'y font pas rares. Tous les genres d'efprit appartiennent aux Italiens la nature ne fe rebute point de donner à certains climats des hommes qui feroient encore tout ce qu'ils ont été, s'ils fe trouvoient placés dans des circon flances plus favorables.

:

Peut-être un jour viendra où le midi fe remettra en poffeffion de fon domaine,

Les arts lui appartiennent en propre, puifqu'ils font originaires de ces climats, & que le refle de la terre ne les a obtenus qu'à force de foins & d'effais long-tems malheureux. Une certaine façon de penfer, de nouvelles manières de voir, des changemens heureux opérés dans les langues, peuvent amener cette révolution. L'on quittera peut-être la routine des fiècles précédens. On laifssera à Pétrarque fa gloires mais on ceffera de faire des fonnets. Les poëmes de chevalerie dont Richardet a été une fi heureuse imitation dans ces derniers tems, feront place à des ouvra ges d'un ton plus fage & plus approchant de la belle antiquité. Il ne faut point défefpérer d'un peuple qui a fous fes yeux les plus précieux reftes des fiècles de fa gloire. Le feu du génie eft encore dans ce pays; il y eft caché fous la cendre: il ne faut qu'une étincelle pour le rallu mer. Alors l'Italie ceffera, pour mafquer fon indigence, d'oppofer aux excellens livres qui ont paru en Europe depuis cinquante ans, les compilations indigestes

de Muratori, écrivain laborieux, mais fans élégance, & les ouvrages de fes érudits qui contiennent des chofes utiles, mais qui manquent de ce feu que l'on trouve dans les anciens & dans quelques modernes d'au-delà des Alpes. Les amis de l'humanité & des lettres applaudiront à cette heureuse révolution que celui qui écrit ceci défire de tout fon cœur; bien loin qu'on doive le foupçonner d'avoir voulu, en difant librement ce qu'il penfe, offenser perfonne, & faire la fatyre d'une nation pour laquelle il a toujours eu la plus haute eftime.

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CHAPITRE IV.

DE L'ESPAGNE.

L'ESPAGNE ancienne fut fréquentée, envahie, déchirée par différens peuples qu'y attiroit la fertilité du fol, la richesse des mines, la facilité du commerce & l'ambition des conquêtes. Les Phéniciens, les Phocéens, les Carthaginois, les Romains s'y établirent tour-à-tour. Ces peuples firent peu de chofe pour la civilisation des Espagnols, à l'exception des Romains. On ne voit pas que les Phocéens, par exemple, leur aient rendu dans ces tems reculés, le même fervice qu'ils rendirent aux habitans des Gaules, en leur infpirant un certain goût pour les arts & les commodités de la vie. Les Carthaginois ne firent pas davantage pour avancer les progrès de l'Espagne. Il étoit réfervé aux Romains de tirer ce pays de l'obscurité, en y faisant naître la première aurore des arts. L'établissement d'un grand empire, tel que celui de Rome

dont l'Espagne devint une des plus belles provinces, introduifit chez les Efpagnols le goût de la langue romaine. Il se forma plufieurs villes confidérables où les lettres latines furent cultivées, car pour les anciennes langues du pays, il n'en reste point de traces dans l'antiquité,

Il paroît que dès le tems d'Horace, le latin étoit une langue commune en Efpagne. Cela venoit du long féjour des Romains dans cette contrée. Ils y étoient depuis deux fiècles; ils y avoient de grandes armées, & beaucoup d'Italiens s'y établiffoient, attirés fans doute par le commerce & leurs vafles poffeffions. Les études ne tardèrent pas d'y fleurir ; cela devoit être chez une nation naturellement fpirituelle, dont le génie étoit encore irrité par l'ambition & les efpérances que donnoit le grand théâtre de Rome.

Auffi voyons-nous dès le tems de Claude, plufieurs Espagnols fe diflinguer par leurs talens dans la Capitale du monde, Les deux Sénèques, le tragique & le philofophe, étoient nés en Efpagne. Térence

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